Klaxons, cris et autres quolibets rythment l’ambiance de la Place de l’Indépendance du Sénégal à l’heure crépusculaire. Pour le commun des passants, les filles assises sur les bancs ne sont que de simples personnes devisant tranquillement. Mais, il suffit de s’attarder un peu sur les lieux, pour qu’une femme, sans gène, s’approche de vous et vous propose ses services. On est alors sidéré par une telle audace, de la part d’une femme. C’est qu’à cette heure-là, les prostituées prennent leurs quartiers au Plateau de Dakar.
La vérité est dure à accepter, mais la prostitution se développe maintenant dès le début de la soirée dans les rues de Dakar. La preuve par un petit groupe de femmes, avec qui nous essayons d’entamer une discussion. L’une d’elles, sans doute la plus audacieuse balançant tout de go, le mot «chéri», comme pour accrocher le client. Les négociations commencent sans préalables. Elle fixe la barre à 15.000 Fcfa au prorata du nombre de rapports. Finalement, on tombe d’accord à 5.000 Fcfa la passe. Mais devant notre hésitation, elle devient méfiante et d’un ton dur, lance : « si vous ne voulez pas, ne me faites pas perdre mon temps ». Les présentations faites, elle comprend que nous sommes plutôt intéressés par une discussion avec elle et ses amies sur la prostitution. Loin de fuir, elle nous demande de payer le prix de l’interviewe qu’elle taxe à 5.000 Fcfa à la condition aussi de ne pas révéler son nom. Elle révèle alors, à la stupéfaction générale de ses amies, qu’elle est là depuis 10 h. Le matin, renseigne-t-elle, elle et ses amies arpentent la rue Malenfant qui abrite l’église du même nom, les alentours de l’université catholique (ex-Collège Saint Michel) pour dénicher les clients. L’auberge La Provençale leur sert d’abri pour les ébats. C’est seulement le soir qu’elles rejoignent la Place de l’Indépendance.
Parmi elles, des femmes mariées
Les clients habituels les y trouvent et sont facilement identifiables de par leurs comportements. Dès qu’il y a une approche, elles se lèvent pour rejoindre les abords de l’auberge ou le coin de la rue pour entamer les négociations.
F. D., affirme qu’elle rentre avant 18h 30 pour ne pas trop éveiller des soupçons, à la maison, sur la nature de son travail et du fait aussi de son statut de femme mariée. Son mari étant à l’étranger, elle a prétexté d’un travail de technicienne de surface qui descend tard. Au début, elle avait mis en avant les difficultés financières de son mari qui envoie rarement de l’argent, alors qu’elle doit veiller aux études de ses trois enfants dont l’aîné est en 3ème secondaire. Mais si F. D. descend un peu tôt, ce n’est pas le cas pour certaines de ses amies, célibataires qui peuvent rester jusqu’à des heures tardives. La forte canicule qui sévit en cette matinée ne semble nullement gêner ces travailleuses du sexe.
Dans la petite ruelle qu’elles fréquentent dès les premières heures de la matinée, elles sont à l’abri du regard des passants, assises en groupe sur un banc en bois, près d’un cordonnier et de l’étal d’un vieux marchand de journaux. Elles arrivent sur les lieux en tenues traditionnelles ou modernes, rien ne pouvant laisser deviner que ces filles assises discutant à gorges déployées exercent le plus vieux métier du monde en plein jour et à quelques pas de la Police centrale qui abrite la Brigade des mœurs.
Mais dès que vous passez dans la ruelle, elles n’hésitent pas à vous aborder au vu et au su de tout le monde. Nul besoin de s’inquiéter de l’endroit où aller satisfaire ses pulsions avec la belle du jour. Elles détiennent les solutions et vous proposent soit l’auberge située à 5 mn ou une autre à quelque 500 mètres ou encore là où vous voulez, en taxi à votre charge. Ces travailleuses du sexe restent dans la ruelle pour certaines jusqu’au soir vers les coups de 17 heures, avant de rejoindre le jardin de la Place de l’Indépendance.
La nuit tombée, elles squattent les rues à la recherche du gain, le regard toujours à l’affût d’une proie, mais aussi pour s’enfuir quand débarque la Police. Elles sont nombreuses les femmes mariées à s’adonner à la prostitution.
Une peur bleue du Sida
A en croire nos interlocutrices, ces femmes s’y adonnent à cause des difficultés financières ou de l’absence prolongée du mari, parti depuis belles lurettes à l’étranger et tardant à revenir. La prostitution est pour elles la seule alternative pour sortir de la galère. Le Sida est un fléau qui hante le sommeil des professionnelles du sexe. Elles disent qu’elles prennent des précautions afin de ne pas l’attraper et exigent de leurs clients le port du condom sans quoi, elles refusent le rapport sexuel. En plus, elles disent respecter les visites médicales pour vérifier leur statut sérologique.
Yathé Nara NDOYE