C’était par une nuit noire, celle-là prisée des lâches comme le sont souvent les agresseurs. Talla Sylla, «l’enfant terrible» contre le régime de Wade est sauvagement agressé aux alentours du restaurant Le Régal. A coups de marteaux. Les pistes de l’enquête mènent tous vers le Palais. 9 ans après, l’une des plus grandes impunités sous le règne et par des proches du président reflue aujourd’hui dans les mémoires réfractaires à l’oubli. Rappel…
5 octobre 2003. L’expédition punitive d’une violence inouïe et criminelle sur Talla Sylla, qui venait de sortir un opus politique intitulé Ablaye abal gnu (Wade dégage !) flétrissant déjà comme une prémonition les dérives du régime du président Wade. De quoi susciter la furie et la fureur des fils des âges farouches du wadisme qui régalent le leader de l’Alliance Jëf-Jël de coups de marteaux pour punir l’un des rares hommes politiques qui s’était autorisé l’audace de s’en prendre au Président Wade, alors au sommet de la splendeur de son état de grâce. C’est un Talla Sylla méconnaissable, sérieusement amoché qui a été transporté à l’hôpital Principal où curieusement, on ne sait par quel hasard de circonstances, Moussa Tine alors responsable et camarade de Talla Sylla à l’époque, croise Pape Samba Mboup, ci-devant chef de cabinet du président de la République, venu extraire de son corps les effets de la morsure de son chien Rex. Du moins, c’était l’argument de défense de ce dernier face aux suspicions suscitées par sa présence, quelques minutes seulement après le massacre commis sur le visage de Talla Sylla aux alentours du restaurant Le Régal sur la route de Ouakam. On se souvient encore de la désinvolture sidérante avec laquelle l’ancien président de la République avait minimisé l’horreur subie par le président de l’Alliance Jëf-Jël, en faisant référence à un bulletin médical sorti on ne sait de quel chapeau de magicien expert. Tout comme refluent aujourd’hui dans les mémoires peu poreuses à l’amnésie, les enquêtes menées par les pandores. Or, ces enquêtes établissaient que toutes les pistes du crime aux senteurs d’un règlement de compte politique infligé à Talla Sylla avaient conduit vers le palais de la République. Les auteurs de l’assassinat politique manqué ont continué à vaquer allègrement à leurs occupations alors que Talla Sylla supportait le supplice des soins médicaux à Dakar puis en France. Pendant ce temps, les malfaiteurs d’un soir sablaient le champagne jusqu’aux aurores et se réjouissaient de leur trophée funeste de dévoués à la cause de leur dieu sur terre.
Il ne s’agit point ici de prétendre refaire l’odyssée avec exhaustivité du film d’horreur de ce 5 octobre de la terreur et du terrorisme politiques et la suite de cet événement, mais surtout de désembobiner l’une des séquences des plus grandes impunités commises sous le règne de Wade. Bien sûr que l’on a connu et vécu d’autres, mais assurément celle relative au régal peu ragoutant de Talla Sylla restera madré dans l’album politique noir de la Présidence de Wade.
