Les Gambiens de la diaspora ont organisé hier, une journée de protestations aux Etats-Unis, à Londres, au Danemark et en Hollande contre le Président Yaya Jammeh. Si certains alertent sur les desseins inavoués du Président gambien pour rester au pouvoir, au Danemark, c’est une femme qui se bat pour sauver le père de ses enfants. En Gambie ce sont des familles encore sous le choc qui regrettent de ne pouvoir organiser des funérailles dignes d’un musulman, faute de cadavre à enterrer.
La journée d’hier a été déclarée par les Gambiens de la diaspora, journée d’indignation contre le Président Yaya Jammeh pour les exécutions du 26 août dernier de neuf condamnés à mort dont deux Sénégalais. Ainsi, des manifestations ont été organisées dans différents endroits du monde : Washington DC, Atlanta, Georgie, Seattle, Washington, au nord-est de l’Etat de Rhode Island, ainsi qu’à Oslo (Norvège), au Danemark, en Hollande et à Londres.
A Copenhague (Danemark) la marche de protestation a été initiée et coordonnée par Lykke Faye, épouse d’un des condamnés qui attendent dans le couloir de la mort, Batch Faye. Une marche qui a conduit les manifestants, dont des représentants de Amnesty international, devant le consulat de Gambie au Danemark. Sur place, des signatures ont été collectées dans le but de transmettre une pétition à l’ambassade de Gambie au Royaume-Uni, parce que «nous n’avons qu’un consulat ici au Danemark et ils ne sont pas obligés de rendre compte au gouvernement gambien comme l’ambassade à Londres est tenue de le faire».
«Au nom du père de mes enfants»
La manifestation d’hier est le prolongement d’activités (conception d’un site ; stop the executions) afin, dit-elle, de faire réagir le gouvernement danois sur son «obligation» de veiller au respect des droits humains, en particulier pour ses citoyens. En effet, explique Madame Faye, jusque-là le ministère danois des Affaires étrangères, n’a pas voulu s’impliquer dans cette affaire considérant que Batch Faye est un citoyen gambien. Seulement plaide-t-elle, «je suis la mère de ses enfants». Et au moins, à ce titre, elle estime que les autorités danoises doivent «garantir les droits de (ses) enfants (citoyens danois) pour leur père !»
Aux Etats-Unis, Pasamba Jow, l’un des coordonnateurs de la «journée d’Outrage», déclare à la voix de l’Amérique que «les exécutions ont violé la Constitution gambienne, (car) tous ceux qui ont été exécutés n’ont pas bénéficié d’un procès équitable, tel que posé dans la Constitution gambienne». Et de l’avis de M. Jow, ces «exécutions indiquent à quel prix Jammeh va se maintenir au pouvoir».
En tout cas, les réserves émises sur les motivations de ces exécutions qui ne seraient pas juridiques semblent justifiées. Car elles ont été commises sans aucun respect des droits des détenus ni de leur famille. Selon un reportage du journal gambien Foroyaa newspaper, toutes les familles des détenus ont appris la mort de leurs proches, à la télévision, le lendemain des exécutions, avec la lecture d’un communiqué de presse du ministère de l’Intérieur gambien. Pire aucune famille n’a pu récupérer le corps de son parent fusillé. D’ailleurs, toutes les familles interrogées par le confrère gambien Fabakary Ceesay se désolent de ne pouvoir accéder aux corps afin de procéder à un enterrement digne de leurs enfants, selon le rituel musulman.
Non plus, aucune famille n’a reçu une notification de la part des autorités gambiennes avant l’exécution ni a été autorisée à avoir accès aux corps avant l’enterrement, écrit notre confrère qui a rencontré des familles aux mines «sombres et tristes (qui ont) entendu la terrible nouvelle à la télévision d’Etat lundi soir (ndlr : 27 août 2012)».
Doutes sur les motifs de Yaya Jammeh
A Bakoteh, la famille de Lamin B.S. Darboe, toujours éplorée est encore sous le choc, d’autant qu’elle s’attendait à une grâce présidentielle pour leur «bien-aimé» qui était le plus ancien détenu de la prison Mile Two où on l’appelait «Alkalo», le chef. Un homme que la prison avait transformé selon leurs confidences. Après 26 années de prison «Lamin était devenu un homme totalement obéissant, religieux». D’ailleurs, «Lamin aurait pu s’évader le 22 juillet 1994» comme les nombreux prisonniers qui ont profité de la mutinerie de ce jour pour disparaître. Lui «a plutôt décidé d’appeler la police pour l’aider à contrôler les détenus». La famille de Darboe qui aimerait disposer du «cadavre pour lui donner une sépulture digne en conformité avec l’Islam», raconte que son épouse qui a attendu en vain une grâce présidentielle pour retrouver son homme, est finalement morte de chagrin comme les deux parents de Lamin.
Autre village, même désolation. A Busumbala, c’est la confusion totale chez la famille de Buba Yarbo qui hésite à faire des prières selon le rite musulman ne disposant du corps pour faire leur enterrement.
A Brikama où se trouve la famille du lieutenant Lamin Jarjou, c’est le même dilemme. Là, les proches retiennent toutefois d’organiser un récital du Saint Coran pour le défunt le septième jour après l’annonce officielle de la mort du lieutenant Jarjou. Tout comme les membres de la famille du sergent Alieu Bah (alias lieutenant), qui portent le deuil à Serekunda selon la tradition gambienne.
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