De 700 millions de dollars US (350 milliards de FCfa) en 2000, les dépenses du Gouvernement (hors dette) se sont accrues à plus de 1750 milliards de FCfa (3,5 milliards de dollars) en 2010 soit une augmentation de 120%. Toutefois, non seulement cette performance dans les dépenses publiques cache mal un important déséquilibre géographique, mais elle est de loin, en termes d’indice de développement humain(Idh), en-deçà de la moyenne des pays qui ont le même niveau de dépenses publiques par tête… et le gap se creuse.
De 2000 à 2010, les dépenses du gouvernement ont augmenté de 350 milliards de FCfa à 1750 milliards de FCfa, évoluant ainsi (en termes réel) de 120% au cours de la dernière décennie. Une réalisation que le gouvernement de Abdoulaye Wade doit à une récente performance macro-fiscale saluée par la Banque mondiale, à travers un rapport rendu public ce mercredi 13 juin 2012 à Dakar. Un rapport qui fait droit à « une décennie d’efforts réussis » en matière de mobilisation de revenus renforcée par une croissance économique positive, « bien qu’irrégulière » ; une stabilité dans la contribution des bailleurs, et, à un degré moindre, un allègement de la dette.
Les « efforts réussis » sont d’autant plus importants que, parmi les trois principales catégories de ressources qui financent les dépenses publiques (les recettes intérieures, les subventions et les emprunts), la contribution des recettes intérieures représente la plus grande part : la hausse des recettes intérieures représente plus de 60% de la hausse des dépenses. En revanche, le ratio recettes fiscales/PIB s’est établi à 19,7% en 2010 (contre 18% en 2000), et reste le plus élevé dans l’espace de l’Union Monétaire et Economique Ouest Africaine (UEMOA).
Avec les intérêts sur la dette, les dépenses globales du Gouvernement ont atteint 27% du PIB en 2010, représentant ainsi et globalement, le niveau moyen des quatre dernières années, comparé au 20% du PIB atteint dix années auparavant. Les initiatives réussies de réduction de la dette [PPTE (2004) et IADM (2005)], combinées avec une politique d’endettement « bien maîtrisée », ont ainsi valu au Sénégal une baisse, en termes réels, de près de 25% du service de la dette lors de ladite décennie.
C’est une performance car, comme le font remarquer les experts de la Banque mondiale, si le budget du Sénégal avait eu la même proportion de service total de la dette en 2010 qu’en 2000, le service de la dette publique aurait dépassé 335 milliards de FCfa (670 millions de dollars), contre 116,5 milliards de FCfa (233 millions de dollars) réellement dépensés en 2010, selon les experts de la Banque mondiale qui émettent toutefois un bémol notamment sur une éventuelle hausse des emprunts qui, entraînerait vraisemblablement une hausse du service de la dette. Ce d’autant plus que l’importance des deux derniers facteurs (stabilité dans la contribution des bailleurs, et, à un degré moindre, allègement de la dette) est censée diminuer au fil du temps.
Il n’empêche, malgré une croissance cumulée de la population de 30% lors des dix dernières années, les dépenses publiques par habitant ont augmenté de près de 70%.
C’est à ce niveau que le tableau se noircit pourtant, avec une répartition géographique de ces dépenses plutôt déséquilibrée.
Parents pauvres
Avec plus de 56% des dépenses publiques et dépense en capital sur ressources externes, la région de Dakar concentre l’essentiel des efforts du gouvernement. Avec 7% des dépenses, la région de Saint-Louis vient après Dakar alors que Diourbel et Thiès reçoivent 6%. Les auteurs du rapport de faire remarquer que Diourbel présente un « exemple intéressant » de région où les dépenses publiques sont globalement importantes relativement aux autres régions, bien que montrant des différences importantes selon les secteurs.
Dans cette répartition, les régions les plus mal loties sont Louga, Fatick, Matam et Tambacounda.
A la concentration géographique évoquée des dépenses publiques, s’ajoute une concentration réelle sur l’ensemble des secteurs stratégiques notamment dans ceux de la santé et de l’éducation pour lesquels Dakar reçoit un peu plus de la moitié des dépenses sociales. Un déséquilibre entre Dakar et les autres régions qui a même tendance à s’aggraver au cours de l’exécution du budget, notent encore les rapporteurs. Quid des raisons de cette concentration ?
Les actes modificatifs de la loi de finances, notamment ceux de la loi de finances rectificative 2009 qui est largement défavorable aux régions, sont avancés comme raisons.
Sauf que cette « concentration » de la dépense publique n’est pas la seule source d’inéquité. C’est du moins ce qu’à fait entendre Mme Miria A. Pigato, Directrice du département gestion économique et réduction de la pauvreté-Afrique de l’Ouest, à la Banque mondiale, selon qui, « la concentration de la population dans cette région n’explique pas tout ».
Aussi, la politique du gouvernement, en matière de subventions, en particulier dans le secteur de l’énergie, constitue également, selon Mme Pigato, « une source d’inéquité de la dépense publique. » Des subventions qui auraient dépassé 7% du PIB sur la période 2005/2011 et, regrette Mme Pigato, « elles ne soient pas orientées vers les pauvres. » Des pauvres qui représentent la moitié de la population et qui ne recevraient que 15% de ces subventions dont ne profiteraient que 20% des populations les plus riches. L’inefficience et l’inéquité qui découlent de ces subventions ont par ailleurs été soulignées par le ministre de l’Economie et des finances, Amadou Kane, soulignant ainsi « l’incapacité » des outils de politiques publiques à aider la population dans son ensemble, et les pauvres en particulier à faire face aux chocs.
Il apparaît ainsi que si le poids d’un Etat dans une économie peut se mesurer par la part de ses dépenses publiques dans le Produit Intérieur Brut (PIB), une utilisation efficace des dépenses publiques exige une connaissance et une prise en compte efficace de leurs répercussions économiques.