C’est bien connu: pour devenir président, il faut être une “bête politique”. Pour comprendre la psychologie des bestioles avides de pouvoir, rien de tel qu’un conte africain. En attendant le scénario de la campagne officielle, voici déjà le casting animalier de dix personnalités qui pourraient faire ou défaire la campagne présidentielle française.
1 – Le lycaon (Nicolas Sarkozy): si l’on en croit les sondages qui le disent déjà battu, ce canidé serait en voie de disparition. Mais il ne faudrait pas sous-estimer ce mammifère carnivore que l’on surnomme le “loup peint”; “loup” en référence à son passé de jeune loup de la droite française; “peint” par allusion à son talent pour les déguisements idéologiques. Insaisissable, en effet, il sait prendre des allures de pachyderme socialiste quand il faut citer Jean Jaurès, de hyène quand il faut ratisser à l’extrême droite, de chien sauvage quand il faut mâter la racaille d’Argenteuil ou de Syrte. Il connaît les moindres recoins de la steppe politique gauloise et les moindres dédales des financements de campagne. Taris Neuilly-sur-Seine et Karachi, faudra-t-il rappeler Bourgi à la rescousse? La savane africaine n’est jamais totalement absente des campagnes électorales françaises…
2 – L’éléphant (François Hollande): Bien qu’il fut le cornac des pachydermes socialistes (P.S.) pendant plus de dix, on moquait sa silhouette d’hippopotame. Alors que les postes exécutifs nationaux lui semblaient défendus, le voilà, affûté, qui a doublé, dans la course à la présidence, le cousin de Washington que sa trompe folle a relayé au cirque médiatique. Ce nouvel éléphant candide et candidat fera-t-il mieux que l’antilope Royal dont il doit bien connaître les failles? L’Afrique, dont il n’a foulé, récemment, que la poussière tunisienne, attend de le découvrir. Dans sa politique africaine, que retiendrait le pachyderme de ses mentors? Le paternalisme donneur de leçons de Mitterrand ou la distance craintive de Jospin?
3 – Le zèbre (François Bayrou): cet équidé ne semble pas avoir choisi. Ni tout fait blanc ni tout à fait noir; tantôt blanc rayé de noir, tantôt noir rayé de blanc; ni cheval, ni mulet; ni de gauche, ni de droite. S’il ne connaît guère les contrées arides de l’Afrique, le zèbre centriste sait le goût des traversées du désert. S’il a failli créer la surprise en 2007, il lui faudra d’abord, en 2012, atomiser le pique-bœuf Hervé Morin et rassembler des semblants de troupes centristes. Qui bénéficiera de l’enivrant parfum africain de la gazelle sénégalaise (Rama Yade) en mal du zébu (Jean-Louis Borloo)?
4 – La hyène (Marine Le Pen): qui, en Afrique subsaharienne, ne connaît pas le rire glaçant de cet animal trapu à l’arrière-train plus bas que l’avant? Les candidats à l’immigration savent que sa puissance de morsure est la plus élevée chez les mammifères; et que, dans cette espèce, la femelle est encore plus grande et plus forte que le mâle. La hyène aime se nourrir, politiquement, de ce qui est déjà mort: elle se délecte des promesses périmés de ses adversaires, des idéologies du XXe siècle et des charognes des politiciens “tous pourris”. Elle se pourlèche déjà les babines, en appelant de ses vœux le décès clinique de l’euro. Mais attention, le proverbe africain dit que «quand tu te penches pour regarder les fesses de quelqu’un, sache que quelqu’un regarde les tiennes». Quand tu regardes une proie moribonde, sache que d’autres charognards tournoient au-dessus de ta tête. La hyène ne fera-t-elle qu’une bouchée du vautour (Carl Lang) que la présidentielle à également mis en appétit?
