Dans le contentieux qui l’oppose à la Serpm SA(Société d’études et de réalisation des phosphates de Matam), la société sud-africaine AFCOR Limited a mis la main sur des comptes… vides. Entretemps, la Société à capitaux publics majoritaires est détenue totalement par le privé, l’Etat ayant cédé ses parts à Cheikh Amar, patron de TSE, qui en est devenu le propriétaire.
Confortée par les articles 54 et suivants de l’Acte Uniforme portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d’Exécution de l’Ohada, la société sud-africaine AFCOR Limited, en contentieux contractuel avec la Société d’études et de réalisation des phosphates de Matam(Serpm), a mis la main (Ndlr : voir notre édition du mercredi 10 avril 2012), le 22 décembre dernier, sur les comptes bancaires de celle-ci. Ô surprise ! Les comptes en question répertoriés au niveau de près de dix banques de la place, sont vides. Coup dur pour un partenaire qui estime avoir été « floué » dans les sables de Matam et qui réclame aujourd’hui plus d’un milliard de francs à la Serpm dont les responsables reconnaissent lui devoir de l’argent mais pas aux proportions réclamées.
Responsables ? C’est selon… Car, au vu des correspondances échangées entre les deux parties notamment les factures envoyées par Afcor à la Serpm, on peut se demander qui était responsable au niveau de cette dernière société…
Une même facture d’un montant de 1,8 milliard de FCfa a été envoyée à deux responsables différents et agissant pour la même société en l’occurrence Eugène Ngor Faye, directeur général de la Serpm, dans un premier temps, en avril 2009 et… Cheikh Amar, Président Directeur Général de la Serpm, en juin de la même année. Ce qui suppose que dans un intervalle de deux mois, le partenaire exploitant qui avait hérité en 2008 du marché fumeux de l’engrais, dans le cadre de la fumeuse Goana(Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance) et dans un procédé qui a fini d’en outrer plus d’un privé du fait de son caractère de délégation de service public, a pris le contrôle total de la structure qui, par arrêté ministériel du 29 mai 2008, a bénéficié du permis d’exploitation. Ce que confirme d’ailleurs le directeur général de ladite structure, Eugène Ngor Faye.
Derrière le bling-bling
L’Etat sénégalais qui, à la création de la société en 2007, était actionnaire majoritaire de la Serpm à hauteur de 51%, s’est ainsi retrouvé à 10% avant de céder totalement l’entreprise à AMAR CONSULTING. Il convient de préciser qu’à côté de l’Etat sénégalais via le ministère des Mines qui était actionnaire majoritaire, il y avait la Miferso, Petrosen, des sociétés d’Etat et, un privé du nom de Mbackol world wide, dans le capital de la Serpm.
Société (SA) à capitaux publics majoritaires, la Serpm est ainsi devenue à 100% privée. Ce n’est ni plus ni moins qu’une privatisation déguisée au mépris de la loi N° 87-23 du 18 Août 1987 promulguée peu après la loi 87-19, modifiée par la loi 90-07 du 26 juin 1990 portant organisation et contrôle des entreprises du secteur public et des personnes morales de droit privé bénéficiant du concours financier de l’Etat. Une loi qui, pour l’essentiel, organise au Sénégal le cadre de conduite des opérations de privatisation. Ce d’autant plus que, même les recherches complémentaires des phosphates de Ndendory avaient été financées par un établissement public, l’Us Trade and development agency (Ustda), pour ne pas le nommer.
Aussi, derrière le bling-bling qui avait accompagné l’inauguration en grandes pompes, en septembre 2010, de l’usine granulateur de phosphates de Matam, était sortie le patron de la Tracto services équipements (Tse), Cheikh Amar.
Dans ce dossier des phosphates de Ndendory (Matam), tout indique ainsi que le président Wade avait opté pour confier la valorisation de la grande mine de Ndendory (phosphates de Matam) au secteur privé national, ainsi que le soutien le directeur général de la Serpm. Option louable certes, sur le principe, si ce n’est que le procédé est non seulement en violation flagrante de l’article 80 du Code des marchés publics, mais également des textes régissant la constitution et le fonctionnement des sociétés à caractère public.
La question est alors, comment une société à 100% privée, qui, pour une petite mine, extrait tout de même 20 à 25 000 tonnes et fait du profit en exploitant du phosphate qu’elle revendrait, le sac de 50 kg, subventionné et entre 7 000 et 10 000 francs Cfa aux paysans et exporte dans les pays de la sous-région comme le Mali à raison de 60 000 francs Cfa la tonne, peut-elle se retrouver avec des comptes creux ? L’explication de M. Faye est que cette commercialisation « n’était que temporaire. » Il n’empêche, ces gisements, sensés, juridiquement, être une partie du patrimoine minier du Sénégal, ne profiteraient toujours pas aux collectivités locales comme celle de Amady Ounaré étant entendu qu’une partie des ressources fiscales provenant des opérations minières était prévue pour être versée dans un fonds de péréquation destiné aux dites collectivités locales…