Retrouvé ce lundi à son domicile à Mermoz (Dakar), le Président d’honneur du Pit, Amath Dansokho, aborde, dans cet entretien, l’actualité brûlante marquée par les audits, la sortie de Wade, les Législatives, les vols de véhicules… Le ministre conseiller du chef de l’Etat Macky Sall parle de tout avec la liberté de ton qu’on lui connaît.
M. Dansokho, on est dans votre salon mythique, il y a quelques mois, l’ancien régime tournait en dérision les opposants et disait que ceux qui passaient tout leur temps à boire du café ne pouvait pas l’inquiéter. Quel est aujourd’hui le sentiment qui vous anime ?
Je pense que la réalité est là. Abdoulaye Wade est parti. Nous avions dit qu’il allait partir. Il a réussi sans doute, avec la complicité de magistrats, à se porter candidat, mais malgré le déluge financier, la mobilisation d’une partie essentielle de l’Administration territoriale et le soutien de certains chefs religieux, il a été battu. Mais certains ont succombé à l’appât de Abdoulaye Wade et ont appelé à voter pour lui. Je l’avais moi-même proclamé, avec tous les dirigeants de Bennoo, à l’ouverture du meeting que nous avions organisé en juillet de l’année dernière à Ziguinchor. J’avais déclaré que l’offensive générale pour le départ de Wade est déclenchée et que nous sommes convaincus que nous gagnerons. D’ailleurs, si Wade avait une bonne mémoire et s’il n’avait pas du mépris pour les Sénégalais, ce qui s’est passé en 2009 aux Locales était un signe. Là également, il avait tout dépensé, mais on se souvient de la déroute de l’expédition de Karim Wade dans le Fouta et, de la même manière, la façon dont il a fui à Thiès, tellement les gens ne voulaient pas de lui. Il pensait que les Sénégalais étaient sa propriété, mais ils lui ont prouvé que nous sommes une République de citoyens. Nous entendons le demeurer et le vote a été clair et net. Ils n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes, à l’aveuglement de leur chef (Wade) qui est responsable de tout cela.
Vous dites que Wade est parti, mais il a récemment fait une sortie dans laquelle, il s’est attaqué à d’anciens responsables de l’opposition…
(Il coupe) Tout ça, c’est du cinéma. Je l’ai dit immédiatement après sa déclaration, il a peur. Il ne sait pas où aller. Il ne reste pas au Sénégal parce que ça lui plait. Non ! Il avait toujours la bougeotte. Il a peur. Il s’est livré, lui et son système, à des appropriations financières monstrueuses. Mais il y a des forces qui sont dans le monde qui sont au courant et qui se mobilisent pour qu’ils rendent l’argent aux Sénégalais. Je n’exclus pas, un de ses quatre matins, qu’un juge de la France ou des Etats-Unis l’inculpe. C’est criminel ce que Wade a fait. Il y a la famine partout dans le pays. Pendant des années, on a attiré son attention sur les risques de famine qui s’aggravaient d’année en année, mais lui disait qu’il n’a pas vu des gens morts au bord des routes. Il n’a pas un sentiment humain quelconque.
Donc Wade n’est pas à l’abri d’une inculpation au niveau international ?
Il n’est pas à l’abri, je vous dis. Il y a des organisations très puissantes qui soutiennent les peuples africains pour récupérer les fortunes colossales, fruit de leur labeur qui se trouvent entreposées dans des banques ou dans des caves à l’étranger.
Dans des caves ?
Mais oui. Il y en a. Même à Dakar, ils ont de grandes caves. On a vu des ministres, ici, essayer de changer de l’argent. Ce n’est pas nous qui le disions. C’est dans le temps que ces fuites ont eu lieu. On a pris un ministre en train de changer plus d’un milliard de FCfa chez les cambistes. Le bruit a couru et Abdoulaye Wade l’a appelé pour lui dire d’arrêter. On l’a vu lui-même acheter, avec de l’argent de poche, une maison à plus d’un milliard FCfa. Il est tellement primitif. Il ne savait même pas (secondé par son fils qui est, paraît-il, une sommité dans le domaine de l’ingénierie financière) les règles les plus élémentaires en cours sur la circulation de l’argent dans le monde. Dans son propre pays, il savait, ou du moins il ignorait parce que c’est un ignorant… (Il ne termine pas sa phrase). Dieu lui a donné une langue pour tromper les gens, mais c’est un frimeur. Qui ne sait rien, sinon, il n’aurait pas géré le Sénégal de la sorte. Leurs maisons sont pleines de milliards, il y a des gens qui ont aménagé des caves avec des climatiseurs pour que les billets ne moisissent pas. Et c’est ici à Dakar. Suivez mon regard, il y en a un qui est célèbre ici, ses enfants l’ont rendu célèbre.
