Photo. M-Pesa est la plate-forme de paiement par mobile la plus populaire du Kenya. | Flickr/cesar harada
Ce salon high tech ressemble à n’importe quel autre en Californie. Sauf que les jeunes entrepreneurs y sont africains, et qu’ils ont mis toute leur ingéniosité àconcevoir des applications aussi « low tech » que possible pour conquérir l’immense marché des télécommunications de leur continent. L’organisateur américain d’événements liés aux communications et aux hautes technologies Demo a ouvert jeudi 25 octobre à Nairobi son premier Salon africain, qui doit durer deux jours.
En moins de cinq minutes chrono, des jeunes gens, la trentaine au plus, doiventconvaincre un auditoire de deux cents personnes, déjà très occupées à jonglerentre smartphone et tablette, qu’ils sont le Steve Jobs africain. « Nous sommes à la page huit du catalogue et au stand six, nous espérons que c’est là que vous mettrez votre argent, car il vous reviendra avec des intérêts », promet Mwema Jacob, cofondateur de la société kényane mTracker, à l’issue de sa présentation.
mTracker propose aux automobilistes une application permettant d’utiliser leur téléphone mobile pour localiser leur véhicule, déclencher ou éteindre le moteur et l’alarme. Pas inutile à Nairobi, où les vols de voiture sont nombreux, souvent avec violence, selon la police.
500 MILLIONS D’APPAREILS SUR LE CONTINENT
Les présentations concernent les applications pour téléphone mobile, cet outil qui a révolutionné l’Afrique depuis une décennie. Plus de 500 millions d’appareils sont désormais utilisés sur le continent, à peu près un pour deux habitants, une explosion en partie à l’origine de son décollage économique récent.
Une moyenne de dix téléphones supplémentaires pour cent personnes augmenterait le produit national brut d’un pays en voie de développement d’au moins 0,8 %, selon la Banque mondiale. D’où la nécessité pour les ingénieurs en informatique africains de s’adapter aux spécificités de leur marché. « Nous avons beaucoup d’idées qui marcheraient bien dans le ‘premier-monde’ [par opposition au tiers-monde], mais pas ici », explique Mem Maina, 32 ans, cofondateur de M-Kazi (« boulot » en swahili).
Cette application pour offres d’emploi par SMS lancée il y a cinq mois sur le marché kényan utilise la plate-forme USSD, disponible sur n’importe quel téléphone mobile, « même le plus basique », explique cet ingénieur en informatique dont les dreadlocks tombent sous les épaules. « Dans un pays comme le Kenya, où 6 millions de personnes seulement ont un accès correct à Internet, et où entre 20 et 25 millions accèdent à des SMS, cela va de soi d’utiliser les SMS », ajoute-t-il.
APPLICATIONS LIÉES AU MARCHÉ DU TRAVAIL
La démonstration en a été faite par M-Pesa, l’application désormais quasi mythique pour transfert d’argent par téléphone mobile, qui a essaimé largement en Afrique et au-delà depuis son lancement par la société de téléphonie mobileSafaricom, au Kenya, en 2007. Sur un continent caractérisé par sa jeunesse et son chômage, les applications liées au marché du travail, logiquement, se multiplient.
mPawa (pour « power », pouvoir) se spécialise sur le marché des « cols bleus », les travailleurs manuels et peu qualifiés. « Près de 75 % du marché du travail en Afrique répond à cette définition », relève Maxwell Kofi Efrem Donkor, venu du Ghana pour présenter son produit. Le jeune homme s’est inspiré d’expériences similaires en Chine et au Brésil, et il espère se développer dans toute l’Afrique.
« Une fois que votre concept est bien au point, il est facile de l’étendre à tout le continent », relève Paul Nguru, PDG de l’agence de conseil en investissement PN Consulting. Des experts un peu plus âgés soulignent que nombre de ces applications nécessitent sans doute bien des réglages avant de devenir la poule aux œufs d’or.
Mais aucun ne paraît douter des perspectives du marché africain. Shiv Shivakumar, vice-président de Nokia, chargé de l’Inde, du Moyen Orient et de l’Afrique, compare la jeunesse démographique et l’explosion des télécommunications en Afrique avec les Etats-Unis des années 1950, quand la jeunesse a rencontré la voiture et la télévision. « Il y a quelque chose d’unique en Afrique, c’est l’endroit sur lequel il faut parier dans la décennie à venir », assure-t-il.
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