Dans les usages protocolaires, il est fréquent de précéder d’une marque de révérence la notabilité à laquelle on s’adresse. La liste est longue : de Son Excellence à Sa Grandeur, rien n’est jamais de trop pour lustrer les bottines de ses supérieurs. Ça peut toujours servir pour une augmentation de salaire, une affectation avantageuse ou quelque autre prébende que la République peut distribuer à ses serviteurs les plus obséquieux… Moi, ce n’est pas que je cherche un poste, mais je réserverais volontiers une appellation spéciale au président Macky Sall, ci-devant tombeur de la dynastie Wade, qui correspondrait à son style, sa faconde : Sa Rondeur.
Ça n’a rien à voir avec sa physionomie, même si l’homme est un rien enveloppé et dispose d’honorables bajoues qu’il doit, à en croire quelques témoignages anonymes, à un solide revers de cuillère et un coup de fourchette toujours déterminé. Non, il devra plutôt la distinction que je lui attribue à son style : l’air de rien, ça roule. Aucune déclaration fracassante, pas un geste cassant. Et pourtant, depuis son élection, il en a mâté des durs à cuire…
Le sommet, sans doute, est atteint cette semaine. Abdoul Mbaye, Premier Ministre so smart, est pratiquement dans l’obligation d’enlever le haut publiquement. La rumeur, cette garce, lui prête des idées noires, et quelques frictions avec son employeur depuis quelques temps. Des p’tits malentendus en coulisses à vous pourrir l’atmosphère venus s’ajouter aux jaloux et intrigants, comme il en existe dans toutes les cours du monde, dont la principale activité est de travailler l’oreille du patron. Des semeurs de zizanie qui lui rappellent à l’envi que dans la bataille meurtrière contre le clan Wade, la Mbaye Family ne s’est pas souvent distinguée au sommet des barricades, et qu’il y aurait des militants bien plus méritants, et sans doute plus compétents pour la Primature. Mais enfin…
Pour ne rien arranger, le puîné, Cheikh Tidiane Mbaye, que l’on ne connaît pas spécialement comme un héros, se permet quelque foucade malvenue en démissionnant avec comme du panache, non sans avoir dénoncé les premières hérésies en matière de bonne gouvernance.
Il n’aura pas fallu longtemps au président de la République pour ramener l’ordre républicain dans ses troupes. Ça aurait été le Père Wade, les déclarations meurtrières auraient fusé, suivies de décrets assassins pendant que la troupe menée par Farba Senghor multiplierait les sorties dans des journaux créés exprès pour pourfendre du Premier ministre en disgrâce.
Avec Sa Rondeur Macky Quatre, rien. Pas un soupir, ni le moindre toussotement qui pourrait être mal interprété par la racaille (comprenez la presse). Et pourtant, ça marche… Abdoul Mbaye a dû emprunter à son célèbre collaborateur du Tourisme les colonnes de son canard pour …arrondir des angles. En clair, afin que nul n’en ignore, c’est Macky Sall le patron et il ne faudrait pas en douter, sinon, il se ferait virer comme un malpropre. Mieux, le Premier des Ministres, comme son titre l’indique, est le premier à nous présenter la version corrigée de l’explication à la démission de Cheikh Tidiane Mbaye du conseil d’administration de la Sénélec.
Entre la rébellion déclarée contre une nomination fantaisiste contraire aux valeurs de bonne gouvernance, et l’élégance patriotique qui procède du souci de ne pas polluer l’atmosphère déjà électrisée de la Sénélec, il y a comme un strip-tease qui ne dit pas son nom… Et moins d’une semaine après, Cheikh Tidiane Mbaye vient agiter la culotte blanche devant Sa Rondeur qui a dû apprendre la miséricorde dans les classes du Père Wade. A la bonne heure ? Les frères Mbaye doivent tomber de bien haut… Macky Sall a certes des dehors un rien amorphes, qui peuvent faire penser qu’il n’est là que par la grâce d’un accident de l’histoire. Mais faut être stupide pour croire qu’on peut arriver par hasard là où il trône depuis le 25 mars 2012.
Illustration ? Quelques semaines auparavant, le feuilleton Cissé Lô et le Perchoir de Niasse est du même cru. Sauf que là, je soupçonne les enchères de l’énergumène de Mbacké surfaites. L’homme a quelque chose de la longue tradition de la flibuste politique, dont les icônes jalonnent notre histoire récente : Abdoulaye Diack, le parrain de Kaolack, Mbaye-Jacques Diop, son alter ego de Rufisque… Signe des temps : l’échange épistolaire public entre Cissé Lô et Mbaye-Jacques Diop pour se faire des mamours et affirmer leur parenté spirituelle. A mon sens, cette effusion de bons sentiments désintéressés annonce des rapprochements imminents entre le Ppc du parrain de Rufisque et l’Apr de Cissé Lô. Ben quoi ? Ils n’ont pas refusé Baïla Wane même si cette pirouette n’épargne pas à l’ancien patron de la Lonase un séjour carcéral.
Suivront bientôt en file silencieuse les vieux canassons de la course aux honneurs… Abdoulaye Baldé, c’est gros comme son nez épaté au milieu de sa bonne bouille, est à un soupir du nirvana, avec le soutien indéfectible d’Amy Gassama à qui Sa Rondeur ne pourra pas dire non longtemps. Abdourahim Agne couvre sa marche, pisté sans nul doute par Djibo Kâ qui aura le temps de patienter dans l’arrière-cour depuis son siège de député. Il tire pourtant cette semaine sa première salve en professant sa foi dans les compétences de Son Excellence, pardon, Sa Rondeur Macky Quatre.
Faudra juste pour le bonheur du baron de Barkédji, un clash sanglant entre Moustapha Niasse, Tanor Dieng et Sa Rondeur. Nos prières l’accompagnent. Iba Der Thiam, non plus, trouvera sa voie avant les cinq années à venir. Il vient de se répandre en belles intentions, rappelant à quel point il est soucieux de la Nation sénégalaise.
Sous peu, il nous révèlera combien il est victime de l’ingratitude des courtisans du clan Wade. Plus habile, la petite troupe dirigée par Alioune Badara Bèye, dans les rangs desquels on compte Cheikh Ngaïdo Bâ, Kalidou Kassé et d’autres célébrités incontournables de la Culture depuis Abdou Diouf, avec une prolongation sous le Père Wade via son regretté frère Moustapha, bombardé président honoraire des écrivains. On ne leur apprend pas l’art de squatter les couloirs d’un Palais. Ils sont actuellement accrochés aux basques de l’actuel ministre de la Culture et du Tourisme qu’ils ont embarqué à la belle époque du Fesman dans leur tour du monde.
De ces milliards en misérables Cfa engloutis sans que rien ne prenne forme, curieusement, les audits ne pipent mot. Mais je fais confiance à Sa Rondeur Macky Quatre : sous ses dehors débonnaires, il les fera recracher au bassinet sans même soulever un sourcil plus haut que l’autre.
La preuve : il vient de réduire l’élément hors du commun Farba Senghor à la très peu ordinaire culture du concombre, alors que ses diplômes durement glanés sous le soleil méditerranéen seraient déjà partis en cendres… C’est aussi cela, le style tout en rondeurs !
Sympathique, efficace et professionnelle! Une excellente maniere de faire passer l’ infos Mr FALL.