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Par Abdoulaye Ndiaga Sylla

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Hier, mercredi 03 octobre, jour pour jour, après sa prestation de serment, Macky Sall a bouclé ses six premiers mois à la tête de la République. Des élèves reprennent le chemin de l’école, des salles d’examen, d’autres restent en vacances, dans un charivari provoqué, en partie par les inondations et une gestion chaotique de la crise scolaire. Les mouvements de travailleurs déterminés à se faire entendre se multiplient. L’idée d’un remaniement ministériel pour augmenter la taille du gouvernement est agitée.

C’est la drôle de rentrée, pratiquement dans tous les secteurs. L’état de grâce – si jamais il a escorté la seconde alternance démocratique à la magistrature suprême du pays – aura été de courte durée. Les urgences s’imposent au nouvel élu et à ses alliés comme pour leur signifier l’imprudence qu’il y avait à promettre aux électeurs un traitement diligent de leurs principales doléances.

Le découragement gagne de larges couches de la population qui, si elles ne grossissent pas les rangs des sinistrés des inondations, peinent à faire face à la cherté de la vie, aux délestages, frais de scolarité des enfants, préparatifs de la fête de Tabaski. Les bataillons de chômeurs attendent encore l’embauche pour s’éloigner des chemins de la débauche à l’heure où l’insécurité prend ses quartiers un peu partout. Le tableau de la situation n’est pas reluisant. Seule lueur d’espoir dans cette immense complainte qui traverse le pays, l’hivernage pluvieux et sa promesse de bonnes récoltes si les mesures idoines sont prises, notamment au plan phytosanitaire.

A l’échelle du pays, le ciel est donc loin d’être dégagé pour le locataire du palais de l’Avenue Léopold Sédar Senghor, revenu, il faut le souhaiter après les cafouillages notés lors des premiers mois, plein d’usage et de raison de son baptême de feu de l’Assemblée générale des Nations unies. Entre la préparation du budget 2013 et les solutions à apporter pour résorber la demande sociale, longtemps en souffrance, le président Macky Sall devra s’atteler à trouver les ressources et les recettes pour améliorer l’ordinaire des ménages, apporter des solutions durables aux revendications récurrentes, notamment dans les secteurs de l’énergie, du commerce, de la santé et de l’enseignement.

C’est ainsi qu’il parviendra, par une série de rencontres sous différents formats, à pacifier le champ social et à donner à son équipe, le temps nécessaire pour s’attaquer aux réformes structurelles indispensables pour placer le pays sur les rails de l’émergence économique.

Au plan politique, il serait aussi illusoire de penser que le président Macky Sall, si brillamment élu qu’il fut en mars dernier avec plus de 65 % des suffrages, a toutes les cartes en main pour exercer pleinement son magistère. «La patrie avant le parti», ne cesse t-il de clamer. Belle formule pour indiquer que l’engagement au service de la nation prime sur tout. Principe de réalité aussi, l’Alliance pour la République (Apr), son parti, souffre d’un déficit de majorité. Un handicap pour une formation dont le chef a en charge, et à titre principal la gestion du pays. Comme toutes les coalitions politiques, «Benno Bokk Yaakaar» qui a aidé à le porter aux plus hautes responsabilités ne pouvait échapper à la règle de l’unité des forces pour aller à la conquête du pouvoir et aux difficultés, pour le leader élu, à l’exercer pleinement si sa formation ne dispose pas de la majorité absolue à l’Assemblée nationale. Placé dans cette situation, Macky Sall ne peut, pour l’heure avoir les coudées franches.

Ce ne fut pas le cas pour son prédécesseur, Me Abdoulaye Wade, qui, en désaccord avec ses alliés des Forces pour l’alternance (Fal) après son élection en 2000, s’était séparé d’eux sans conséquences pour son gouvernement. Sa formation politique, le Parti démocratique sénégalais (Pds), disposait alors d’une écrasante majorité à l’Assemblée nationale et n’avait donc pas besoin du vote des députés se réclamant d’autres formations politiques pour faire passer, projets et propositions de loi. Tirant à la fois profit d’une forte aspiration à l’alternance et de l’avance prise sur les autres concurrents pour avoir été, plus que personne à l’écoute des populations, Macky Sall s’est imposé face à Me Abdoulaye Wade, sans disposer d’un appareil politique fort. Son coefficient personnel a plus joué que la mobilisation de ses partisans. Il sait que «Benno Bokk Yaakaar» n’est pas, dans le déploiement de sa politique, une garantie tous risques. Il faut alors être naïf pour croire que dans sa position de pouvoir privilégié, Macky Sall ne va pas chercher à se donner les moyens politiques de s’extirper de cette situation pour le moins inconvenante.

Outre la massification de sa formation, le recyclage de responsables politiques du pôle de l’actuelle opposition, et des députés non inscrits, leaders de parti ou de mouvements citoyens, pour renforcer sa représentativité à la Chambre des députés, il devra se préparer à tous les scénarii possibles quand viendra l’heure, pour certains de ses compagnons d’aujourd’hui, de quitter le navire. A quelques mois de la présidentielle ou même après les locales de 2014. Dans cette galaxie éclatée de la majorité présidentielle, chaque formation a son agenda caché et tient à tenir un rôle. Le chef de l’Etat n’ayant pas la possibilité de satisfaire toutes les demandes d’embauche ou de recasement – c’est selon -, «Benno Bokk Yaakaar» aura du mal à maintenir son unité.

Des élections législatives anticipées ne sont même pas à exclure. Si Macky Sall parvient à donner à sa formation politique assez de forces pour se passer d’alliés encombrants et dérouler son programme, il ne se privera pas de chercher encore l’onction populaire pour achever son mandat et solliciter une reconduction. Fonction éminemment politique, la présidence de la République ne peut se donner à un homme ou une femme qui ne s’appuie pas sur un appareil pour collecter des voix et sur des compétences pour changer le quotidien des populations. Loin de tout calcul politicien, c’est bien là l’équation que doit résoudre Macky Sall. Autrement, il restera l’otage d’une coalition, incarnant un rôle pour lequel il n’a pas été choisi.

INTERLIGNES & SIGNES – La chronique de Abdoulaye Ndiaga SYLLA

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