Le président de la République a présidé hier la cérémonie d’ouverture du Salon international des mines, Sim Sénégal 2010. Ce fut l’occasion d’un véritable cours magistral sur le développement durable et la place de l’Afrique dans le concert des Nations. Le chef de l’Etat a asséné ses vérités sur l’économie et mis à nu les politiques des firmes occidentales. Par Oumar Seydou BA
M. Wade a affirmé hier que l’économie mondiale a besoin de mines, de métaux et de toutes les ressources du sol et du sous-sol pour fonctionner. «L’Afrique dispose à cet effet de 30% des réserves mondiales», a dit le président de la République. Une force énorme, d’après le chef de l’Etat, et qui peut se révéler un atout de taille à la condition que nous en prenions conscience. Donc il faut, a encore insisté le Président, veiller à la bonne utilisation de la ressource minière en assurant aux populations un cadre de vie décent, et en pensant surtout aux générations futures. Le Président Wade assenait ses vérités aux participants à la cérémonie d’ouverture du Salon international des mines, dans un grand hôtel de Dakar.
Le Président a indiqué que le développement durable est, à ses yeux, un refus de compromettre l’avenir des générations futures en dilapidant les ressources disponibles. Le souci du Président de préserver l’avenir des générations futures s’explique par le fait, selon lui, que «la terre ne nous appartient pas, elle nous été prêtée par nos fils et petits-fils». Il déplore néanmoins que certains se comportent comme si la ressource minière ne s’épuise jamais. Or, a-t-il indiqué, rien n’est plus faux. «Les ressources de la terre ne sont pas inépuisables», a insisté le successeur de Abdou Diouf. «J’ai très tôt pris la mesure des enjeux stratégiques que représentent les mines.» D’ailleurs, soutient-il, «j’ai, en son temps, proposé à Abdou Diouf, du temps du gouvernement de la majorité présidentielle élargi, la géniale idée de réserver 20% des ressources issues des produits des mines aux générations futures». Malheureusement, se désole-t-il, cette formule n’a pas été retenue et n’a pas été suivie. Nonobstant ce semi-échec, il affirme qu’il a fait plus et mieux, puisque le gouvernement de l’Alternance dont il préside aux destinées depuis 2000 consacre pas moins de 40% du budget national à l’Education. Cela, dit-il, dans le but d’avoir des ressources humaines de qualité, qui elles ne s’épuisent jamais.
Dans le même ordre d’idées, il affirme qu’il va céder 20% des revenus miniers aux collectivités locales directement concernées par la gestion de la ressource minière, pour financer des programmes sociaux de base : écoles, forages, dispensaires, centres socioéducatifs et sportifs.
Ce qui signifie, s’est exclamé le chef de l’Etat, que le développement durable est celui qui profite avant tout aux populations, et qui est soucieux de l’avenir des générations futures. «Je ne dis pas qu’un gouvernement doit réserver toutes ses mines aux générations futures, mais il doit investir dans des projets porteurs. Et je ne vois pas de meilleurs projets que ceux consistant à investir dans l’éducation et la santé», a-t-il tranché.
Relations avec les firmes occidentales
C’est pourquoi, il exhorte les Etats africains à faire preuve de beaucoup de caractère dans leurs relations avec les firmes et filiales européennes, qui ne sont animées que par une seule chose : «La recherche effrénée du gain à moindre frais et parfois de manière non orthodoxe.» Mais cela, concède-t-il, on ne peut pas le leur reprocher. «C’est à nous de refuser d’être abusés pour éviter que les ressources du sous-sol de l’Afrique ne soient pour le continent comme une sorte de malédiction.»
Wade a également mis les Africains en garde contre les discours mystificateurs de ces mêmes multinationales. «Elles ne sont pas là pour nous, elles sont là pour leur propres intérêts», a dévoilé le Président. Et de mettre à nu la méthode qu’elles utilisent : pour amadouer les Etats africains, ces firmes proposent aux gouvernements africains le partage non des profits, mais plutôt des actions. Il y’a là anguille sous roche d’après le Président car les firmes s’arrangent toujours a ne jamais faire de profits.
Le développement durable, c’est aussi celui qui fait la part belle à la préservation de l’environnement, poursuit M. Wade. «Si j’ai accepté de signer avec les Canadiens, c’est parce qu’ils m’ont donné un certain nombre de garanties tel que remettre en l’état la nature en reboisant et en embellissant l’environnement.»
Indépendance économique
Il est temps, s’est exclamé le chef de l’Etat sénégalais que l’Afrique reprenne son indépendance économique. «Depuis deux siècles, nous exportons mais nous restons toujours pauvres.» Pis, «nous continuons à nous comporter comme si les ressources du sous-sol ne vont jamais s’épuiser». De la franchise à laquelle est posé le débat, a prédit Wade, dépendra l’avenir du continent africain. Cela n’est possible que par l’intégration et la constitution de vastes ensembles continentaux. Sous ce rapport, le Sénégal et le Mal, a révélé le chef de l’Etat sénégalais, viennent de donner l’exemple en acceptant d’unir leurs forces pour une exploitation commune de leurs ressources. «Nous aurons le même port, le même chemin de fer les mêmes infrastructures routières. Ce qui nous fera des économies en temps et en argent», a estimé le Président Wade.
Fait notable, le Président dans son argumentaire, a invoqué le Président ivoirien Houphouët Boigny, «qui se trouve être mon maître». Il a raconté qu’agacé par le comportement du patronat de son pays, M. Boigny avait fait appeler les chefs d’entreprise pour leur dire : «Je n’ai pas dit, enrichissez-vous mais enrichissons- nous.»