Moi, je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais j’ai un doute : ça n’a l’air de rien, comme ça, mais les professions du Premier ministre Abdoul Mbaye en pleines élections, qui annonce tous les jeudis des chiffres mirobolants à l’intention des électeurs, pardon, des honnêtes citoyens sénégalais ressemblent à s’y méprendre à autant de coups de pouces à la coalition Benno Bokk Yakaar. C’est frappé au coin du bon sens : personne ne peut décemment empêcher le Premier ministre de distribuer de l’espoir aux Sénégalais puisqu’il est grassement payé pour ça. Les gens de Saint-Louis ont le blues ? Il fonce leur annoncer 300 milliards pour leur rendre la vie encore plus belle par-dessus le pont Faidherbe. Kaolack se meurt ? Lui, le petit-fils prodige, est là pour promettre pas loin de 255 milliards pour panser leurs blessures…

Et le Premier ministre est d’autant plus crédible que c’est dans ses habits de technocrate impassible qu’il fait le tour du pays en compagnie des membres de son équipe gouvernementale. Ça fait solennel, studieux. Rien à voir avec les déclarations de Ndèye Fatou Touré qui veut empêcher les vieux toubabs de fricoter avec de la chair fraîche contre des euros tout ce qu’il y a de neufs, ou de l’imam Mbaye Niang qui se fait du souci pour les petites fesses de nos chers pédés. Les programmes de développement peuvent attendre, mais la vertu de nos concitoyens, il y a urgence, faut la préserver…

Ce doit être un curieux hasard si les déclarations fracassantes d’Abdoul Mbaye ont un p’tit quelque chose de la promesse de campagne… C’est d’autant plus habile que ses temps d’antenne à lui ne font pas partie de ceux attribués aux coalitions en lice. Il y a comme une sorte de rallonge inattaquable à la télé, en plein journal télévisé, pour le compte de Benno Bokk Yakaar durant laquelle le très smart Abdoul Mbaye distribue généreusement ses solutions aux insurmontables dégâts que les errements des Wade ont causés. Une manière comme une autre d’avertir les électeurs, pardon, les Sénégalais : si vous cherchez bien, les coupables de douze années d’errements, vous les trouverez sur la liste de Pape Diop, ou celle d’Oumar Sarr. Non, Macky Sall n’a rien à voir avec tout ça… D’ailleurs, vous remarquerez que ceux qui vont répondre à la Dic ou devant la brigade de recherche des gendarmes sont à chercher chez ces gens-là. Confirmation : Wade l’a dit depuis longtemps, les dégâts de l’Anoci, c’est Baldé, et les albinos qu’on retrouve morts sans explication, faut demander à Pape Diop…

Devra-t-il disserter longtemps pour faire comprendre aux braves Sénégalais que la condition indispensable aux embellies annoncées depuis Saint-Louis et Kaolack est la victoire sans bavure de la coalition qu’il soutient ? Toujours est-il qu’à ce rythme, Monsieur le Premier ministre aura établi ses quartiers dans pas mal de villes et villages pour semer la bonne parole. Et si comme par miracle la balance électorale penche en faveur de ses, heu, amis, est-ce qu’on pourrait le lui reprocher ?

L’autre avantage de cette drôle de campagne ? Sait-on jamais, avec tous ces francs-tireurs mécontents autour de Macky Sall qui multiplient les condamnations contre tous ceux qui semblent trouver grâce aux yeux du président… La concurrence est rude, et les places aux premières loges se conquerront le couteau contre les dents et les narines retroussées. Ces tueurs politiques seraient capables, après la prise du Parlement, d’exiger un Premier ministre de la même couleur. La réponse sera toute prête : ce n’est pas pour rien qu’à quelques encablures des élections, Abdoul Mbaye s’est invité à une réunion de l’Apr pour y annoncer son adhésion. Il est donc des leurs… Si, si, vous pouvez le croire sur parole. En plus, il bat campagne parallèlement, sans en avoir l’air, à grands frais de conseil des ministres et d’enquêtes policières sur les biens mal acquis : on ne pourra que le reconduire pour continuer le travail. Qu’est-ce qu’il ne faut pas faire pour gagner sa croûte honnêtement…
Par Ibou FALL