En (re)mandatant officiellement le Premier ministre «pour prendre langue avec Bennoo Siggil Senegaal pour relancer le dialogue politique, alors même qu’il n’a pas donné suite à la proposition de médiation de cette coalition par le Pr Babacar Guèye, le Président Wade crée un brouillard tenu sur ce dialogue politique. Qui plus est, alors que Serigne Abdou Aziz Junior, désigné facilitateur de ce dialogue politique, n’a pas bouclé sa médiation, voilà que Me Wade lui fait un bébé sur le dos. De quoi installer le doute encore chez les leaders de Bennoo, comme Amath Dansokho.
Par Daouda GBAYA
On ne sait décidément plus à quel médiateur se fier. Le président de la République vient de «mandater officiellement le Premier ministre», Souleymane Ndéné Ndiaye «pour prendre langue avec Bennoo (Siggil Senegaal)». C’était avant-hier, lors de l’audience qu’il avait accordée aux marchands ambulants, comme nous l’a rapporté le journal L’As dans sa livraison d’hier. Cette décision intervient après que Me Wade a désigné Serigne Abdou Aziz Sy «Junior», comme médiateur pour la reprise du dialogue entre l’opposition et le pouvoir. Récemment lors d’un entretien avec nos confrères de la Rfm, le président de la République, sur la question, leur avait renvoyé à Serigne Abdou Aziz Sy «Junior», sous prétexte que lui, Me Wade avait fait ce qu’il devait faire. La réintroduction du Premier ministre dans le dialogue politique, après l’entrée en scène de Habib Sy court-circuite de fait une autre médiation entreprise par Serigne Mbacké Ndiaye, ministre-conseiller chargé des Affaires politiques.
Ruse ou échec de ces derniers? En tout cas, tout le monde sait que Souleymane Ndéné Ndiaye, jusqu’à preuve du contraire, dirige encore la commission paritaire créée l’année dernière, et qui était chargée de mettre en œuvre le dialogue politique. Et que le mandat qui lui est (re)donné «pour prendre langue» avec l’opposition paraît saugrenu. Ce que n’a pas d’ailleurs manqué de souligner Serigne Mbacké Ndiaye. Le ministre conseiller chargé des Affaires politiques, qui se dit toujours acteur dans les retrouvailles entre le pouvoir et l’opposition, rectifie : «Il n’y a aucune nouveauté. Lorsque nous avions pris les contacts (avec l’opposition), on avait créé une commission paritaire qui est dirigée par Souleymane Ndéné Ndiaye». Avant de préciser : «Nous sommes des techniciens, alors que «Junior» (Abdou Aziz Sy) est une personnalité. Il peut faire ce que je ne peux pas faire et ce que Souleymane Ndéné Ndiaye ne peut pas faire.»
Mais cet imbroglio fait douter Amath Dansokho, Secrétaire général du Parti de l’indépendance et du travail(Pit), quant à la sincérité de Me Wade à dialoguer avec l’opposition. «C’est absolument irrationnel, déclare-t-il. On sait plus celui qu’il a désigné. «Junior» (Abdou Aziz Sy) a été nommé médiateur ; mais depuis, il (le Président Wade) semble l’oublier. Serigne Mbacké Ndiaye est aussi oublié. Et maintenant Habib Sy est rentré dans la danse. Demain, on ne sait pas qui il(Wade) va nommer» médiateur. Mais, peu importe la personne qui est désignée, fait remarquer M. Dansokho. L’essentiel pour ce dernier, c’est d’avoir «un dialogue clair et net» qui garantira la «régularisation des élections et toutes les mesures» y affairant. C’est le cas du fichier électoral dont la Coalition Bennoo exige le «nettoyage de tous les corps étrangers». Il s’agit, selon Amath Dansokho, du «fichier parallèle dont on dit qu’il porte plus d’un million d’électeurs composés d’hommes et de femmes qui n’ont pas le droit d’avoir la nationalité sénégalaise». Autre exigence du leader du Pit, c’est la fin «du parcours vagabond du fichier entre la présidence de la République et le ministère de l’Intérieur». Enfin, M. Dansokho réclame le départ du ministre de l’Intérieur, dont il doute de l’impartialité. «Je ne sais pas comment on peut nommer Bécaye Diop pour organiser des élections transparentes. La simple évocation de son nom pose problème.»
Le leader du Mouvement pour le socialisme et l’unité(Msu), lui, ne dit pas autre chose. Massène Niang pense qu’avec cette annonce, «Wade tente de divertir les Sénégalais». «Il ne veut pas de dialogue, mais il est contraint par les bailleurs de fonds. Alors il est obligé d’instaurer un climat social apaisé», affirme-t-il. Avant de se demander: «Depuis quand Wade accepte que des Européens viennent auditer notre fichier ?» Fidèle à sa position, M. Niang considère que le dialogue politique n’est pas nécessaire. L’important, pour lui, est que Wade maintienne «les acquis démocratiques». C’est la seule chose, selon Amath Dansokho, qui peut préserver le pays d’éventuels troubles. «Il y va de la paix du Sénégal, avertit-il. Nous sommes prêts à défendre nos droits et ceux des Sénégalais qui sont les seuls détenteurs de la légitimité.»
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