Elu Président du Groupe parlementaire des libéraux et démocrates dans la douzième législature, qui donne l’impression que cette inattendue élection lui est monté à la tête, Modou Diagne Fada a, illico, choisi de ruer dans les brancards pour se donner bonne contenance vis-à-vis de ses frères élus du parti, avec cette formule scabreuse à l’emporte-pièce : « Nous allons dénoncer toute tentative de musèlement de l’opposition. A cet effet, nous allons demander l’annulation de l’élection des Secrétaires élus pour non- respect de la parité ! La majorité a aussi mobilisé des militants qui ont perturbé la solennité de la cérémonie de l’ouverture de la douzième législature » Et de poursuivre avec cette intempestive allégation : « Oumar Sarr a certes été battu, mais le PDS a réussi sa déclaration de guerre, « la guerre est déclarée », martèle-t-il, avec l’art de la provocation qui le définisse. C’est de l’extravagance, qui embrasse l’absurdité. Subséquemment, le Président Moustapha Niasse a déclaré après son élection : « L’Assemblée nationale va éviter d’adopter une attitude antagoniste vis-à-vis du pouvoir exécutif, parce que l’objectif est le même : conduire le pays et le changer, faire des lois et les faire appliquer, faire prévaloir les principes de justice d’ouverture et d’équité dans l’esprit et dans l’action. L’Assemblée doit inscrire son action dans la prise en charge des préoccupations des citoyens, en jouant son rôle de manière harmonieuse avec le gouvernement. Nous ferons en sorte que le Sénégal retrouve son unité dans la qualité, dans la transparence et dans la clarté des positions et actes à poser. Il est temps que l’Assemblée nationale marque la rupture et évite les querelles des partis. Il faut que les gens s’élèvent sur les hauteurs oubliant leurs problèmes personnels et tout ce qui peut conduire à un sectarisme », l’honorable député Modou Diagne Fada, Chef de file des libéraux qui n’ont pas digéré le fait que la majorité parlementaire leur ait privé le poste de 8ème vice-président, s’agite et se rue vers divers quotidiens de la presse, pour se particulariser davantage et se donner en spectacle.
Cette attitude provenant d’un respectable député, est offensante pour le Sénégal, mais témoigne aussi d’un profond mépris du peuple sénégalais. Modou Diagne Fada semble avoir entièrement perdu le sens de discernement et l’honnêteté intellectuelle, qui semblait le caractériser. Comment a-t-il pu en arriver à ce stade et se laisser dicter un tel acte insensé, au préliminaire de la douzième législature : « La guerre est déclarée ?» Cela frôle le stimulus et l’arrogance. C’est un acte indigne d’un estimable élu du peuple, qui affirme pourtant haut et fort respecter la volonté populaire ! Où se situe l’honneur ? Où se situe la dignité dans tout cela, Monsieur le vénérable député ? Par le simple fait qu’un poste vous a échappé dans la constitution du bureau, vous en faîtes tout un fromage, sautant sur votre chaise comme un cabri : « guerre, guerre, guerre » ! On a l’impression de se trouver, subitement aux prémices de la douzième législature, devant un dilemme cornélien ! Quelle extravagance de se donner ainsi en spectacle avec des déclarations impétueuses si abracadabrantes ! Cela dépasse l’entendement.
Au demeurant, il n’est pour le reste nul besoin d’expliciter à nos concitoyens qui est vraiment Modou Diagne Fada. L’homme n’a plus à être présenté dans le gotha politique sénégalais. A l’avènement de l’Alternance 2000, il fut un symbole de la jeunesse. Plus jeune député de l’histoire politique du Sénégal lors de la législature de 1998 (29 ans) et identiquement plus jeune Ministre de la République à 31 ans, Il a fait ses humanités auprès de l’ex-président qu’il considérait comme un Dieu, si l’on réfère à cette stupéfiante déclaration : « Il fut un temps où j’aurais donné ma vie pour Wade » ; d’où la question qui vient aussitôt à l’esprit : M. l’honorable député, avec le recul du temps, est-ce que cette période est révolue ? De par son indiscipline excessive, il n’avait pu achever son cursus universitaire, car il a été exclu de l’Université avant même la fin de ses études de biologie animale. Premier Secrétaire général du Meel et de l’Ujtl, ce « libéral rebelle jusqu’à l’âme », comme il se décrie, ne pouvait, en aucun moment, imaginer que son mentor puisse perdre l’élection présidentielle de 2012 : « le PDS », déclamait-il, « a encore les moyens de se maintenir au pouvoir pendant au moins 50 ans ». Son rêve, hélas brisé, était de pouvoir un jour faire de cette formation politique un « Grand parti », où toutes les sensibilités s’exprimeraient librement. Même combattu, écarté et marginalisé dans le parti, fidèle et loyal, il a soutenu le candidat du PDS jusqu’au bout, sans état d’âme. Ce qui est tout à son honneur !
