Ngoné Ndoye est de ces femmes qui aiment se raconter, balancer quelques petites anecdotes. Mais, lorsque le micro est ouvert, cette responsable libérale abrège ses réponses, fait dans le «je n’en sais rien», ou «posez-lui la question». Tout ce qui touche à la délicate situation du Pds, affaibli par la fronde Pape Diop et Cie, la gêne. Son «père» et «oncle» Mbaye Jacques Diop, qui dit n’avoir jamais milité au Pds ni obtenu la carte, n’avait pas fait que fusionner avec le Pds. Plus que cela, selon Ngoné Ndoye, c’était comme «mettre du sucre dans de l’eau». Elle se dit, par ailleurs, attristée par la suppression de ce département, désormais rattaché aux Affaires étrangères.
Vous êtes à la quatorzième position sur la liste nationale du Pds. Est-ce que vous ne méritiez pas plus que ça ?
Au contraire, j’ai été très surprise parce que mon envie n’était pas d’être sur les listes électorales pour les Législatives. Ce que je voulais, c’est de ne pas être investie pour prouver au président Wade que le département de Rufisque lui appartenait.
C’est-à-dire…
C’est-à-dire que si je n’étais pas sur la liste nationale ou la liste départementale, j’aurais pu faire comprendre comment, dans les cinq collectivités découpées, il était important que les gens restent ensemble. J’aurais pu, dans les trois communes de Rufisque, expliquer combien c’était important que nous restions dans notre parti pour faire la différence à l’Assemblée nationale. Et bien sûr les communes de Diamniadio et de Sébikotane que nous avons toujours gagnées seraient venues à la rescousse de nos amis de Yenne et de Bargny que nous n’avons pas gagnées. J’aurais été plus efficace là-bas. Cette place, je ne dirais pas que je ne la mérite pas, mais je la dois au Président Abdoulaye Wade.
Est-ce qu’il n’y avait pas plus de chance pour vous, d’être sur la départementale et de gagner que d’être sur la liste nationale. Les choses ont changé et ce n’est pas évident d’avoir autant de députés pour l’ancien régime ?
Si c’était simplement pour être député, je vous aurais répondu. Mais ce n’est pas cela mon problème. C’est le militantisme. J’ai déjà été parlementaire ; j’ai l’expérience du Parlement, j’ai été maire, ministre… donc, je connais l’exercice du pouvoir. Je ne découvre rien en restant député, même si le combat à l’Hémicycle va être dur, même si ce combat mérite que nous ayons des députés aguerris qui comprennent les choses. Mais, être ou ne pas être député, ce n’est pas cela mon problème. Mon problème, c’est de donner la majorité à mon parti.
Est-ce possible dans le contexte actuel ?
Parfaitement. Après la chute, tout ce que je regrette, c’est que la Coalition Bokk gis gis soit créée. Mais sinon nous serions majoritaires à l’Hémicycle ; nous aurions un président de l’Assemblée nationale et un Premier ministre, avec une large victoire ; ça c’est certain. Vous savez, Wade a eu 34%, plus que le président de la République Macky Sall qui a eu 25% : c’est cela la vérité. Le reste, c’est une somme de coalitions de personnes qui sont venues à la rescousse de l’autre.
Il y a des circonstances…
Oui, mais, pris individuellement, c’est Wade qui était le premier et qui est resté le premier. Maintenant, la somme de tous est plus importante face à un seul individu. Sinon cette masse de 34% allait aider et accompagner, en plus de ceux qui n’ont pas été bien investis dans Benno bokk yaakaar, les frustrés. Donc, avec tous ces paramètres, si le Pds originel était resté entier, il aurait pu gagner très largement à l’Assemblée nationale puisque que les populations commencent déjà à nous rejoindre.
Donc Bokk gis gis a décimé le Pds ?
Ce n’est pas qu’il ait décimé le Pds, mais c’est parce que nous sommes divisés tout simplement ; ce qui va donner moins de force à l’ensemble. Mais chacun pourra avoir quelque chose. Et si nous étions unis cela aurait même mis à l’aise tous nos amis. Parce qu’il y a même des gens du parti qui quittent pour aller vers l’Apr (Ndlr : le parti au pouvoir), mais il faut vraiment laisser l’Apr aux «apéristes». Ils ont gagné, laissez les diriger. Que chacun reste chez lui ! A quoi servent la dignité et l’éthique ? A quoi cela sert d’entendre tout le temps les gens vous dire «vous êtes des transhumants, vous êtes venus chercher ceci ou cela» ? Que les gens restent dans leur parti. Etre dans un parti, ce n’est pas seulement être au pouvoir et l’exercer, mais c’est aussi influer sur des décisions, sur des orientations, crier s’il y a des problèmes, avertir, négocier, discuter. Il y en a plein qui commencent à partir. Mais ils préfèrent rester parce qu’ils ont le courage de rester, mais tout le monde n’a pas la force politique.
