La cérémonie d’ouverture de la 3ème session de la Cour d’assises, présidée par le magistrat Ameth Diouf, en présence de Demba Kandji, 1er président de la Cour d’appel de Dakar, a fait une large part à la loi 2007-31 (et son corollaire, la loi 2008-50) criminalisant le trafic international des stupéfiants. Pour cause d’engorgement subséquent du rôle, au point de vouloir annihiler les efforts fournis par l’Etat. Le parquet général et le bâtonnat ont plaidé pour une nouvelle réforme.
« Avec plus de deux cent dossiers actuellement en attente d’être jugés », la Cour d’appel risque de se retrouver dans la situation embarrassante qu’elle avait réglée auparavant en diligentant les affaires par le rapprochement des sessions (tous les quatre mois). Les causes ont été identifiées comme découlant de l’adoption la loi 2007-31, modifiant la 95-103, et son pendant au niveau du code de procédure pénale (Loi 2008-50). Il y a pourtant unanimité sur la pertinence de l’objectif visé (c’est-à-dire l’esprit) de ces textes criminalisant le trafic international de drogues, en corsant les sanctions à l’encontre des trafiquants et de leurs complices. Cet avis est partagé par l’avocat général, Mbacké Fall et Me Mbaye Sène représentant le bâtonnier de l’ordre des avocats. En présence du Doyen de la faculté des Sciences juridiques, des chefs de juridictions et des représentants de la famille judiciaire et des forces de sécurité, dans une salle comble du nouveau palais de justice, le représentant du parquet général a fait la genèse de cet engorgement et proposé des pistes de solutions. Pour le haut magistrat, c’est par la lettre et son application que pêche le texte. En effet, le président Ameth Diouf lui-même précisera que l’esprit de la loi était le démantèlement des réseaux du trafic international.
Plus de deux cents dossiers en attente d’enrôlement
L’avocat général a saisi cette occasion solennelle pour « jeter un regard critique sur le procès pénal et proposer des voies et moyens d’en améliorer la cadence ». Parce que selon lui, alors que la présente session jugera 17 affaires, dont 3 assassinats, 3 meurtres et 5 infanticides, sur « 200 affaires qui attendent d’être enrôlées », 87 sont au chapitre du trafic de stupéfiants (pour 120 accusés) et 35 infanticides, dont 28 bénéficient de la liberté provisoire. Pour M. Fall, tout vient des modifications apportées pour alourdir la répression. En alourdissant les peines encourues, et en supprimant l’obligation d’enquête de personnalité et le double degré d’instruction, ces textes permettent de clôturer les dossiers en un temps record, mais engendrent conséquemment des retards dans l’enrôlement des affaires en instance d’être jugées. Pour l’avocat général, il est temps de poser le débat sur la réforme desdits textes, notamment la modification de la Loi 2007-31, « sans que l’esprit n’en pâtisse », dira-t-il. Il propose pour cela deux voies de solutions, à moyen terme et à court terme. Il s’agit de réformer la clause sur les circonstances atténuantes qui ressortent du pouvoir discrétionnaire du juge.
Tout en maintenant les peines lourdes (5 à 10 ans) à l’encontre des contrevenants. La solution à court terme vise à liquider les 200 affaires pendantes par « l’organisation de sessions exceptionnelles de 30 jours au siège ». Ce qui, selon Mbacké Fall, nécessite un budget conséquent et un personnel étoffé ». Il en appelle à une large concertation sur la question « pour une bonne administration de la justice ».
Pour conclure, le magistrat a soulevé la question des auteurs d’infanticides qui reviennent en jugement après une mise en liberté provisoire, pendant laquelle ils ont « refait leur vie ou entamé une autre ». Il propose pour cela la mise sous contrôle judiciaire, mais surtout leur conscientisation sur le lien qui les lie encore à la justice. Représentant du bâtonnier, Me Mbaye Sène s’est associé à l’avocat général dans ses appréciations de l’expérience et du sens des responsabilités du Président Ameth Diouf et de ses deux assesseurs, qu’il a appelés à « faire preuve de compréhension et d’humanisme ». Abondant dans le même sens, Me Sène a estimé qu’il est nécessaire de réformer, « quand un loi pose plus de problèmes qu’elle n’en règle ». Parce que selon lui, la question avait été réglée il y a quelques années. Aussi, a-t-il lancé : « le parquet le souhaite ; le barreau le demande et je suis persuadé que les magistrats du siège l’attendent. Le président Ameth Diouf a replacé la justice dans ses grands principes : la légalité, l’égalité et le contradictoire. Pour dire qu’il faut un bon équilibre des droits, afin que chaque partie puisse défendre sa cause. Pour Ameth Diouf qui estime que le respect de la loi est le gage de la vie sociale, en assurant la protection de l’homme, la loi 2008 visait à permettre le démantèlement des réseaux du trafic international de drogues. Il a salué les efforts considérables fournis par l’Etat, en termes d’amélioration des conditions de travail et du traitement du personnel judiciaire.
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