5 – Le rhinocéros (Jean-Luc Mélenchon): ce périssodactyle né en Afrique (au Maroc) est un rhino…féroce qui ne tarde jamais à charger, le front (de gauche) en avant. Il est muni d’une énorme corne destinée à ses adversaires politiques dont il ne serait pas fâché «qu’ils s’en aillent tous!»; et d’une cornette pour les sornettes des hommes de médias qui le chahutent quand il bahute. Une ruade pourrait suffire pour ses plus proches concurrents, les “Timon et Pumbaa” de ce conte cruel: le phacochère gauche du NPA (Philippe Poutou), et la frêle mangouste de Lutte ouvrière (Nathalie Arthaud).
6 – La chouette (Eva Joly) : les grands yeux cerclés de rouge de la chouette effraie le continent. Tout autant que son passé de juge d’instruction intimide une Afrique qui n’a pas encore réglé ses crises aiguës de corruption politique. Mais la parente du hibou, à qui certains dénient toute “francité”, a peu d’énergie (pas si renouvelable en campagne électorales) à consacrer aux pays étrangers, fussent-ils en voie de développement. Dans cette jungle politique impitoyable, la chouette se nourrira-t-elle de sa rivale centriste, la “chouette à joues blanches” (Corinne Lepage), candidate de CAP21? Elle avait bien terrassé le mâle de la chouette hulotte (Nicolas Hulot).
7 – Le lion de Belfort (Jean-Pierre Chevènement): même vieillissant, le vieux fauve garde sa majestueuse crinière blanche. Et son pouvoir de nuisance. Le lion n’est-il pas, traditionnellement, le roi des contes africains? La ville de ce lion a accueilli le mariage de Viviane et Abdoulaye Wade, mais le continent se souvient surtout que cet ancien ministre de l’Intérieur n’avait guère appliqué les promesses de régularisation massive des sans-papiers. Et la faune hexagonale verra moins en lui un faiseur de roi qu’un “gâteur de sauce” socialiste. Surtout cette année où les radicaux de la panthère noire (Christiane Taubira) se sont fondus dans les primaires des éléphants. Le lion devrait subir toutes sortes de pression de gauche et la concurrence souverainiste du varan eurosceptique (Nicolas Dupont-Aignan) du mouvement «Debout la République». Mais même debout, un reptile ne peut pas aller bien haut…
8 – Le guépard (Dominique de Villepin): s’il est le plus rapide au footing, ce majestueux animal ne devrait pas être le premier sur la ligne d’arrivée, en mai prochain. Classieux, semblant tout droit sorti d’un film de Visconti, il est un peu désuet. Si l’éléphant a connu des campagnes électorales sans poste exécutif national, le guépard a connu des fonctions gouvernementales sans être passé par la case élective. Les Africains gardent en mémoire le courage en bras de chemise dont il avait fait preuve à Abidjan et sa bravoure onusienne lors des préparatifs de la guerre d’Irak. Mais s’il eut du panache à l’étranger, le panache blanc qui décore son crâne ne fera pas de lui une grue couronnée sur les terres hexagonales.
9 – Le youyou (Christine Boutin): rien à voir avec les cris de joie poussés par les femmes de contrées musulmane. Ce perroquet youyou radote au nom du Parti chrétien démocrate. Mais pourra-t-il voler dans les plumes de ses adversaires? Il peine à rassembler les 500 signatures d’élus…
10 – Le bubale béninois (Patrick Lozès): un peu de franche africanité avec celui qui a le C.R.A.N. d’inviter à «ne pas voter blanc». Né en Afrique de l’Ouest, il doit composer avec les velléités exprimées par une aigrette garzette –aigre mais chouchoute des gazettes– d’Afrique centrale (Calixthe Beyala)…
Combien de ces bêtes politiques pourront-elles participer à la phase finale de ce safari? Les chasseurs, eux-mêmes (Frédéric Nihous), ne sont pas sûrs d’être de la partie. Mais si le casting reste à confirmer, le décor est déjà planté. Place aux rebondissements. La morale du conte sera pour le 6 mai 2012.
Damien Glez