La demande du président yéménite Ali Abdallah Saleh de venir aux Etats-Unis pour se faire soigner pose un dilemme à l’administration américaine. Explications.
Le président yéménite Ali Abdallah Saleh, grièvement blessé dans un attentat en juin dernier, a demandé l’autorisation de venir aux Etats-Unis pour se faire soigner. Une requête qui place Barack Obama face à un choix cornélien, l’accepter ou la refuser représentant des risques pour son administration. Et pour la situation au Yémen, où la contestation a poussé Saleh à accepter le principe d’un transfert du pouvoir avec 33 ans de « règne ».
Lundi, la Maison-Blanche a démenti que l’administration ait déjà donné son feu vert de principe à cette venue, comme l’avait affirmé plus tôt le New York Times. « Les Etats-Unis sont toujours en train d’étudier la demande du président Saleh », a déclaré le porte-parole du département d’Etat, Mark Toner, mardi soir. « Le département d’Etat confirmera qu’une décision a été prise uniquement quand ce processus sera achevé ».
Certains responsables américains estiment que faire sortir le dirigeant de son pays permettrait de réduire les tensions d’ici à la présidentielle prévue en février. Mais une telle visite pourrait exposer les Etats-Unis à des accusations d’abriter un autocrate responsable de la mort de centaines de manifestants, en contradiction avec la défense des droits de l’homme dont Washington se fait l’apôtre.
Un précédent iranien en 1979
Pour Elliott Abrams, ancien membre du cabinet du président républicain George W. Bush, Obama, à qui il reviendra de prendre cette décision, va devoir évaluer si « le retrait de Saleh aidera à calmer la situation au Yémen » et « si cela sera préjudiciable aux Etats-Unis ». En 1979, l’administration démocrate de Jimmy Carter avait permis au chah de venir se faire soigner aux Etats-Unis, ce qui avait attisé la révolution islamique en Iran. Quelques jours plus tard, commençait la longue crise de la prise d’otages de l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran.
Abrams, actuellement membre du groupe de réflexion « Council on Foreign Relations » de Washington, souligne aussi la nécessité d’établir des conditions préalables à une venue de Saleh, comme « les conditions de vie quotidienne, et l’une des conditions, je pense, serait qu’il s’abstienne de toute déclaration en public (…) et ne s’implique pas dans la vie politique au Yémen ».
Reste que Saleh, qui « a tant de fois promis de démissionner, se voit accorder très peu de crédit », remarque pour sa part James Phillips, du groupe de réflexion conservateur « The Heritage Foundation », et pour qui les Etats-Unis devraient refuser l’entrée à Saleh tant qu’il n’aura pas vraiment démissionné.
Abrams se dit persuadé que le président donnera en définitive son feu vert à la venue de Saleh. Actuellement en vacances dans son Etat natal d’Hawaii, Obama pourra faire valoir, s’il faisait ce choix, que « dans de nombreux cas, il est important d’extraire rapidement le dictateur, l’homme fort ou le président », remarque-t-il. « Nous aurions pu sauver des vies en Libye s’il avait été possible de faire quitter le pouvoir (à Kadhafi) plus vite. Nous pourrions sauver des vies au Yémen si Saleh en sort. Des vies ont été sauvées en Tunisie parce que (l’ancien président) Ben Ali est parti rapidement », assure-t-il.
avec AFP