Annoncée à cor et à cri par le nouveau régime et ses alliés sortis victorieux de la présidentielle comme des législatives, l’Assemblée nationale de « rupture » a débouché, en sa deuxième séance plénière, en un cafouillage magistral. Après toute une journée de concertations entre députés de la majorité présidentielle, la plénière qui devait consacrer la ratification des 11 commissions permanentes de l’Assemblée a été boudée par les députés de l’opposition (Pds et non inscrits), las d’attendre leurs collègues de Bokk Yaakaar, avant d’être finalement reportée à demain, mercredi 08 août.
La voie était balisée pour les premiers couacs de la 12ème législature, celle qui était appelée à promouvoir, sous les lambris de la deuxième alternance politique au sommet de l’Etat sénégalais, une nouvelle pratique parlementaire en phase avec les attentes des populations.
Aux premières lueurs de l’aube, la montagne a accouché d’une souris ! Les députés de la majorité présidentielle qui s’étaient retirés pour arrondir les angles, ont montré des difficultés manifestes pour s’accorder sur les noms des présidents de commissions permanentes et ceux des membres/ Ils ont passé plus de 07 heures de temps à « se crêper les chignons » pour trouver un terrain d’entente. Erreur de casting ou de synchronisation ? En tout cas, force est de remarquer que, depuis l’installation de l’Assemblée, l’élection de Niasse au perchoir, la nomination des vices-présidents et des secrétaires élus, lundi 30 juillet, les députés de Bennoo Bokk Yaakaar ont largement eu le temps d’accorder leurs violons sur cette question des commissions permanentes. Pourquoi donc le cafouillage d’hier, est-on tenté de se demander?
Pour des analystes avertis de la scène politique, le partage du « gâteau » parlementaire est tout simplement en passe de saper l’unité apparente de Bokk Yaakaar, la coalition composite de partis et de coalitions de partis qui a rendu possible la victoire de Macky à la présidentielle et aux législatives. Déjà, l’élection au perchoir de Moustapha Niasse, leader de l’Afp, avait failli semer la division au sein de la coalition. Il a fallu l’intervention diligente du Chef de l’Etat, par ailleurs président de l’Apr, pour calmer le jeu et imposer la discipline de groupe au sein de son parti. Moustapha Cissé Lô qui contestait la candidature de l’allié Niasse avait été destitué de son poste de ministre conseiller auprès du président de la R2publique et remis dans les rangs. Apparemment, la même logique n’a pas prévalu hier, au sein de l’hémicycle. Les postes de présidence au sein des commissions permanentes ayant suscité les appétits, du fait des avantages liés à la charge, les membres de Bokk Yaakaar ont tiré, chacun, pour sa propre chapelle. Aucune libéralité n’a été concédée entre alliés et le président du groupe parlementaire de la coalition Bokk Yaakaar, Moustapha Diakhaté, a dû user de diplomatie et de flair pour concilier les positions…Si, bien entendu, une tête plus haut perchée n’a pas tout simplement rabiboché les membres de Bokk Yaakaar, devenus ennemis le temps d’une journée.
AMATEURISME
La « foire aux empoignes » qui a marqué la seconde plénière d’hier, lundi, a finalement débouché en un cafouillis monstre au sein de l’Assemblée dite de « rupture ». Djibo Kâ, le leader de l’Urd, député non inscrit de la 12ème législature, ne passera pas par mille détours pour indexer l’amateurisme de ses nouveaux collègues de la 12ème législature. Citant alors une députée de Bokk Yaakaar, dépitée par les manœuvres en interne de sa coalition pour la ratification des commissions, l’ancien ministre d’Etat de Wade et de Diouf a parlé « de gueet (troupeau) parlementaire». Et de faire remarquer : « C’est la première fois que je vois cela dans l’histoire parlementaire du Sénégal… Bokk Yaakaar n’a montré aucun respect pour l’Assemblée nationale ».
Pouvait-on toutefois s’attendre à plus d’efficacité dans le travail parlementaire, dès l’entame de cette législature dominée par des parfaits « bleus » à l’Assemblée ? Nonobstant moins d’une vingtaine de députés qui peut se prévaloir d’un certain pédigrée parlementaire, la majorité des membres de la 12ème législature sont des novices au sein de l’hémicycle. Sortis de la gadoue de l’opposition, ils ont investi la chambre basse du Parlement en villégiature. Or, tout observateur politique sait que, de la stature d’opposant à celle de gouvernant, la passerelle n’est pas été aisée à franchir. Si elles ne sont pas encadrées, les réactions primesautières ou autres attitudes partisanes d’acteurs arrivés presque, par défaut, à l’Assemblée, peuvent entrer en conflit avec les intérêts collectifs.
Surtout au sein d’une coalition hétéroclite de partis et dont l’objectif à plus ou moins long terme est la conquête du pouvoir suprême, au même titre que l’Apr de Macky Sall. Au regard des évènements d’hier, la caricature n’a pas manqué de côtoyer l’Assemblée de « rupture », tant vantée par le nouveau régime et ses alliés.