Comment vous avez vécu la fronde de Bokk gis gis animée par Pape Diop et d’autres ?
Je ne l’ai pas aimée. C’est un fait ; il faut la dépasser, c’est tout. Nous avons pris acte de la situation, nous nous sommes remobilisés pour avancer, c’est tout.
Ils ne sont pas partis pour rien, il y a certainement des causes, non ?
Ce sont eux qui peuvent vous le dire parce que moi, je n’ai aucune raison de partir.
Est-ce que ce n’est pas dû à la lancinante question de la succession qui n’a pas été réglée avant la défaite ?
Ce que je pense, c’est qu’entre l’élection présidentielle et les Législatives, personne ne pouvait absolument rien faire. Tout ce que nous pouvons faire et que nous allons faire, c’est après les Législatives, d’aller en congrès, c’est tout. Personne n’est alerté de quoi que ce soit, personne n’est rien ; nous sommes tous ensemble. Nous allons décider de ce que nous allons faire de notre parti.
Etes-vous de ceux qui pensent que le choix de Omar Sarr comme coordonnateur est normal ?
Il est tête de liste, c’est tout. On aurait pu me mettre tête de liste.
Pourquoi ? Vous n’êtes pas membre du Pds originel ?
Seulement ? Mais j’ai participé à la construction du parti. Vous voyez la place que j’occupe, 14e sur la liste nationale, ce n’est pas rien ; c’est très important. C’est par rapport au travail qu’on abat. C’est vraiment le groupe qui a décidé parce qu’on avait mis sur pied une commission qui a travaillé sur la question. C’est elle qui a décidé. Lorsque je perds le pouvoir, je ne m’attarde pas sur certaines questions. Vous savez, quand on n’a pas le privilège de choisir, on se ceint les reins et on reste ensemble. La vérité est qu’être tête de liste ou pas, Omar Sarr avait même proposé à Pape Diop de lui laisser la tête de liste pour préserver l’unité. Mais du fait de Satan, les choses se sont passées comme ça. Seytané sou gnowé gnow na (Ndlr : A l’impossible nul n’est tenu). Donc, j’ai pris acte de cela et je continue ma route. Seulement, j’aurais aimé que nous restions ensemble.
Vous dites : «On prend acte.» Mais il y a aussi des leçons à en tirer non ?
On n’a pas le temps pour ça, le temps joue contre nous. Moi j’ai des populations que je dois convaincre pour qu’elles votent pour moi. Vous pensez que je vais faire du sur place ?
Et vos relations avec Awa Diop ?
C’est ma présidente et ma tante.
Vous avez tenté à un moment donné de promouvoir les jeunes. Est-ce qu’elle ne devrait pas céder la place ?
Mais Madame Awa Diop est un symbole pour le Pds. Il ne faut pas que les gens oublient le parti. Madame Awa Diop a été avec Me Wade depuis le début. Des gens qui sont au fin fond du Sénégal ne comprendraient pas que le nom de Awa Diop ne figure pas sur les listes. On ne l’a pas investie parce que c’est Awa Diop ou quelqu’un d’autre ; elle est là parce que c’est la présidente nationale des femmes du Pds. Et je fais partie des personnes qui l’ont dit en premier. C’est un symbole, c’est ce qu’il faut voir. Ce n’est pas un problème de personne ; c’est ce qu’elle représente qui compte. Et le Pds avait besoin de personnes de cette dimension sur ses listes.
Vous l’avez dit, vous avez été sénateur, vous connaissez certainement Pape Diop, qu’est-ce qui expliquerez cette fronde ?
Ça, je ne peux pas le savoir. Je connais le président de l’institution. Pape Diop, je l’ai connu quand il était maire de Dakar. J’ai été maire d’arrondissement à Rufisque et il m’avait beaucoup soutenue dans l’exercice de mes fonctions locales. Parce que dans la région de Dakar c’était le plus grand responsable, je l’ai connu aussi au Sénat, mais aussi de par les missions que j’avais dans les différentes institutions. J’avais, donc, de très bons rapports avec Pape Diop. Mais en ce qui concerne les questions de politique politicienne, ses rapports avec Wade, non je ne peux pas savoir.
A votre avis, est-ce qu’il a trahi Me Wade ?
