C’est à Soumbédioune que Pape Diop, président du Sénat, a démarré l’opération Reconquête de la ville de Dakar. Sur place, les jeunes mareyeurs, rescapés de l’émigration clandestine, lui ont rappelé les promesses non tenues et les trahisons. Par Oumar Seydou BA
ImagePape Diop, le président du Sénat, reprend de l’initiative qu’il avait perdue depuis longtemps, en allant à la rencontre des populations qui l’avaient sévèrement sanctionné, le 22 mars, lors des élections locales dernier. L’opération dénommée Initiative pour la reconquête de Dakar vise à ramener Dakar dans le giron libéral et à assurer au Président Wade une victoire à l’élection présidentielle de 2012. Elle a démarré hier sous les chapeaux de roue, à Soumbédioune, à la faveur du meeting des jeunes mareyeurs. Soumbédioune est un lieu hautement symbolique, en plus d’être un vivier électoral. En effet, c’est d’ici, comme l’a rappelé un jeune, qu’est partie l’une des toutes premières vagues de l’émigration clandestine. Certains y ont laissé leur vie, tandis que d’autres ont tout perdu pour avoir vendu pirogues et matériels de pêche.
Nonobstant ces souvenirs traumatisants, les organisateurs ont voulu donner un cachet populaire à la manifestation, en exhibant tee-shirts, banderoles et casquettes à l’effigie de Pape Diop. En plus, les mareyeurs ont sacrifié un après-midi de travail. Un détail qui n’a pas échappé au président du Sénat qui n’a pas manqué de fouetter leur orgueil en louant leur qualité de cœur et d’esprit. «C’est avec vous, lâche Pape Diop entre deux sourires, que je compte reconquérir Dakar.» Plus facile à dire qu’à faire, car les mareyeurs avaient un tout autre message à délivrer. Et c’est le bouillonnant Adama Mbengue qui s’est proposé de porter leur parole. D’après ce jeune, «la situation va de mal en pis. La mer n’est plus ce qu’elle était ; elle ne nourrit plus son monde». Avant d’ajouter : «Nous avons tout vendu pour risquer l’aventure. Certains d’entre nous avaient commencé à s’intégrer, lorsque le Président Wade nous a convaincus de prendre le chemin inverse et de retourner au bercail en échange de promesses de formation, de projets, de visas.» Il y a de cela 2 ans et demi, rappelle-il.
Et c’est au bord des larmes que Adama Mbengue a laissé entendre que leur espoir a été trahi. «Aucun jeune mareyeur n’a reçu les promesses de financement ou de visa et /ou de formation. Le ministère de la Jeunesse a fait dans la discrimination et a fait ce qu’il a voulu», s’est-il encore plaint. Malgré cela, «nous avons jusqu’à présent été des jeunes patriotes, exemplaires. Personne ne nous a jusqu’à présent cités dans des actes de vandalisme. Pourtant, ce ne sont pas les tentations qui manquent». Et le jeune Mbengue d’avertir que toute patience a des limites. Avant de mettre sur la table, les doléances de ses pairs : «Ce que nous demandons au pouvoir, c’est de nous remettre nos visas ; faute de quoi, nous allons briser vos derniers espoirs de reconquérir Dakar en reconduisant le même dispositif». «En mars 2009, détaille-t-il, certains d’entre nous ont préféré croiser les bras. C’est pourquoi la défaite a eu lieu. Si vous voulez reconquérir la capitale, vous savez ce que vous devez faire, ce que vous avez à faire.»
Dans la même veine, les femmes ont demandé au président du Sénat à ce que le plafond du marché soit refait. «Le marché est sans toilettes, sans plafond. Pendant l’hivernage, toutes nos activités sont au ralenti à cause des eaux de ruissellement venant du canal.» Sur toutes ces questions, la représentante des femmes a demandé des réponses sérieuses et réclamé «un partenariat fécond où chacun a à gagner».
Pris de cours par la fermeté des discours qui contraste avec l’accueil populaire, le président du Sénat a fourni une réponse évasive : «Nous allons trouver ensemble les solutions.» Ce n’était certainement pas la réponse que les ex-émigrés clandestins, qui rêvaient de solutions concrètes aux problèmes concrets, souhaitaient entendre.
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