Vous parlez de Pape Diop ?
Non. Pas lui.
De qui s’agit-il alors ?
Il se reconnaîtra dans mes propos.
Quel commentaire faites-vous de l’affaire des 430 milliards FCfa qui auraient quitté le pays pour se retrouver dans les pays Arabes ?
Abdoulaye Wade devrait commencer par aller arrêter le gouverneur de la Banque centrale (Bceao). C’est la Banque centrale qui a écrit qu’elle s’étonne qu’en si peu de temps, 430 milliards FCfa soient sortis du pays. Il a voulu faire des transactions frauduleuses. Il a été pris la main dans le sac. Mais c’est la Banque centrale qui a dit qu’il y a eu des transferts dans le Golfe, au Liban, en France qui ne se justifient pas. Et ces transferts ont été faits par voies mafieuses. Pourquoi ne pas arrêter le gouverneur de l’époque qui a sorti cette note. On a arrêté Ibrahima Sène (responsable du Parti de l’Indépendance et du Travail -Pit-) pour cela. Et on m’a inculpé pour avoir répété ce que la Banque centrale a écrit. On a dit que je discrédite les institutions de la République. Mais quand on a été au tribunal, l’avocat a dit : bon nous avons des preuves que des blanchiments d’argent ont eu lieu ici. Le Procureur a dit : «Vos preuves ?» L’avocat a dit : «Attendez, je vais vous donner des preuves.» Mais le président du tribunal a dit : «M. Dansokho, allez vous asseoir.» Et on me condamne à trois mois de prison avec sursis. J’ai interjeté appel. Ce sont des mafieux. Ils sont alliés aux mafieux de la grande mafia internationale.
M. Dansokho, vous parlez de vols de milliards, mais il a aussi le débat sur les vols de véhicules de l’Etat par l’ancien régime. Quel commentaire en faites-vous ?
Je m’en suis indigné. C’est une preuve de plus de son manque de culture. Ce n’est pas bon ce qu’il a fait. Immatriculer des centaines de voitures à son nom ou au nom de ses collaborateurs ! C’est incroyable. Il n’a qu’à nous dire où est-ce qu’il a pris cet argent, qu’il nous dise au nom de quoi, des chefs d’Etat étrangers lui donneraient des voitures à titre personnel. C’est un mensonge. Puisqu’il est primitif, il prend les Sénégalais pour des moins que rien. Ça, c’est ancré dans sa tête. Maintenant, il a peur, c’est ce qui explique toute cette agitation.
Au niveau de votre coalition Bennoo Bokk Yaakaar, il y a eu des frustrations après la confection des listes pour les Législatives. Qu’est-ce qui explique cela ?
Je n’étais pas là au moment des investitures. Mais je sais que le principe qu’on a retenu pour faire ces investitures. Et globalement, cela s’est bien passé. Il y a eu des difficultés, c’est naturel.
Il s’est dit que c’est le Président Macky Sall qui a changé les listes de Bennoo Bokk Yaakaar et qui a imposé Moustapha Niasse comme tête de liste nationale, pour ensuite faire de lui le président de l’Assemblée nationale. Est-ce la réalité ?
Je ne sais pas. Je n’ai pas assisté à des discussions de ce genre. Mais encore une fois, je ne vois pas en quoi cela gênerait les Sénégalais. Après tout, ce n’est pas lui (Niasse) le deuxième, comme le président était le premier. Macky Sall est devenu président de la République, je ne vois pas en toute logique pourquoi la présence de Moustapha Niasse à la tête de l’Assemblée devrait gêner. Il faut être juste dans la vie.
Donc vous roulez pour Moustapha Niasse pour la présidence de l’Assemblée, même si d’autres se sont signalés ?