(Elle s’emporte) Je ne suis pas une personne de ce genre, il y a certains mots…
C’est le Président lui-même qui qualifie cette fronde de «trahison» ?
Vous notez ce qu’il dit. Et pourquoi voulez-vous que je le répète ?
Est-ce votre avis ?
(Elle s’énerve) Ecoutez, si vous voulez que nous travaillons tranquillement il faudra que vous vous contentiez de mes réponses (…) J’ai dit que si nous étions restés ensemble nous aurions eu plus de chance pour diriger l’Assemblée nationale. Maintenant, ils (Pape Diop et Cie) sont partis et nous prenons acte. Passons à autre chose.
Il y aurait des actions entreprises pour renouer le fil entre Pape Diop et Me Wade. Qu’est-ce que vous en savez ?
Je ne sais pas, je ne mange pas à la table des grands ; je suis juste une militante de base.
Mais si vous êtes investie sur la liste nationale, c’est que vous êtes une responsable du parti ?
Mais je n’ai pas un poste. Il faut faire la différence. Je suis dans les instances, j’assiste aux réunions et au bureau du Comité directeur, ça c’est sûr.
Apparemment la fronde vous dérange…
Elle ne me dérange pas.
Parlez-nous de vos rapports avec Me Mbaye Jacques Diop ?
Me Mbaye Jacques ? C’est mon père. C’est plus mon oncle que mon père parce qu’il a eu des relations très fortes avec ma mère, des relations fraternelles extraordinaires. C’est quelqu’un qui m’a beaucoup marquée et à qui je parle très souvent d’ailleurs.
Qui vous a appris la politique aussi…
Il m’a tout appris : la politique, la vie. C’est lui-même qui m’a donnée en mariage.
Comment se fait-il alors qu’il y ait eu des grincements de dents entre vous ?
Il y en a eu peut-être. Mais aujourd’hui ce n’est plus le cas.
Pourquoi vous êtes restée au Pds après la défaite de Wade ?
Parce que le Pds ne m’a rien fait. Tout ce qu’il a pu me donner il me l’a donné. Il a fait de moi maire, parlementaire, ministre…
Vous étiez quand même responsable au Ppc, le parti de Mbaye Jacques Diop…
Le Ppc a fait une fusion organique avec le Pds. Vous savez ce que c’est ? C’est mettre du sucre dans de l’eau.
Ce n’est pas l’avis de Mbaye Jacques Diop qui dit n’avoir jamais pris la carte du Pds ?
Ça, c’est autre chose.
Il n’a même pas milité au Pds…
Ça, c’est lui qui peut le dire. Je répète que nous avons fait une fusion organique. Donc, nous sommes entrés au Pds et nous y sommes restés ensemble. Entre temps, j’ai eu des responsabilités qui font que je ne pense pas devoir le quitter, et lui-même ne me conseillerait pas de quitter. Donc, il n’y a pas de problème à ce niveau. Je lui parle, il me parle, je lui demande des conseils.
Vous y êtes entrés ensemble, ne devriez-vous pas alors quitter ensemble ?
Non.
N’est-ce pas un manque de loyauté de votre part ?
Appelez-le comme vous voulez. Je reste au Pds.
Mbaye Jacques Diop fait-il partie de ceux qui ont trahi Wade ?
Non, je ne pense pas. Tout ce que je peux dire, c’est que s’il veut reprendre son parti et sa liberté, je ne le jugerai pas. Les hommes et les femmes sont libres et le militantisme est un acte libre. Pour Mbaye Jacques, c’est un cas spécial.
En quoi, c’est un cas spécial ?
Mais parce qu’il n’est pas un Pds originel. Il a accompagné le Président Wade, il l’a quitté et a donné ses raisons. Il faut respecter son choix.
Le problème, c’est qu’il a quitté après que Wade est tombé…
Mais ce n’est pas à moi de répondre à cette question.
Vous êtes sa «fille» et sa «nièce». Le croyez-vous capable de blanchiment d’argent et de détournement, comme le soupçonne la Centif ?
Oh que non ! Je ne vais pas parler d’une affaire pendante devant la justice. Ce que je peux dire de Mbaye Jacques -et c’est paradoxal- c’est que c’est un homme d’une grande générosité. C’est-à-dire qu’il peut promouvoir quelqu’un sans attendre rien de lui en retour.
La vie, ce n’est pas l’argent. Je vous raconte l’homme Mbaye Jacques. La première leçon qu’il m’a apprise, c’est de lire tous les livres. Depuis, je dévore les livres et au moins deux par semaine.
Quel genre de livres ?
