Classement économique : quand le débat sur le “top 10 des économies dynamiques” manque sa cible

diatiger
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À en croire certains discours politiques, le Sénégal se verrait injustement relégué « en queue » d’un classement des économies africaines les plus dynamiques en 2025, selon les projections du Fonds monétaire international (FMI). Pourtant, un examen plus précis des données révèle une réalité tout autre et suscite une question : pourquoi tant d’emphase sur la politique quand la discussion pourrait porter sur l’économie ?

Un classement mal interprété

Plusieurs médias annoncent un “top 10” des économies africaines les plus dynamiques en 2025 d’après le FMI, affirmant que le Sénégal figure parmi les derniers. Or, selon les données les plus crédibles disponibles, ce n’est pas le cas. Par exemple, Pulse Nigeria le classe au 10ᵉ rang, à 6,0 % de croissance attendue, derrière des pays comme la Gambie (6,0 %) et la Guinée. D’autres sources, comme Africa Business Insider, indiquent des projections proches autour des 6 % pour le Sénégal.

Paradoxalement, certaines publications sénégalaises évoquent un taux de croissance plus élevé, autour de 8,4 % en 2025, mis en avant comme l’un des plus élevés de la région subsaharienne. Cette contradiction statistique alimente la confusion : selon quelle version du “classement FMI” parle-t-on ?

Le vrai débat, oublié

C’est ici que ton observation — que “au lieu de débattre de l’économie, on ne fait que de la politique” — prend tout son sens. Le risque est double :

  1. La politique instrumentalise les chiffres : certains y voient un argument électoral ou symbolique, sans creuser les dynamiques réelles qui sous-tendent la croissance (investissements, réformes, dette, vulnérabilités externes).
  2. Le débat économique est négligé : au lieu d’analyser les moteurs de la croissance, on se concentre sur un classement superficial. Résultat : on passe à côté de questions importantes — la durabilité de la croissance, les disparités régionales, les marges de manœuvre budgétaires, les risques d’endettement.

Un aperçu des vrais moteurs

Les perspectives économiques de l’Afrique subsaharienne pour 2025 restent contrastées. Selon le FMI, la croissance régionale devrait se stabiliser autour de 4,1 %. Certains pays émergent comme des “performeurs” particulièrement dynamiques : le Soudan du Sud, qui s’annonce en tête selon Pulse Nigeria, avec des prévisions de croissance très élevées, la Guinée portée par l’export minier, l’Éthiopie grâce aux infrastructures, ou encore le Rwanda.

Quant au Sénégal, son potentiel repose sur des leviers concrets : développement des secteurs des hydrocarbures (gaz, pétrole), infrastructure, et réformes soutenues. Ses projections de croissance élevées (selon certains médias sénégalais) témoignent de cette ambition.

Pourquoi le “classement” importe, mais ne suffit pas

  • Instrumentalisation politique : un classement, par nature, simplifie et hiérarchise ; il peut servir à revendiquer un “échec” ou un “succès”, sans explorer les nuances.
  • Risques de fragilité : une forte croissance projetée ne garantit pas une croissance inclusive ou stable. Les chocs externes (prix des matières premières, taux d’intérêt, dette) peuvent rapidement changer la donne.
  • Nécessité d’un dialogue éclairé : au Sénégal comme ailleurs, le vrai débat devrait porter sur les politiques publiques, les investissements, la diversification économique, plus que sur les classements symboliques.

Le “top 10” des économies africaines les plus dynamiques en 2025 est certes un élément d’analyse, mais il ne devrait pas être réduit à un argument politique : il s’agit d’abord et avant tout d’un indicateur macroéconomique. En focalisant le débat sur un classement, on passe à côté des véritables enjeux de développement. Le défi pour le Sénégal — mais aussi pour d’autres nations — n’est pas de défendre sa place dans un palmarès, mais de bâtir une croissance solide, résiliente et durable.

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