Quelques heures seulement après que la Commission électorale ivoirienne (CEI) a annoncé, jeudi 2 décembre, la victoire d’Alassane Ouattara à l’élection présidentielle, le Conseil constitutionnel a jugé ces résultats non valables. Selon la CEI, M. Ouattara a obtenu 54,1 % des voix. Son adversaire, le président sortant Laurent Gbagbo, a recueilli 45,9 % des suffrages lors de ce second tour.
Pascal Affi N’Guessan, directeur de campagne de Laurent Gbagbo, avait affirmé, peu de temps avant cette annonce, que les résultats provisoires donnant Ouattara vainqueur n’avaient pas de validité légale. « On attend la décision du Conseil constitutionnel, donc cette proclamation n’a pas d’intérêt pour nous », avait-il lancé. Selon lui, la Commission avait jusqu’à mercredi minuit pour publier les résultats du scrutin. « La CEI (est) forclose depuis minuit, donc il n’y a aucune validité juridique à cette proclamation », a-t-il dit.
Le délai légal de trois jours fixé à la CEI pour proclamer des résultats avait en effet expiré mercredi à minuit, sans que soit dévoilé le nom du vainqueur. Mardi soir, des représentants du chef de l’Etat au sein de la CEI avaient empêché physiquement l’annonce de résultats partiels.
Le camp Gbagbo conteste des votes « frauduleux » dans le Nord, tenu par l’ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) depuis le coup d’Etat manqué de septembre 2002. Pascal Affi N’Guessan a affirmé que les manœuvres d’intimidation des électeurs pratiquées par les FN dans le nord du pays avaient dissuadé les partisans du président sortant d’aller voter. Les adversaires de l’actuel chef d’Etat ivoirien estiment que la plus haute cour du pays n’est pas neutre car elle est dirigée par Paul Yao N’Dré, un proche allié politique de Laurent Gbagbo.
« Depuis hier [lundi], toutes les rues sont désertes, les véhicules ont arrêté de circuler », a déploré le chef d’état-major des armées, observant que « des SMS fusent de partout, des rumeurs courent la ville ».
« Depuis hier [lundi], toutes les rues sont désertes, les véhicules ont arrêté de circuler », a déploré le chef d’état-major des armées, observant que « des SMS fusent de partout, des rumeurs courent la ville ». AFP/ISSOUF SANOGO
Les Etats-Unis, par la voix de Susan Rice, ont immédiatement réagi, déclarant que le Conseil de sécurité, dont ils assurent la présidence tournante ce mois-ci et qui s’est réuni d’urgence jeudi sur le dossier ivoirien, est prêt à prendre des « mesures appropriées contre ceux qui bloquent le processus électoral et, particulièrement, le travail de la CEI ».
De son côté, le bureau du procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a affirmé qu’il « surveillait » la situation en Côte d’Ivoire. « Si des violences post-électorales relevant de la compétence de la CPI sont commises et que les autorités ivoiriennes ne font pas tout ce qui est possible pour enquêter dessus, alors la CPI le fera », a souligné la procureure adjointe de la CPI, Fatou Bensouda.
Des habitants d’Abidjan prennent en photo le local du Rassemblement pour la démocratie, attaqué dans la nuit du mercredi 1er au jeudi 2 décembre.
Des habitants d’Abidjan prennent en photo le local du Rassemblement pour la démocratie, attaqué dans la nuit du mercredi 1er au jeudi 2 décembre.AFP/ISSOUF SANOGO
VIOLENCES À L’ISSUE DU SCRUTIN
Le tensions post-électorales font craindre une reprise des violences dans le pays. Une première flambée de violence a éclaté dans la nuit de mercredi à jeudi, avec l’attaque d’un bureau du candidat Alassane Ouattara à Abidjan, qui a causé la mort de plusieurs personnes. Selon les sources, le bilan de cette attaque dans un bureau du Rassemblement des républicains (RDR) dans le quartier populaire de Yopougon, qui reste encore confus, est de quatre à huit morts. Tôt jeudi, le siège local du Front populaire ivoirien (FPI), le parti du président sortant Laurent Gbagbo, situé à 300 mètres de celui du RDR à Yopougon, a lui aussi été l’objet d’une attaque, faisant « deux blessés », a indiqué l’un de ses responsables, Lazare Zaba Zadi.
Les quinze pays du Conseil de sécurité de l’ONU ont entamé jeudi des consultations urgentes sur la situation en Côte d’Ivoire, après les appels répétés de la communauté internationale à l’apaisement et à la publication des résultats depuis mercredi. Jeudi, Navi Pillay, haut commissaire de l’ONU pour les droits de l’homme, a dit craindre des troubles importants. Les candidats « pourraient être tenus responsables de toute violence commise en leur nom », a-t-elle prévenu.
lemonde.fr avec afp