(Silence). Ça ne vous regarde pas (rires). Nous en reparlerons. Rappelez-vous que je vous ai dit que j’ai plusieurs vies.
Vous verrez que j’écris aussi.
Il n’y a pas de problème à parler de vos livres…
Non, non et non ! Ne bâclez pas l’entretien.
Mais c’est vous qui en avez parlé…
Oui. En fait, Mbaye Jacques était bibliothécaire à Rufisque Est déjà en 1964. C’est dire que c’est quelqu’un qui aide et qui aime partager. Autant aujourd’hui Abdoulaye Wade a permis à des Sénégalais d’accéder à des instances aussi importantes que le Sénat et le Conseil économique et social, autant Mbaye Jacques Diop, en son temps, a ouvert la commune de Rufisque à des femmes. Il a trouvé à ces femmes nécessiteuses des salaires et les a intégrées dans la vie active. Ces personnes ont eu un statut social grâce à lui. Et c’est là où je compare les deux hommes (Wade et Mbaye Jacques). Ils sont très généreux par l’esprit et par l’acte. Par conséquent, je ne pense pas que Mbaye Jacques soit capable de faire ce qu’on lui reproche aujourd’hui.
Comment jugez-vous alors ses convocations et auditions ?
Je répète que je ne veux pas me prononcer sur cette question qui est pendante devant la justice.
On parle d’acharnement. Est-ce votre avis ?
Ça c’est clair. Mais je dois, à sa décharge, dire que c’est un grand homme. Mais Mbaye Jacques ku am gannaaaw la (Ndlr : il n’est pas n’importe qui). Il a de la famille et plus que sa famille propre, des amis et des gens comme nous qui en faisons partie. Dieu seul sait la douleur que j’ai eue lorsque j’ai vu que, par deux fois, il a été convoqué. C’est de l’acharnement !
«Acharnement» veut-il dire, pour vous, que ce n’était pas opportun ou qu’il ne doit pas être convoqué ?
Non, je ne veux pas m’immiscer dans cette histoire.
C’est politique tout ça…
Non, je n’apprécie pas. Je ne veux pas commettre d’erreurs ; ce sont des choses que je ne maîtrise pas. Ce que je n’apprécie pas, c’est le lynchage médiatique dont il a fait l’objet et la manière dont il a été convoqué. Je crois simplement qu’on aurait pu le faire sans qu’on soit sous les feux de la rampe. Bref, il faut revoir ça.
Ce rapport date de 2006…
Mais il n’a jamais été publié.
Ne faudrait-il pas faire la lumière sur certains dossiers…
Bon écoutez, puisque moi j’attends qu’on m’appelle parce que j’ai géré. J’ai quand même été maire, parlementaire et ministre. Je ne me reproche rien, c’est clair. Au moins qu’on sache que je suis issue d’un milieu pauvre et que je suis restée pauvre, mais je suis riche dans la tête. Il faut qu’on sache qu’il y a des hommes et femmes honnêtes ; et il y en a plein. Cette montagne va accouchez d’une souris.
Quelle montagne ?
La montagne de «voleurs de la République» et autres accusations.
Avez-vous eu écho de votre convocation prochaine ?
Non du tout. Seulement, c’est parce que j’ai géré que je m’attends à une convocation. J’ai entendu les gens dire que tous ceux qui sont passés sous l’ancien régime doivent défiler. Eh bien, moi je les attends.
On doit auditionner tout le monde…
Je ne sais pas et je n’en sais rien.
Si on vous convoque, c’est normal ?
De toute façon, j’ai géré : maire pendant 7 ans, sénateur pendant 4 ans, et ministre pendant 7 mois. S’ils pensent qu’ils doivent savoir ce que j’ai fait, ils ont des rapports avec eux, ils n’ont qu’à m’appeler, je suis là.
Vous devez donc rendre compte en tant qu’ancien ministre…
Le temps que j’étais ministre ? Le temps que je sache ce qui se passe ? (Elle éclate de rire)
Le temps que vous sachiez ce qui se passe, cela veut dire que vous n’avez pas eu le temps de travailler, non ?
Oh non ! Je vais vous dire tout ce que j’ai fait. Ne vous inquiétez pas. (Elle répète) Oh mon Dieu ! J’ai donné des orientations à ce ministère. Oh lala, xalam demonna bay neex (c’était bien parti).
Et dans quel sens ?