Faute de vivants à… un vivant
Toutefois, si cette impunité est restée impunie, c’est aussi parce que, quelque part, elle a bénéficié du silence bruissant d’une opposition, à l’époque, vautrée dans l’amorphie, l’inertie et plutôt encline à la production industrielle de communiqués lyriques. A un certain moment, on n’entendait sur cette affaire que les dénonciations et accusations solitaires au milieu des envolées verbales et écrites de l’opposition de Talla Sylla, indexant nommément Wade, comme étant le commanditaire et les auteurs de l’agression. Elles étaient relayées par ses camarades de l’Alliance Jëf-Jël, qui n’avaient pas connu encore le gâchis des dissidences qu’elle traverse aujourd’hui. Aucune initiative n’a réellement été menée sur le front de l’opposition pour prendre en charge, convenablement, l’une des plus scandaleuses impunités du régime libéral. C’était le même silence de presbytère, la même atonie qui avait alors prévalu au sein des organisations des droits de l’Homme. Celles-ci n’avaient pas fait preuve de la même débauche d’énergie, comme frappée d’une sorte d’allergie à mener le combat contre une atteinte morbide au droit d’un homme politique qui n’avait eu que l’outrecuidance de chanter pour dénoncer. Il est vrai, à leur corps défendant, l’opposition et des organisations des droits de l’Homme, à cette époque-là, avaient en face d’elles un Wade au summum de son état de grâce. Le 5 octobre, lors de l’agression contre Talla Sylla, nous étions en 2003. Trois ans seulement après le sacre de Wade pour qu’un combat contre le massacre sur Talla Sylla en vaille vraiment la chandelle pour allumer une rue encore aphone face aux dérives du pouvoir libéral. Trop risqué peut-être de s’en prendre à un président Wade perché sur le promontoire sacré de sa popularité et de sa grâce !
Par la suite, Talla Sylla s’est comme réfugié dans le désabusement, faute d’avoir pu obtenir, ne serait-ce que la réparation morale d’un préjudice et d’une injustice qu’il portera toute sa vie. Il prêchait presque l’oubli, comme hier sur son facebook, dans une manière de ne pas remuer les effets traumatiques de ce 5 octobre 2003. Il avait fini même par réclamer le pardon, comme un don de soi afin de se donner des raisons de continuer son combat politique.
Aujourd’hui, en cette date de célébration des 9 ans de son agression, que retiennent donc certains de Talla Sylla ? Les contradictions qui traversent l’Alliance Jëf-Jël, les dissidences survenues, les amitiés et camaraderies brisées sur l’autel des convulsions politiques. Des critiques centrées sur Talla Sylla, notamment son refus d’être tout le temps et en tout temps du côté du manche, de la cognée. L’éternel opposant ! Oublié son combat prémonitoire pour que Wade dégage qu’il avait immortalisé dans les décibels de l’album Ablaye abal gnu, 8 ans avant les manifestations du 23 juin 2011 devant l’Assemblée nationale et 9 ans avant l’expédition cette fois punitive du Peuple contre Wade, le 25 mars 2012 ? Ignorer le lourd tribut payé physiquement et moralement par Talla Sylla à la faveur de son agression du 5 octobre 2003 ? Ne retenir aujourd’hui de ce dernier que les péripéties politiques actuelles avec le Jëf-Jël, c’est quelque part une sorte d’ingratitude envers le passé de son combat. Et ce serait une faute de vivants faite à un vivant.
lequotidien.sn
La lutte contre l’impunité doit être une des priorités majeures de notre pays. 9 ans après cette forfaiture, avec des commanditaires et des coupables clairement identifiés par le remarquable travail de la gendarmerie sénégalaise, avec un Ministre de l’Intérieur de l’époque aujourd’hui Président de la République du Sénégal, ce fameux dossier « Talla Sylla » reste toujours dans le tiroir des oubliettes… L’amnésie sera t’elle toujours l’invitée de notre société pour les pages de notre histoire qui dérangent ? Talla Sylla a pardonné, mais ceux qui l’aiment et le respectent crient encore et toujours contre l’injustice de sa tentative de meurtre impunie. Ils n’ont ni pardonné, ni oublié!! Ils continuent à réclamer JUSTICE.
Si la justice des hommes ne peut être un sabre fièrement brandi au Sénégal, si les consciences peuvent se taire et faire appel à l’oubli, que la justice divine soit l’arme tranchante de la veuve et de l’orphelin. Tous ceux qui ont trempé leur âme dans cette tentative de meurtre doivent s’attendre à ce que le couperet de l’Etre Suprême s’abatte sur leur tête. Justice se fera d’une manière ou d’une autre. Inch Allah.