ous vous publions ci-après de l’interview exclusive que le sélectionneur national, Amara Traoré, a accordée à Sud Quotidien. Dans cette suite et fin, le patron de la tanière fait le bilan de ses deux années passées à la tête des “Lions“, l’omniprésence du Directeur technique national dans son staff, la place et le rôle de Feu Mawade Wade dans la Confédération africaine de football (CAF).
AMARA TRAORE, SELECTIONNEUR DES “LIONS“
Coach, le bilan de vos deux ans à la tête de la sélection est plus que reluisant. 13 matches, 11 victoires, 2 défaites, 1 match nul, 26 buts marqués, 8 buts encaissés. Y-a-t-il, l’empreinte de l’attaquant que vous avez été dans ce parcours ?
Une équipe est toujours à l’image de son entraîneur. Ce qui me plait dans cette sélection, c’est plutôt l’humilité, le travail et la rigueur. Je suis prêt à quitter si elle manque ces vertus. Parce que ça fait longtemps que nous aurions pu gagner quelque chose. Nous ne l’avons pas fait parce qu’il nous manquait ces vertus et d’autres encore. Il est temps d’arrêter. Je suis prêt à être le fusible pour que le problème soit réglé une bonne fois pour tout. Je suis Sénégalais. J’ai très mal de voir autant de génération de joueurs aussi talentueux qui ne gagnent absolument rien pour notre pays. Il faut arrêter d’être égoïste, de ne penser qu’à soi. Il faut qu’on pense à l’intérêt général. Il est temps, sans se faire de cadeaux, de prendre les bonnes décisions. Sur ce plan, comptez sur moi. Je ne connais pas de noms. Je ne connais que le terrain et ce que le terrain donne. Toutefois, je suis un être humain, qui est susceptible de commettre des erreurs souvent. Je ne peux pas avoir raison sur 13 millions d’habitants. Mais, parfois, je n’ai pas peur d’être seul dans mes choix. Parce que les héros, ces sont les gens qui sont souvent ennuyeux au départ. Pour la bonne et simple raison, qu’ils sont souvent incompris.
Au sein de notre équipe, on parle souvent des buts marqués. Mais, ce qu’on oublie, c’est qu’on prend très peu de buts. Dans les éliminatoires, nous n’avons pris que deux buts (à Lubumbashi, victoire 4-2).
En amical, deux buts contre le Danemark (défaite 2-0, à Aalborg), deux buts face au Maroc (défaite 2-0, à Dakar), un but contre la Guinée (victoire 4-1, en France), idem face au Gabon (victoire 2-1).
Cela signifie que c’est pendant les rencontres amicales que j’essaie. C’est l’analyse que l’on peut faire de ce bilan. L’Espagne a été championne du monde en encaissant qu’un seul but et a marqué 7 ou 8. J’ai visionné les cassettes de la France de l’Allemagne. J’ai vu les Espagnols défendre à neuf dans leur 16,5 mètres. Les Allemands aussi. C’est pourquoi, je disais que le mental développé lors des éliminatoires ne suffit pas pour la Can. Non, non, non ! Pour qu’on aille plus loin dans cette Can, il faut faire plus que ce que nous avons fait jusque là. Dans la reconstruction, j’ai mis l’accent sur l’organisation et la méthode.
Soudainement, vous m’entendez parler de mental. Cela veut dire qu’il faut progresser. Il faut toucher à tous les segments pour avoir une équipe très compétitive.
Vous disposez aussi d’attaquants qui respirent la forme en Europe. Vous n’avez pas souvent de problème de choix, d’autant plus que les remplaçants semblent être les mieux en forme. Je veux parler de Demba Bâ ?
(Il éclate de rires). Mon rêve, c’est d’avoir une équipe nationale très forte avec une concurrence très haute, poussé mais saine. Comme disait Saer (Seck), mieux vaut avoir l’embarras de choix qu’un choix embarrassant. Je préfère ça. Nous avons souvent pleuré parce que nos attaquants ne marquent pas. Regarde les jeunes Gana, Abdoulaye Bâ qui arrivent. Ils vont encore bousculer ceux qui sont là.
Une équipe du Sénégal de football n’a jamais pris part à des Jeux olympiques. Pensez-vous que cette génération y parviendra le 12 avril prochain ?
(Catégorique). Nous y serons ! Je pèse mes mots. Je tiens à cette qualification aux JO. C’est d’ailleurs pour cette raison que je me suis investi autant. Nous avons une chance et nous allons la saisir. Ablaye, Mayacine et moi y tenons.
Quel commentaire faites vous du choix de la CAF qui n’a pas retenu Moussa Sow dans le trio des meilleurs footballeurs africains de l’année 2011 et qui n’a pas non plus retenu le Sénégal parmi les meilleures équipes ?
C’est un choix des collègues techniciens. Je le respecte. Mais, on peut toujours faire des commentaires. Quand j’évoque Moussa Sow, champion de France, vainqueur de la Coupe de France et terminer meilleur buteur de la Ligue 1 avec 25 réalisations. Ce qui fait de lui, l’un des meilleurs buteurs africains en Europe. Et malgré tout, ne pas figurer sur la liste des trois premiers, c’est un peu choquant. Il suffit simplement de le comparer aux trois premiers pour se rendre compte qu’il est largement devant. Idem pour l’équipe du Sénégal. J’ignore les critères de sélection. Mais, si on regarde les statistiques et les performances, on se rend compte qu’il n’y a que la Côte d’Ivoire qui a fait le plein. Le Sénégal qui était dans une poule difficile a obtenu cinq victoires, un nul.