Mais parce que les Sénégalais de l’extérieur sont une manne, un vivier. C’est le plus grand grenier que le Sénégal ait pu avoir. Des personnes qui ont fait 10, 20, 30 ans à l’extérieur ; qui ont vécu dans le développement, qui savent comment travailler. Ce sont des personnes qui ont acquis une expérience solide de rigueur. Mais des gens qui paient des impôts aussi. Nous avions commencé déjà avec des banques de la place parce que, figurez-vous, il n’y a aucune banque sénégalaise pour les Sénégalais de l’extérieur. Nous voudrions en avoir une où l’Etat du Sénégal serait majoritaire et qui permettrait à tous ces Sénégalais d’avoir des comptes personnels plutôt que de faire transiter de l’argent par des voies toujours pas catholiques et, ensuite, dilapider tout l’argent qu’ils envoient. Parce qu’il n’y avait pas de possibilité de faire des économies. Et tant qu’on n’épargne pas, on n’investit pas. Si les Sénégalais de l’extérieur envoient autant d’argent qu’on le dit c’est plus de 2 milliards francs Cfa par jour parce que c’est près de 600 milliards par an. Et ces 2 milliards par jour, il n’y en a pas un seul rond qui soit gardé et pour un investissement. Donc, facilement on perd cet argent.
Avez-vous réussi à changer tout cela ?
En tout cas, j’ai posé des jalons. Je n’ai pas eu le temps. Nous avons fait La semaine du migrant. Les banques sont venues et ont rencontré les Sénégalais de l’extérieur. Les documents sont là. Nous avons parlé aussi de la prise en charge sociale. Imaginez-vous qu’il y a des enfants qui sont nés à l’étranger et qui ne sont pas Sénégalais parce qu’ils n’ont pas été déclarés à la naissance à l’ambassade. Et j’ai appris qu’il y a des ambassades qui sont en train de fermer pour des questions de restriction budgétaire. Mon Dieu, c’est triste !
C’est une politique de rationalisation du nouveau régime. Il y a un choix à faire. Les gens avaient estimé qu’il y avait beaucoup de gaspillage…
C’est comme ils veulent. Je pense que les Sénégalais sont partout dans le monde, ont des époux ou des épouses et des enfants.
Mais les Sénégalais de l’extérieur sont aujourd’hui gérés par les Affaires étrangères…
Attendez, les Affaires étrangères, c’est assez énorme. Le ministère des Sénégalais de l’extérieur, c’est une gestion individuelle du Sénégalais.
Une direction ne suffisait pas pour vous ?
Si elle suffisait, on ne l’aurait jamais érigée en un département à la demande des Sénégalais de l’extérieur eux-mêmes, après le mémorandum remis au président de la République en 2001. Et il y avait un Conseil supérieur des Sénégalais de l’extérieur qui devait s’occuper de leurs problèmes. Mais vous savez, en supprimant ce ministère tout ce qu’on gagne, c’est le salaire du ministre, de son directeur de cabinet et de son chef de cabinet. Et du chauffeur certainement. Tous les fonctionnaires sont restés là-bas.
C’était quoi votre idée de «Maison du Sénégal à l’extérieur» ?
Les Sénégalais de l’extérieur se sont toujours fait filouter par leurs parents. Ils envoient de l’argent et de retour au pays ils ne trouvaient même pas une fondation (maison en construction). Et c’est eux-mêmes qui avaient demandé dans ce mémorandum de les prendre en charge. Me Wade leur avait demandé de s’ériger en coopérative et que l’Etat du Sénégal leur facilitera l’accès à la terre.
Je reviens sur l’idée de la «Maison du Sénégal à l’extérieur». Elle m’est venue des Etats-Unis où on a trouvé beaucoup d’enfants issus de mère sénégalaise qui sont plus avec leur mari. Ces enfants sont aujourd’hui américains et n’ont pas la culture sénégalaise, ils voudraient se ressourcer. Il y en a même qui sont des Sénégalais de père et de mère et qui ont une autre langue comme l’italien ou l’espagnol. Ils ont leurs diplômes, mais ils ne peuvent pas faire valoir leurs compétences au Sénégal où on parle français. Ceux qui parlent anglais, à la rigueur, ont un peu de chance. Il nous fallait trouver un tampon entre ces individus-là qui sont sénégalais afin de préparer leur retour parce qu’ils ont le droit, à l’âge de 18 ans, de choisir entre les deux nationalités. L’idée Me Wade était très ingénieuse lorsqu’on la fait passer à l’observatoire de la parité : que tous les enfants nés à l’extérieur de mère sénégalaise, puissent bénéficier de la nationalité sénégalaise. Cela leur permettra au moins, si leur papa faillit, qu’ils sachent qu’ils ont une patrie et qu’ils sont Sénégalais.
A Suivre…