Le Sénégal a vécu deux alternances, celle de 2000 avec Abdoulaye Wade, et récemment celle de mars 2012, qui n’a pas encore révélé ce qu’elle a dans … le gros ventre de Macky Sall. Cependant, on peut tenter quelques petites comparaisons, afin de présumer de ce que demain sera fait. De prime abord, on peut avancer qu’avec l’alternance d’Abdoulaye Wade, le Sopi en bandoulière, on sentait que le peuple sénégalais était résolu à apporter un changement à la tournure des choses. On croyait que, avec un changement de régime, cela allait être possible. Abdoulaye Wade n’a pas mis longtemps pour fouler au pied toute cette hardiesse, toute cette détermination de tout un peuple debout qui en avait vraiment marre de cette léthargie dans laquelle il pataugeait depuis les indépendances.
Cette résolution, au fil du temps, s’est transformée en déception, en écœurement même, tellement ce vieux et sa bande se sont joués de tout le peuple. L’errance et l’arrogance du vieux président ont fini de hérisser plus d’un. Et il faudrait reconnaitre qu’on l’a laissé faire. Ce peuple éprouvé, a su récupérer avec beaucoup d’endurance ce pouvoir qu’il avait confié à ce «pouvoiriste» calculateur et très imbu de sa personne, et des personnes de sa famille. Le Sopi, qui pendant 12 ans, a fait du Ropi (dépassement, souvent en pire) dans tous les domaines, va entrer dans du Nopi (silence de façade) désarticulant et cédait sa place au «Yaakaar» (Espoir).
Le Yaakaar ! Voilà le décor dans lequel tout le peuple sénégalais se retrouve. Macky Sall (marchand d’illusions ou marchand d’espoir ?) n’a pas cherché sans doute longtemps pour découvrir que lui et tout le peuple sont dans le Yaakaar. Il était dans le Yaakaar, parce que, à un moment, il n’était pas sûr de la victoire du changement, comme d’ailleurs la plupart des Sénégalais. Et ce mot Yaakaar collait bien à la situation d’incertitudes dans laquelle ce pays se débattait durant les deux tours.
Avec et après la victoire, on s’est rendu compte décidément que le Yaakaar est assez collant. Il continue de coller à la peau du peuple sénégalais qui, échaudé par le passage d’Abdoulaye Wade, a compris que ce n’est pas parce qu’il y a eu alternance qu’il y aura forcément changement en mieux. Ainsi, tout le monde fait dans le Yaakaar. Chat échaudé craint l’eau froide ! Un homme avertit en vaut deux ! Un peuple averti aussi !
L’espoir, généralement, renvoie à une valeur pieuse, faible et subjective, comme d’ailleurs du reste, l’optimisme. Ainsi, pourrait-on être tenté de voir dans cette nouvelle optique de Yaakaar, une forme de résignation, une absence de détermination, des vœux pieux. Cependant, contrairement à ce que l’on pourrait croire avec le mot Yaakaar, qui dénote donc une certaine incertitude dans la suite des choses, le Yaakaar que le peuple sénégalais a érigé est un Yaakaar empreint de lucidité, et beaucoup plus déterminé à ne plus se laisser faire. A y regarder de plus près, on s’aperçoit que l’état social sénégalais est plus que décidé à en découdre avec tout individu ou groupe d’individus qui s’amuseraient à vouloir s’ériger comme nécessaires, alors qu’ils ne sont que des nécessiteux à l’image d’Abdoulaye Wade et de sa famille. Ils ont été beaucoup plus nécessiteux que nécessaires, sinon, on ne comprendrait pas tout cet accaparement frénétique dans toute chose.
C’est dire donc qu’avec ce Yaakaar, le peuple sénégalais ne va pas attendre Macky et sa bande au tournant. Non, ce peuple va plutôt ruer sur les brancards chaque fois qu’il sentira que le chef de l’Etat et sa clique sont en train de dévier. Et c’est déjà très salutaire ! Maintenant, c’est aux gouvernants de ne pas faire du «Tass Yaakaar». Et tout ce qu’on leur demande, c’est d’instaurer un Etat de droit ! Il est regrettable de constater que le peuple sénégalais n’a jusqu’ici toujours pas eu de dirigeants exemplaires. Le destin n’a servi à ce peuple que des gouvernants peu convaincants jusqu’à maintenant. Si ailleurs, par exemple, en Malaisie (Muhamed Makhatir), en France (De Gaulle), au Brésil (Lula Dasilva), en Afrique du Sud (Mandela), en Inde (Mahatma Gandhi), ces pays ont eu des dirigeants dont on peut être fier ; au Sénégal, on peine jusqu’à présent à en trouver.
Et Abdoulaye Wade est sans doute celui dont on se souviendra le plus pendant longtemps. Non pas à travers ses réalisations infrastructurelles, mais surtout à cause de sa grande dimension… gabégique et tortueuse. D’ailleurs, malgré lui, il aura averti les Sénégalais de toutes les dérives possibles dont est capable un régime politique, un individu. Tous les Sénégalais seront sur leur garde maintenant. Il leur aura fallu une décennie pour apprendre par cœur et même jusqu’à l’écœurement ce qu’ils savaient depuis longtemps : il ne faut jamais donner les pleins pouvoirs ni à un individu, ni à un groupe quel qu’il soit (religieux, politique, économique, dynastique, etc.) !
Du Sopi au Yaakaar, drôle d’ordre ! On aurait souhaité que cela soit du Yaakaar au Sopi. Mais, compte tenu de la tournure historique et des tempéraments qu’ils ont générés chez le peuple sénégalais, on serait tenté de dire ainsi soit-il. D’autant que ce Yaakaar est un Yaakaar très lucide. Entre l’espoir et la lucidité, il faut toujours choisir la lucidité. Mais, si cet espoir est lucide, alors va pour l’espoir, parce que, avec l’espoir, on peut toujours tenir en attendant…Si cet espoir est audacieux, alors osons espérer comme le dirait Barack Obama, celui-là qui a osé espérer. Son livre, L’audace d’espérer, est vraiment un message pour tout le monde.
Yes, we can! We Senegal can! We Afri can!
Mamadou Moustapha WONE,
Sociologue
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