Non. Je ne roule pas pour Moustapha. Je le dis en toute logique. Je crois que si c’est le Président Sall qui a pris la décision, et que les autres n’ont pas été associés, là, je donne mon accord total. Ce n’est pas parce que je suis ami avec Moustapha. S’il ne le méritait pas, je ne le dirais pas. Je ne suis pas complaisant à son égard. Ce qui nous lie, c’est une amitié, mais le Sénégal avant tout. Ma doctrine, c’est celle-là. Je ne suis animé par aucune ambition morbide, ni de pouvoir. Je suis tout à fait d’accord que si on gagne, Moustapha soit président, c’est normal. Dans les années 80 et 90, quand le Parti socialiste s’est approché de moi pour qu’on se concerte en pleine crise pour que cela ne dégénère pas, quand Jean Collin (ancien baron socialiste sous le Président Abdou Diouf) nous a proposé 4 postes ministériels, nous avons refusé. Nous avons écrit que, Abdoulaye Wade était le premier et qu’il n’était pas question de tuer son parti. Nous avons eu la même attitude quand Abdoulaye Wade nous a proposé de reconstruire l’alliance qui l’a porté au pouvoir en excluant le Parti socialiste du débat politique.
Comment voyez-vous les audits et la convocation d’anciens responsables du régime à la Division des investigations criminelles (Dic) ?
Il faut qu’il ait des audits, le pouvoir vient d’arriver. Si le pays était géré normalement, peut-être que de simples audits auraient suffi. Mais là, avec ce qui s’est passé, il faut savoir ce qu’on a et ce que l’on n’a pas. Comment on en est arrivé à cette situation catastrophique où il y a une tension sulfureuse dans les finances publiques qui était devenue un mauvais souvenir. Le programme d’ajustement structurel d’Abdou Diouf a été très dur. Mais, il faut reconnaître qu’en 1998, à travers le Plan Sakho-Loum (du nom de l’ancien ministre de l’Economie et des Finances, Ousmane Sakho, et de l’ancien ministre du Budget, Mamadou Lamine Loum), nous avions recouvré la santé financière. Et quand il (Abdou Diouf) partait d’ici, il y avait de l’argent. Mais cet ignorant (Abdoulaye Wade) est allé à Paris pour dire qu’il n’a pas besoin d’aide. Car il pensait que les 300 milliards FCfa étaient inépuisables. Mais 300 milliards, ce n’est rien dans la vie économique d’un pays, mais lui, il pensait que c’étaient des montagnes inépuisables, et il se dit professeur d’économie ! C’est un charlatan.
Mais ne faudrait-il pas s’accorder sur la périodicité des audits, pourquoi vouloir les circonscrire entre 2008 et 2012 ?
Je suis d’accord, car je ne suis pas concerné. Personne ne peut m’auditer. Depuis 1979, j’ai lancé un défi à Habib Thiam (ancien Premier ministre du Président Abdou Diouf). Les riches ne m’ont jamais donné un sou. Wade était là, pourquoi ne l’a-t-il pas fait ? Il avait commencé, pourquoi a-t-il arrêté. Tanor a été convoqué, mais il a aussitôt abandonné. Il a prétexté que j’avais moi-même détourné de l’argent à la mairie de Kédougou. Tout ce que je gagnais à la mairie, je le remettais aux associations de football.
Mais si on commence les audits à partir de 2000, la gestion de Macky Sall en fera partie…
(Il coupe). Ça c’est du sophisme. C’est ce qu’on appelle un argumentaire de sophiste. Le régime était incarné par quelqu’un qui s’est donné une Constitution, avec des pouvoirs qui étaient supérieurs à ceux du roi du Maroc. Tout ce qu’il a fait, on ne peut pas dire que c’est illégal. Moi, j’ai refusé de voter cette Constitution, c’est pourquoi j’ai été limogé du gouvernement. Nous étions trois : Talla Sylla, Oumar Khassimou Dia et moi-même. J’ai toujours dit que les audits devaient être faits, d’après la loi. Il est exclu qu’on fasse une chasse aux sorcières. Wade n’a pas aimé. Et c’est pourquoi il a dit qu’il ne sera pas avec moi dans un gouvernement, car il ne se considérerait pas comme un président de la République. Je savais ce qu’il allait faire. Ils ont fait quelques audits. Ils ont laissé de côté les grands cabinets d’expertise comptable pour fabriquer des aventuriers. Il a demandé lui-même, par la suite, qu’on ne lui présente plus de curriculum vitae (Cv), parce que la plupart des gens qui ont fait ces audits n’avaient pas le niveau. Mais cela leur a permis de faire sortir de l’argent. Il parlait des audits pour tenir ses adversaires en respect. Mais c’était surtout pour détourner de l’argent public. Voilà comment cela s’est terminé. On lui a posé une question très précise. Sa gestion est bien datée. Il n’a qu’à dire ce qui s’est passé. Qu’il donne des preuves que ce qu’on lui reproche, il ne l’a pas fait. C’est ce qu’on lui demande. Il est responsable d’une gestion dont il doit répondre. Je ne fais pas de l’acharnement ni de la complaisance.
