COMMENTAIRE DU JOUR – Par Malick NDAW
C’est la bourse ou la prison ! Après 52 jours d’incarcération et contre une caution de 480 millions de FCfa, Amadou Kane Diallo, ancien directeur général du Cosec(Conseil sénégalais des chargeurs), obtient une liberté provisoire, soit quelques semaines après celle obtenue en début de mois et sans bourse délier, par Christian Salvy, ex-directeur général de Dakar Dem Dikk(DDD), inculpé pour détournement de deniers publics, faux et usage de faux en écriture publique authentique et corruption passive.
Un mois plus tôt, à un doigt d’un mandat de dépôt et après plus de 96 heures de garde à vue, suite à une plainte pour « détournement de deniers pu¬blics, complicité de détournement de de¬niers publics, escroquerie portant sur des deniers publics, complicité d’escroquerie portant sur des deniers publics et accessoirement concussion », c’est un autre DG qui humait l’air de la liberté contre espèces non pas sonnantes mais « milliardesques ». Le patron de MTL, comprenez Maggal Holding Limited, a mis 1 milliard de FCfa sur la table pour bénéficier d’une liberté provisoire, en attendant le mois d’octobre prochain pour rallonger 550 autres millions de FCfa. Pour un détournement supposé de près de 4 milliards Cfa, ce n’est vraiment pas cher payé.
Ce n’est sans doute pas ce qu’en pense son « acolyte », l’ancien Dg de l’Artp qui, lui, est encore dans les termes de la tractation pour bénéficier d’une liberté provisoire. A ce rythme, il lui suffira alors de consentir à rajouter d’autres zéros sur le chéquier…
On pourrait, toute proportion gardée, ajouter à cette liste le cas Barthélémy Diaz qui bénéficie d’une liberté provisoire, en corrélation avec celui de Cheikh Bethio Thioune qui en cherche, tous deux étant supposés avoir commis meurtre et crime de sang. Mais là, le chéquier n’est sans doute pas la clé.
Le ballet incessant des « détourneurs » et le scénario trébuchant qui entoure leur remise en liberté font finalement penser à une farandole de stars bedonnantes, imbues de leurs chéquiers qui semblent être la seule cible des limiers de la finance publique. Où est la justice dans tout ça, surtout quand on sait que les sommes supposées être englouties sont sans commune mesure avec ce qui est sensé être récupéré? Le crime économique n’est cependant pas moins grave que le crime de sang, car si cela peut heurter la conscience de maintenir quelqu’un dans les liens de la détention sans aucune preuve de sa culpabilité, il l’est tout autant de monnayer sa liberté provisoire et de lui laisser toute chance d’effacer les traces de son crime.
Les conditions structurelles qui génèrent les crimes économiques sont les mêmes que celles qui donnent naissance aux crimes en col blanc ; les infracteurs présumés et leurs complices sont les mêmes, et agissent à l’intérieur des mêmes réseaux. Last but not least, les victimes sont les mêmes et parce qu’elles subissent des torts similaires, l’ampleur des conséquences devrait susciter de la part de la justice une meilleure diligence qu’un simple marchandage pour récolter trois sous. Et après…. ?
Depuis 2000, elles ne sont pas nombreuses les « affaires » qu’on pourrait qualifier d’abouties. On peut pêle-mêle citer le cas de Idrissa Seck, Abdou Aziz Tall ou encore Mamadou Seck dans un autre registre et un autre scénario. Il faut espérer que la liste s’allonge.
Autant en droit, la liberté provisoire est le principe et la détention une mesure exceptionnelle, autant une dent provisoire est faite pour être… provisoire et il faut forcément la changer. Mais une liberté provisoire… qui s’éternise est une forfaiture.