Modou Diagne Fada a perdu une bonne occasion de se taire ! Car à vouloir toujours trop parler, on finit par lasser et tourner au ridicule. Si on lui reconnaît cette qualité d’être fidèle à ses convictions, il semble cependant lui manquer cette valeur essentielle d’un digne représentant du peuple : le sens de la mesure. Cette exigence de retenue, de pondérance et de maîtrise de soi, qui lui aurait évité d’avoir l’aplomb de tenir, à travers la presse, des propos de « va t en guerre » qui, inévitablement, resteront immuables dans les annales de l’Assemblée nationale. A propos de la gouvernance de rupture, prônée par le Président de la République, sur laquelle s’arc-boutent certains députés de l’opposition dépités, pour l’ultime raison qu’ils n’ont pas obtenu gain de cause sur des postes qu’ils convoitaient au sein du bureau de l’Assemblée ou dans les différentes commissions, pour fustiger à suffisance la majorité parlementaire. Qu’ils se rassurent ! Car, il est serait temps qu’ils se mettent à l’esprit, que nous sommes rentrés dans une nouvelle ère: la rupture annoncée sera bien en marche au sein de la nouvelle Assemblée.
Comme l’exprime le jeune député Thierno Bocoum, « on ne mesure pas la démocratie en termes de timing mais en termes de profondeur des changements. Ce qui s’est passé l’autre jour lors de la plénière, est un changement, par rapport à ce qui se faisait avec l’ancien régime. Il suffisait de venir simplement avec une liste, de la lire et d’aller en plénière. Il n’y avait absolument pas le moindre débat ». La onzième législature n’était qu’une «chambre d’enregistrement» dont les députés rescapés de l’ancien régime, étaient partie prenante, sans mot délier.
Poursuivant son analyse, Thierno Bocoum affirme: « Quand les gens prennent le temps de débattre, de participer au débat, de donner leur point de vue sur le choix, cela veut dire qu’il y a véritablement rupture. Même si cela devait nous prendre deux jours ou une semaine. La démocratie à un coût ».
Conscient que la nouvelle Assemblée nationale s’articulera autour de grandes règles qui s’appuient sur des valeurs respectant les droits du peuple souverain, le Sénégal, si l’on se réfère à l’histoire, a une expérience parlementaire séculaire ayant toujours eu des hommes de valeur, d’expérience et de compétence avérée dans l’hémicycle. Fort de son expérience démocratique, notre pays a réussi depuis sa première législature qui vit le jour en 1958, malgré tous les aléas qu’il a subis, toutes les épreuves qui ont normalisé sa marche vers des consécrations politiques, reconnue dans le monde entier. C’est dans cet esprit, pour clore ma réflexion, ayant choisi l’ordre républicain au désordre des clans frustrés qui ont « déclaré la guerre à la majorité parlementaire, j’abonde entièrement dans le sens de l’analyse pertinente du Professeur Iba Der Thiam – bien que nous n’ayons pas la même conception politique – dans l’interview exclusive qu’il a accordée au Site : Ledakarois.net « Le choix du peuple a été clair. Nous avons été battus, sans la moindre équivoque. Ce choix doit être respecté par tous les démocrates, parce qu’il a été massif (65%). Il est heureux que tout se soit déroulé dans le calme. Une fois de plus, le peuple sénégalais a donné la preuve de sa maturité et de son attachement à la démocratie. L’image du Sénégal en est sortie renforcée. Notre pays a acquis aujourd’hui, au plan international, une notoriété dont chaque sénégalais devrait être fier. Nous devons remercier Dieu et prendre conscience qu’une lourde responsabilité, pèse désormais sur nos épaules.
A partir de maintenant, chaque acte posé, chaque propos tenu, doivent être pesés, avec responsabilité, maturité et sagesse. Notre démocratie a, en effet, besoin d’être sereine, sans violence physique, ni tension inutile, ni excès verbaux. Nous devons apprendre à triompher avec humilité et perdre avec dignité. Tous les sénégalais doivent se comporter en frères et sœurs, appartenant à une même nation, que le monde entier observe et admire… Cela veut dire que nous devons tirer, individuellement et collectivement, des élections législatives une leçon de moralité vertueuse qui soit, à la fois, réaction et action ».
L’Assemblée nationale, institution clé de la République se doit de relever le défi de la rupture complète, pour une législature à la hauteur de la maturité politique de notre peuple. La douzième législature vient à peine d’être installée, il est donc prématuré d’émettre un jugement de valeur. Laissons le temps au temps ! On ne peut que souhaiter bonne chance à tous les parlementaires, toutes sensibilités confondues. Selon les règles du contrat parlementaire, il faut travailler sans relâche pour réaliser de nouvelles conquêtes. Mais travailler dans l’apaisement des cœurs, la paix des braves qui, seuls, peuvent faire avancer le pays et rompre définitivement avec le passé.
Son Excellence Cheickh Sadibou DIALLO
Ancien Consul Général du Sénégal à Lyon
Conseiller Spécial du Président de l’APR