La Poste sénégalaise : Ousmane Sonko lance une réforme d’urgence pour sauver un géant en crise

diatiger
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Le compte à rebours est lancé. Réuni le 1er septembre à la Primature, le gouvernement sénégalais, sous la conduite du Premier ministre Ousmane Sonko, a adopté un ambitieux plan de sauvetage et de transformation du Groupe national La Poste, un mastodonte public à la dérive depuis plus d’une décennie.

Le symbole est fort : sauver La Poste, ce n’est pas simplement recapitaliser une entreprise en faillite. C’est préserver un instrument historique de cohésion sociale, d’aménagement du territoire et d’inclusion financière. Un réseau tentaculaire devenu, au fil des ans, l’ombre de lui-même.

Une lente descente aux enfers

Née de l’ancienne Office des Postes et Télécommunications, la Société nationale La Poste s’est peu à peu enlisée dans une crise structurelle. En 2024, les chiffres faisaient froid dans le dos : plus de 100 milliards FCFA de pertes cumulées, 156 milliards de fonds propres négatifs, un parc automobile obsolète à 80 %, et des comptes clients en déficit de plus de 9 milliards FCFA. Des dysfonctionnements internes aggravés par un déficit chronique de gouvernance : pas de publication des états financiers pendant plus de six ans, absence de contrôle externe depuis quinze ans, et une inflation des effectifs (+60 % en dix ans) sans stratégie claire.

Dans le sillage de cette dérive, les filiales n’ont pas échappé à la tourmente. Postefinances est plombée par plus de 3 milliards de fraudes documentées et 17 milliards de capitaux propres négatifs. EMS Sénégal, censée incarner la branche dynamique du courrier express, a perdu sa compétitivité.

L’urgence d’une transformation systémique

Face à cette débâcle, le Conseil interministériel présidé par Ousmane Sonko a acté une rupture stratégique. L’enjeu n’est plus simplement de redresser une entreprise en difficulté, mais de repenser radicalement son modèle. L’objectif est clair : faire de La Poste un levier de souveraineté économique, sociale et numérique.

Le plan gouvernemental repose sur deux piliers : un redressement d’urgence d’ici décembre 2025, suivi d’une relance étalée jusqu’en 2029. La feuille de route est dense : recapitalisation, apurement des dettes fiscales et sociales, modernisation de la gouvernance, audit comptable, mise en œuvre d’un plan de départs négociés, et valorisation d’un patrimoine immobilier aujourd’hui sous-utilisé.

Parallèlement, le gouvernement entend muscler l’arsenal juridique et réglementaire avec la finalisation du Code des postes et la mise en place d’un Fonds de développement du service postal universel.

Vers une Banque postale et une diversification assumée

Au cœur de cette refondation se trouve la mutation de Postefinances en Banque postale, à horizon 2029. Une transformation qui nécessitera un assainissement rigoureux et une ouverture partielle du capital au secteur privé. Ce projet s’inscrit dans une logique d’inclusion financière renforcée, notamment en zones rurales, et dans une volonté politique de mobiliser l’épargne nationale et celle de la diaspora.

La Poste est également appelée à diversifier ses activités. Outre les services classiques, elle pourrait se positionner dans le courtage d’assurance, les paiements de masse, la logistique des valises diplomatiques et même le e-commerce transfrontalier. Le gouvernement appelle les ministères et agences à privilégier ses services pour leurs besoins logistiques et financiers.

Un tournant historique sous haute surveillance

Mais ce chantier titanesque ne va pas sans risques. Le climat social fragile, les résistances internes, les lenteurs bureaucratiques et l’urgence de résultats tangibles pourraient compliquer la tâche. La confiance des usagers et des agents devra être reconquise. La Poste, aujourd’hui sauvée de l’effondrement, n’aura pas droit à une seconde erreur.

Ce plan est aussi une vitrine politique pour Ousmane Sonko, qui joue ici une carte double : prouver sa capacité à réformer l’État en profondeur et à restaurer la souveraineté économique du pays par des instruments publics rénovés. Le succès – ou l’échec – de cette réforme pourrait bien peser lourd dans le bilan du nouveau pouvoir.

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