L’ex-Premier ministre, Souleymane Ndéné Ndiaye, a déclaré avant-hier qu’il ne répondrait que devant une Haute Cour de justice. Qu’est-ce que vous pensez de cette déclaration de l’ex-Pm de Wade ?
Je n’ai rien à dire. Les hommes de droit sont là. Le ministre de la Justice, Aminata Touré, tout le monde sait qu’elle n’est pas une personne qui fait les choses à la légère. Elle a une facture intellectuelle exceptionnelle, doublée d’un courage que tout le monde lui reconnaît et d’une rigueur morale tout aussi exceptionnelle. Je suis convaincu que les choses se passeront selon les normes. C’est-à-dire, suivant les règles de droit. Je ne l’ai pas entendu dire qu’on crée des tribunaux révolutionnaires pour couper la tête des gens qui auraient volé de l’argent. Je souhaite que tout se passe très bien. Qu’on n’oublie pas ce pourquoi on a été élu. Nous devons travailler. Ils nous ont fait beaucoup de mal. Mais la clef pour dépasser tout cela, c’est qu’on se mette au travail. Qu’on aide les paysans à sortir du cercle infernal de la famine.
Macky Sall a fait deux mois à la tête de l’Etat, pensez-vous qu’il y a de l’espoir par rapport aux changements tant espérés par les populations ?
J’en suis convaincu. Je l’ai observé. Je le vois travailler. C’est un homme de très grande valeur. Il est d’une intelligence phénoménale. Malgré cette intelligence, il écoute beaucoup. J’en ai eu la preuve aujourd’hui (avant-hier). Un ami qui travaille avec lui et qui est connu pour ne pas être complaisant, me dit la même chose. Il est vif, sobre et respectueux de ses collaborateurs. Ce sont là de grands atouts. Avec Wade, chaque jour, on se réveille en se disant : qu’est-ce qu’il va nous sortir aujourd’hui ? Pendant ce temps, il menait sa politique malfaisante que vous savez.
Il y avait une réunion secrète hier au Palais entre le Président et les différents candidats qui l’avaient soutenu. Peut-on savoir ce qui s’est passé lors de cette rencontre ?
Je n’y étais pas. J’étais parti me retaper physiquement. J’espère que des décisions sages ont été prises. Il faut, malgré certaines frustrations, savoir pourquoi on a assuré sa victoire. Une victoire personnelle. Mais surtout une victoire du Sénégal. La sous-région traverse une situation dangereuse, à l’image de ce qui se passe dans le monde. Personne ne sait où va le monde.
Il faut prendre ça en compte, si nous cédons aux frustrations, au point de neutraliser la population pour le compte Macky Sall, on le payera très cher. Parce que si beaucoup de ces rescapés-là peuplent l’Assemblée nationale, comme les listes le laissent prévoir, la tentation est grande que les gens, pour des questions de postes, de positions de rente, fassent des alliances. Ceux qui ont voté pour Macky aujourd’hui, demain à l’Assemblée, s’allieront pour une simple question de poste. Donc, il faut surmonter les frustrations, confirmer la victoire de Macky. Qu’on ait une Assemblée nationale massivement «Bennoo Bokk Yaakaar» et qu’au sein de celle-ci, la démocratie ne prévale pas seulement pour les chefs, mais pour tous les responsables, tous les députés. Quant à ces derniers, il faut qu’ils prennent l’intérêt du Sénégal à bras le corps et qu’ils travaillent dans ce sens.
Après leur audition, Pape Diop et Farba Senghor ont déclaré qu’ils n’étaient pas aussi riches qu’on le prétend et que beaucoup d’immeubles qu’on leur prête ne leur appartenaient pas. Est-ce là une manière de fuir la justice ?
Je ne sais pas ce qui se passe dans leurs têtes, franchement. Si c’est entre les mains de la justice, je laisse la justice administrer la preuve qu’ils ont des immeubles ou qu’ils n’en ont pas. Je n’ai aucune capacité pour dire qu’ils ont des immeubles ou non. Je sais que l’argent, on a vu qu’ils l’ont jeté par la fenêtre tous les jours et le principal responsable, c’est Abdoulaye Wade et sa clique. C’est lui qui est le premier responsable de cela.
Quel est l’avenir du M23 ?
