Directeur de l’Ecole supérieure africaine d’études islamiques. Président des oulémas d’Afrique. Membre de la famille religieuse de Touba. Cette présentation pourrait suffire à se faire une idée de Mohamad Ahmed Lô. Titulaire d’un doctorat d’Etat d’études islamiques en Arabie Saoudite, il a été suspecté d’activités terroristes par les Renseignements généraux qui se sont trompés d’homme et de cible, à son avis.
Dr Mohamad Ahmed Lô, un suspect innocent ! Présenté par les Renseignements généraux comme un soutien fort du Salafisme, le directeur de l’Ecole supérieure africaine d’études islamiques a été présenté par un rapport secret comme quelqu’un qui a des idées fondamentalistes. Pourtant, il n’en est rien. Lui, se présente plutôt comme un farouche combattant du terrorisme. Car, il est convaincu que l’Islam ne rime pas avec violence. «Les terroristes n’ont pas appris l’Islam. Ils ne sont pas des spécialistes. Je défis quiconque de me montrer un terroriste qui a un doctorat en études islamiques. Toutes ces gens-là ne sont que des personnes qui agissent sur la base de leurs sentiments», plaide-t-il.
Plus que de se méfier de lui, les Rg qualifient son école située à Pikine de base de l’extrémisme au Sénégal. L’établissement en question est une école où il y a des Gambiens, des ressortissants des deux Guinée et des Sénégalais. Les renseignements généraux considèrent que Dr Lô et ses compagnons font de la Dawa (appel à embrasser l’Islam). Dr Lô rectifie : «Nous sommes réunis ici par l’apprentissage et l’enseignement. Nos actions se résument à l’instruction et à l’éducation, afin d’aider nos étudiants à différencier ce qui est juste de ce qui ne l’est pas. Toute notre vie est consacrée à cela. Nous ne connaissons rien d’autre. Pas d’arme, ni de bombe».
Quid de la violence ? «Nous bannissons toutes ses formes. Nous l’avons dit dans toutes nos conférences et écrits. En Islam il n’y pas de contrainte», répond-il. C’est pour cette raison d’ailleurs que, même ne connaissant pas bien l’idéologie d’Ansar Dine, il pense, en se basant sur leurs actes, que la religion n’est pas leur source d’inspiration. «L’intégrisme et le terrorisme ne révèlent pas une connaissance de l’Islam, mais plutôt son ignorance. Ils (Ansar Dine) ne font pas du bien. La violence et la destruction ne sont pas enseignées dans l’Islam.»
La violence n’est pas islamique
Dans un contexte marquée par l’islamophobie née après le 11 septembre 2001, Dr Mohamad Ahmed Lô a peut être été victime de son apparence. Car, depuis les attentats, tous les barbus sont pratiquement suspectés. Or, M. Lô est un homme de grande taille, teint noir et un barbu style arabe. Une barbe drue et épaisse d’ailleurs, avec un accoutrement connu de l’Orient. Ce qui ne fait nullement de lui un homme aux idées dangereuses. Très ouvert, il est plutôt «un Sénégalais comme tous les autres et qui participe au développement du pays». Il déclare ne rien cacher de ses discours. «Ce que nous disons sur le minebar (chaire de prêche), c’est ce que nous disons dans toutes nos conférences et c’est le même discours entre nous. Notre prêche du vendredi est retransmis en direct sur internet», ajoute-t-il.
En Arabie Saoudite et à Madrid, il a participé à plusieurs conférences contre le terrorisme et pour le dialogue entre l’Islam et les autres religions. Président des oulémas d’Afrique, il a présenté, en 2004, la meilleure recherche sur le terrorisme parmi 350 chercheurs à travers le monde. Ce qui lui a valu d’être reçu par le roi Abdalah d’Arabie Saoudite. Tout en sourire, il déclare, «un terroriste reçu par le roi d’Arabie Saoudite, c’est étrange».
Dans l’établissement, rien ne dénote de l’intégrisme. Si la majorité est habillée d’ensembles traditionnels, d’autres par contre sont vêtus de jeans allant jusqu’aux chevilles et de chemises ou t-shirts. Parmi le personnel de l’établissement figure un ancien cadre, directeur technique à la Senelec, Moussa Ndiaye. Cet ingénieur électricien ayant vécu 30 ans à la Senelec est aujourd’hui son conseiller technique. En plus d’un interprète judiciaire au Tribunal de Dakar, enseignant à l’école.
Membre de la famille religieuse de Touba
Originaire du Baol, précisément à Ndam, il est de la famille maraboutique de Touba de par sa mère (son père est aussi un proche compagnon de Serigne Touba). Mais il ne s’en glorifie pas. Il préfère un mérite personnel. Né en 1955 dans la capitale du Mouridisme, M. Lô est titulaire d’un doctorat d’Etat après un séjour de 17 ans en Arabie Saoudite. Après des études coraniques, il a commencé à apprendre les livres de la Charia. Le baccalauréat en poche, il quitte le Sénégal pour la Mecque en 1983/84. Dans cette ville sainte, il obtient sa maîtrise puis son magister (équivalent de doctorat troisième cycle) et son doctorat d’Etat successivement en 1988, 1993 et 1996.
En 1997, il décide de revenir au Sénégal, «malgré une offre alléchante du Koweit», d’après Moussa Ndiaye son conseiller technique. C’est ainsi qu’il a décidé de créer cette école supérieure africaine d’études islamiques. La seule en Afrique de l’ouest, si l’on en croit M. Ndiaye. «Il y a beaucoup de jeunes qui finissaient leurs études et qui ne savaient pas quoi faire. Il leur permet de poursuivre leurs études et de pouvoir, soit bénéficier d’une formation professionnelle pour intégrer le marché (exemple de deux étudiants à la Fastef et d’une sage-femme), soit de bénéficier de bourse», témoigne-t-il. Actuellement, la plupart de ses anciens élèves sont des enseignants dans le public et le privé. D’où cette fierté quand il déclare : «Je suis certes un marabout, mais pas un qui ne connaît que la surface de la natte sur laquelle il est assis.» Autrement dit, un religieux ouvert au reste du monde. On le soupçonne d’avoir des connexions avec des Salafistes gambiens, il rétorque : «Je n’ai aucun rapport avec eux.»
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