Estimez-vous comme certains observateurs qu’au sein de la CAF, le Sénégal est aujourd’hui orphelin de Feu Mawade Wade ?
(Il hésite, marque un temps de réflexion). On peut le dire. Oui ! La présence de Mawade aurait changé beaucoup de choses. C’est pourquoi, je suis d’avis qu’il faut qu’on travaille pour placer un Sénégalais au sein de la Caf. Parce que dans ces instances de décisions, il faut avoir toujours quelqu’un.
Nous avons Badara Mamaya Sène quand même ?
Oui, mais, je pense qu’il est plus dans la commission des arbitres. Alors que Mawade était un technicien qui était dans le comité exécutif. Ce n’est pas la même chose.
Au sein de la Commission arbitrage aussi, vous n’êtes pas prêt à oublié M. Martins De Carvalho Helder, juge du match Cameroun–Sénégal ? Vous avez vécu un traumatisme à la limite ?
Mes joueurs et moi, sommes marqués par ce Monsieur là. On en rigole maintenant, mais ce qu’il a fait, c’est extrêmement grave. Il y a une semaine, j’ai appris qu’il a été suspendu, par rapport à notre match. Ce qu’il a fait, c’est très grave. C’est très, très grave. Parce qu’il pouvait tout remettre en cause dans cette poule. Un être humain peut se tromper parce qu’il n’y a que Dieu qui ne se trompe pas. Mais, il faut se tromper de bonne foi. Malheureusement, ce soir là, nous avons vu quelqu’un avec une inclinaison à 90 degrés.
Le Kenya et le Soudan vont vous servir de sparring-partners. Est-ce un bon choix par rapport à vos adversaires en phase finale de la Can ?
Le Soudan, c’est un bon choix. Parce que c’est le style du jeu de la Guinée-Equatoriale. Le Kenya aussi, c’est pratiquement la Zambie. C’est le même profil de joueurs, notamment au niveau de la taille, de la vivacité. C’est encore mieux que la Tunisie.
Pourtant le Kenya, c’est une solution de rechange ?
Oui. Mais, souvent on peut avoir une solution de rechange meilleure que le premier choix. En plus, en match amical, ce n’est pas le résultat qui compte. Ce sont les choses que nous allons essayer. Nous allons faire pas mal de combinaisons au niveau de la polyvalence.
Coach, on constate aussi une forte présence de la Direction technique nationale dans l’équipe A ?
C’est-à-dire ?
Pourquoi, le directeur technique national est dans tous les déplacements de l’équipe nationale ?
(Il rit). Sur un ton ferme, il répond : c’est moi qui ai demandé ça. Et je vais vous dire pourquoi. On ne peut pas voir une équipe ou un football sans une direction technique très forte.
Et c’est son omniprésence dans le staff qui prouve sa puissance ?
(Il coupe). C’est moi qui ai demandé ça. C’est le patron du football. Quand tu travailles et que tu as ton patron devant toi, ce n’est pas la même chose. Nous avons gagné beaucoup de temps avec la présence de la direction technique à nos côtés. Ça nous a permis de faire beaucoup de réunions, de prendre beaucoup de décisions. Par exemple… (Il s’arrête et rit en tournant la tête).
Allez y ?
Nous sommes là pour l’équipe nationale et pour les autres sélections ainsi que les autres décisions à venir. Nous avons eu à passer trois jours à cogiter sur les JO et même pour l’équipe locale.
Ça ne risque pas de vous disperser ?
Non ! La preuve, on gagne. Dans toute chose, il faut avoir quelqu’un qui a du recul. Le Directeur technique ne participe jamais aux réunions techniques quand nous sommes en regroupement. Il ne participe jamais à une causerie. Mais, je tiens à ce qu’il soit dans tous mes déplacements.
C’est une exception sénégalaise alors ?
Dans la vie, il y a toujours des exceptions. Les Français font autres choses. Même si le directeur technique est toujours présent. Regardez quand nous étions partis au Maroc pour le championnat d’Afrique des U-23, tous les entraîneurs et membres de la DTN étaient présents.
Il se murmure aussi qu’il y a une possibilité de réaménagements de votre staff ?
De l’équipe A ? Non ! Dans l’équipe A, il n’y a pas de réaménagement. Je vais continuer avec mon staff. Mais, il y aura des réaménagements dans les autres sélections. Notre force, c’est qu’il y a une concertation permanente. D’ailleurs, notre direction technique s’appelle la NASA.
Ah bon ?
Ah oui.
Ce n’est pas un peu trop là ?
Non ! C’est la NASA. Cela signifie que ça réfléchit beaucoup, ça argumente beaucoup et ça débat beaucoup. Il y a des débats contradictoires féroces, très féroces que vous ne pouvez pas imaginer. A votre avis pourquoi on se met subitement à gagner.
Une dernière question. Croyez vous aux xons et quels sont leur place dans votre organisation ?
Les « xons » font parti des supports psychologiques comme la technique, la tactique. C’est culturel chez nous. Dans la psychologie, il y a beaucoup de supports et les xons en font parti. Mais, je ne pense pas qu’ils puissent être déterminants. Dès fois, le joueur en a besoin et ça fait parti de notre culture. Mais, dans notre équipe, on ne l’utilise pas.
EXERGUE
“Les xons font parti des supports psychologiques comme la technique“
“C’est moi qui ai demande que le DTN m’accompagne dans tous mes déplacements“
“La DTN du Sénégal, c’est la Nasa. Ça réfléchit beaucoup“
Abdoulaye Thiam
Source Sudonline.sn