Le M23 a été une des locomotives de ce changement, parce que son mot d’ordre : ne touche pas à ma Constitution, a été l’outil de ralliement de forces considérables qui ont commencé à se constituer à partir des Assises. C’est le même cheminement : les Assises ont balisé et éclairé les questions. Le M23 a été le bras des Assises et de la volonté de changement. Les Assises ont permis à tous ceux qui ont participé à cette grande bataille de se connaître pendant des années. Nous avons bu du café et du thé ici. Vous savez, au départ, même les journalistes ne nous prenaient pas trop au sérieux. Il faut le dire. La presse disait que ces partis politiques sont discrédités, que c’est la société civile qui allait prendre directement le pouvoir. Où est-ce que cela s’est produit dans le monde ? Les gens avaient des doutes, c’est vrai. Mais les partis politiques n’ont pas décroché. Ce sont les partis politiques qui ont gagné en 2009. Pour que le peuple abandonne les partis politiques, il faut qu’ils fassent des choses très graves contre lui. Ce qui n’est pas le cas des protagonistes des Assises et du M23. Bientôt ce sera l’anniversaire du 23 juin, le premier anniversaire du M23 ; une réflexion est en cours et nous sommes tous d’accord pour que ça continue, pour justement renforcer le réflexe démocratique. Qu’on n’attende pas les chefs pour réagir. La démocratie, c’est cela. Le M23 est un creuset de démocrates. Pas en parole, mais en actes. Le M23 a révélé des hommes et des femmes d’une très grande qualité intellectuelle et politique, sans appartenir à des partis. Justement, parce qu’ils ont des qualités remarquables en matière politique, facilement, ils ont été très pratiques pour aller à l’assaut du régime de Abdoulaye Wade et le défaire.
On assiste à une division au sein du Parti Démocratique Sénégalais, avec la fronde de Pape Diop et sa bande, qui ont créé la coalition «Bokk Giss Giss», est-ce que leur débâcle du 25 mars passé ne siffle pas la fin de ce parti ?
Je ne sais pas si c’est la fin du Pds, mais c’est la fin pour Wade. Et je l’ai dit devant les diplomates de l’Union Européenne, qui nous disaient que nous n’étions pas unis. Je leur ai dit : «Mais, qui est uni ?» Le jour où Wade sera battu, le Pds va s’effondrer comme un château de cartes. L’histoire m’a donné raison. Et cela se passera comme cela. Le Pds va s’écrouler. Et Wade, avec sa secte, va essayer de survivre, mais il ne survivra pas. Le Pds va essayer de se regrouper autrement. Mais Abdoulaye Wade, c’est du passé.
Les mines d’or de Sabadola sont aussi source de problèmes.
La pauvreté est telle que tout le monde se tourne vers l’Etat, vers l’accès à ses ressources, parce qu’on ne peut pas trouver de l’argent ailleurs. Il y a les mines de Sabadola qui sont là. Mais c’est devenu un véritable Far West. Nous avons des Sénégalais qui auraient pu faire fortune. Mais on les a brutalement éloignés du champ et Wade s’est approprié la mine de Sabadola. C’est sa société et je sais comment elle a été montée.
Comment ?
Par des méthodes mafieuses. La preuve : qu’il dise quel est le sou qui vient de Sabadola pour rentrer dans le trésor public ? La seule chose que ça rapporte au Sénégalais, c’est la condition par le mercure en quantité énorme et non contrôlée qui fait que cette zone est polluée à jamais avec des produits toxiques extrêmement graves. Ce sont des centaines de millions que le Mali tire de ses minerais de fer.
Est-ce à dire que le nouveau régime va remettre en cause le contrat d’exploitation de la mine de Sabadola ?
Je ne sais pas ce qu’il doit faire. Mais je sais que la lumière sera faite. Et les Sénégalais seront étonnés de voir que des gens ont tiré près de mille milliards Cfa à partir d’une mine qui leur appartient et dont ils ne voient pas du tout le fruit. Nous allons mettre de l’ordre là-bas pour que cette mine rapporte quelque chose au Sénégal.
Dansokho, Mandela du Sénégal, Qu’est-ce que cela vous fait ?
Non. Je ne suis pas Mandela. Je n’ai pas fait ce qu’il a fait. J’ai joué ma partition et c’est tout. Elle a été assez modeste, mais efficace. Personne ne nous a encore accordé le suffrage souhaité, mais ça viendra. Nous ne sommes pas pressés. Nous ne sommes pas des révolutionnaires improvisés. C’est cela la différence.
HAROUNA FALL & CODOU BADIANE
Source L’Observateur