Le Sénégal à peine sorti des élections générales, de nouveaux partis ou mouvements politiques émergent sans discontinuer dans un pays comptant déjà plus de 180 formations politiques, préfigurant le nouveau type de transhumance. Energie libérale pour une avancée nationale (Elan) avec Sitor Ndour, Alliance patriotique diambar pour la République (Apdr) d’Abdoulaye Fall Mao, voire Agir pour le Sénégal de Khoureychi Thiam. Surfant à la lisière du parti au pouvoir, ces nouveaux cadres camouflent de véritables « entrepreneurs » politiques guettant le moindre entrebâillement de porte pour rejoindre l’ancien adversaire politique devenu aujourd’hui maître du jeu… Ce faisant, ils décrédibilisent la classe politique et écorchent la stabilité de notre équilibre démocratique.
Son parti politique à peine porté sur les fonts baptismaux, sous la dénomination Energie libérale pour une avancée nationale (Elan), l’ancien responsable libéral de Fatick Sitor Ndour se dit déjà prêt à répondre à un appel de Macky Sall si les instances de décision de sa formation politique lui donnent le feu vert. Ce cas de figure est symptomatique de la nouvelle démarche de transhumance privilégiée par les acteurs de l’ancien régime, défaits à l’issue des dernières élections présidentielle et législatives. L’objectif étant de continuer à goûter aux délices du pouvoir ou tout simplement de se parer d’un manteau de protection face aux menaces de poursuite judiciaire qui les guettent. Sous la pression des audits et des enquêtes sur les biens mal acquis, commanditées par le Parquet, ou pour jouir davantage des lambris du pouvoir, certains responsables libéraux sont en train d’user à souhait de la liberté d’association et de réunion, certes garantie par la Constitution. Des partis politiques sont crées à outrance au lendemain des dernières élections pour légitimer la procédure de migration vers les prairies « apéristes ».
A l’instar de Sitor Ndour, épinglé dans une affaire d’agression ouverte contre le journaliste Bocar Dieng, lors de la présidentielle, et dans un rapport d’audit relatif à la gestion du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud). Khoureychi Thiam, ancien ministre de la Pêche maritime sous le régime Wade, également indexé dans une litigieuse affaire de licences de pêches, ne fera pas mieux. Après avoir tourné définitivement le dos au Parti démocratique sénégalais (Pds), l’ex-coordonnateur et chef de file de la section départementale libérale de Tambacounda a mis sur pied un mouvement dit Agir pour le Sénégal, histoire de se raccourcir davantage le chemin menant vers l’Alliance pour la République du Président Macky Sall. Que dire par ailleurs d’Abdoulaye Fall Mao, un ancien responsable libéral de Thiès qui a lancé, le jeudi 23 août, sa propre formation politique, sous l’appellation d’Alliance patriotique diambar pour la République (Apdr). Dans un pays qui compte quelque 180 formations politiques, dont plus de la majorité sont des partis « télécentres », l’avènement de ces nouvelles formations devient une menace ouverte pour le jeu démocratique.
«VAGABONDAGE» POLITIQUE
Mais la transhumance politique ayant encore de beaux jours devant elle, les acteurs politiques sanctionnés par les urnes en 2012 ne rechignent point à créer de nouveaux partis, même si ceux-ci sont purement et simplement factices. N’étant fonctionnels qu’en période de campagne électorale, ils prospèrent souvent au sein de coalitions suivistes, à la traîne d’un leader sans envergure et politiquement affairiste. Surfant à la lisière du parti au pouvoir, ces formations politiques presque toujours dirigées par de véritables entrepreneurs politiques restent dans l’attente du moindre interstice pour déserter leur camp et se dissoudre au sein de la nouvelle majorité. A la recherche de prébendes distillées par la « main généreuse » du pouvoir ou en quête de protection pour se garantir d’une mauvaise gestion antérieure. L’ancien Président Abdoulaye Wade s’était servi à fond, à l’avènement de l’Alternance, de ces « politiciens à la petite semaine », en ce temps-là tous anciens partisans socialistes d’Abdou Diouf, pour massifier le Pds et régner sur le Sénégal pendant douze ans.
Avec le délitement du régime « wadiste » sous les coups de boutoir des électeurs sénégalais, la transhumance épouse une nouvelle forme d’expression avec d’anciens responsables libéraux se camouflant dans des partis ou mouvements citoyens sans épaisseur pour tendre la main au nouveau pouvoir, en l’occurrence celui de Macky Sall. Initiée au cours de cette année électorale 2012 par Adama Sall, ancien ministre socialiste puis libéral, Abdourahim Agne du Parti de la réforme, ancien responsable socialiste également puis ministre sous le régime libéral, cette propension sournoise de migration politique se formalise de plus en plus avec la création de nouveaux partis et mouvements politiques dans notre pays. Un vagabondage qui participe, en fin de compte, à décrédibiliser la classe politique et à pervertir le jeu démocratique.
Quand je me rappelle les propos que tenait Khoureychi Thiam, un des plus fervents instigateurs du déboulonnage de Macky du perchoir de l’Assemblée Nationale,quand je me rappelle comment Sitor a trahi ses compagnons de l’APR pour des raisons de poste, je n’ose pas imaginer que ces gens puissent manquer de vergogne au point d’aller rejoindre la formation politique du Président.S’ils le font, ils seront des chiens, des traîtres, des bourreaux détestables!