Gracié par Jammeh, Abdoulaye Diouf raconte son calvaire de condamné à la peine capitale dans la prison « Mile 2 » en Gambie
Après 27 ans passés dans le couloir de la mort de la prison centrale de Banjul, le sénégalais Abdoulaye Diouf dit Abdou Fall, originaire de Touba toul, a retrouvé les siens en juillet dernier. il a été gracié par le président Yaya Jammeh après que sa peine de mort a été communiée à la prison à perpétuité.
Abdoulaye Diouf dit Abdou Fall, originaire de Touba Toul, s’était expatrié en Gambie en 1986. Mais un an seulement après son arrivée, un coup du sort est venu bouleverser totalement sa vie. En 1987, il a été mêlé dans une affaire de meurtre sur un présumé voleur. Interpellé par la police gambienne, il a été placé sous mandat de dépôt avant d’être jugé la même année et condamné à mort. Depuis, il arpentait le couloir de la mort de la sinistre prison «Mile 2» de Banjul. Mais grâce à un coup du sort, il bénéficie en juillet 2015 d’une libération sans condition suite à une grâce présidentielle prononcée par Yaya Jammeh.
C’est après avoir effectué son service militaire qu’Abdoulaye Diouf dit Abdou Fall a décidé de se rendre au pays de Daouda Kayraba Diawara, Président de la Gambie de l’époque, pour tenter sa chance. Son expérience dans le service militaire aidant, il a décroché un poste dans le gardiennage dès son arrivée à Banjul. Au fil des mois, il a commencé à développer des activités économiques annexes comme l’élevage de moutons et la vente de poulets de chair. Des activités très florissantes à l’époque. Mais tout a basculé lorsqu’un voisin dont la maison était fréquemment cambriolée est venu lui demander un coup de main dans la surveillance de la maison. Et un jour tard dans la soirée, il a aperçu la lumière d’une lampe torche dans la maison du voisin.
Toutes affaires cessantes, il est allé voir de près ce se passait. C’est ainsi qu’il est tombé sur un homme au comportement douteux. Et dès qu’il lui a demandé ce qu’il faisait dans la maison, l’homme lui a administré un violent coup de gourdin. C’est ainsi que des voisins sont sortis pour crier au voleur. Violemment tabassé par la foule, le présumé voleur a rendu l’âme dès le lendemain à l’hôpital où il a été conduit. Abdoulaye Diouf raconte qu’à la suite de la dénonciation d’un individu l’a reconnu dans la foule, des policiers sont venus le chercher.
Après une garde-à-vue à la police, il a été déféré puis placé sous mandat de dépôt. Jugé la même année, il a été condamné à mort
DANS LE COULOIR DE LA MORT, IL DEVIENT L’IMAM DE LA PRISON
Abdoulaye Diouf a passé des nuits cauchemardesques à la prison de Mile 2, en pensant à tout moment à l’instant fatidique. «Mais malgré l’épreuve et cette peur ambiante, j’avais gardé la foi en Dieu. D’ailleurs en prison, je suis parvenu à renforcer mes connaissances du Coran et c’est ainsi que je suis devenu l’imam. C’est grâce à ce comportement que la directrice de la prison m’a convoqué un jour dans son bureau pour me confier le poste de chef de la cuisine de la prison.
27 ans, c’était à la fois long et dur, mais c’est cette considération que les gardiens et les autres détenus avaient à mon endroit qui a fortement baissé la pression », dit-il. En prison, il a appris l’anglais avant de décrocher en février 2000 le Certificat. Actuellement, il sait lire et écrire en anglais.
Le 22 juillet, alors qu’il avait définitivement perdu tout espoir de retrouver ses parents, Abdoulaye Diouf apprend une nouvelle qui va changer sa vie. «C’était un jour ordinaire pour moi, avec la corvée de cuisine qui était cependant devenue une routine. Alors que je venais de bosser durement en cette matinée, un jeune détenu de nationalité gambienne, qui m’appelait mon oncle, est venu se jeter dans mes bras pour m’annoncer que je venais d’être gracié. Evidemment je n’y croyais pas. En même temps, les souvenirs de mes 27 ans dans la prison ont commencé à défiler dans ma tête. Après la prière de 17 heures que j’ai dirigée comme d’habitude, nous avons écouté le discours de Yaya Jammeh à la radio et c’est ainsi qu’il a annoncé le nouvelle de sa propre bouche. Nous étions 26 Sénégalais concernés par la mesure. Après l’annonce, les deux jours d’attente ont été très longs, jusqu’à ce que le rêve devienne réalité le 24 juillet. On est venu nous chercher le matin vers 10 heures et après les formalités d’usage, on nous a embarqués dans un véhicule pour le Sénégal où nous sommes arrivés vers 6 heures du matin. D’autres formalités ont été faites à la police à Dakar avec le relevé des empreintes et chacun est allé rejoindre les siens», raconte Abdoulaye Diouf.
YAYA JAMMEH EST UN HOMME BIEN
Abdoulaye Diouf ne partage pas du tout l’image de despote sanguinaire collée à Yaya Jammeh. Pour lui, le Président gambien est un homme bien, respectueux de la personne humaine et qui ne supporte pas que sa dignité d’homme soit bafouée par qui que ce soit. Il a été incarcéré sous le magistère de Daouda Diawara et il n’a aucun reproche à faire au pouvoir gambien, parce qu’il a été condamné suite à de fortes présomptions de culpabilité qui pesaient sur sa personne. «Après avoir été gracié après 27 ans de privation de la liberté, j’affirme que je n’ai rien à me reprocher», affirme Abdoulaye Diouf.
Selon lui, le Sénégal doit davantage veiller sur le sort de ses fils qui sont à l’étranger. «Durant mes 27 ans de prison, seul l’ambassadeur Babacar Diagne nous a rendu visite. C’était la seule et unique visite. Contrairement au Nigeria par exemple dont l’ambassadeur venait régulièrement s’enquérir de la situation des détenus originaires de son pays. Je suis revenu en famille les mains vides après 28 ans d’absence. J’ai laissé en Gambie toute une vie qui commençait à se construire», se désole Abdoulaye Diouf.
lasquotidien