Eric Walter, le secrétaire général de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi), a confirmé, lundi 3 mai, lors d’une conférence de presse, que l’Hadopi serait opérationelle « fin juin », sur au moins une partie de ses missions, notamment l’envoi de courriels aux internautes.
Le recrutement des premiers agents de la Haute Autorité – à terme, 50 à 70 personnes – est en cours. L’interconnexion entre les systèmes informatiques des ayants droit et ceux des fournisseurs d’accès à Internet devrait être opérationnelle fin juin. La CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) devrait rendre son avis sur le projet à la même époque. Et le gouvernement devait également publier à la fin du mois de juin les derniers décrets d’application nécessaires au fonctionnement de l’Hadopi, notamment celui qui définira l’infraction de « négligence caractérisée ».
L’Hadopi ne sanctionnera en effet pas directement le téléchargement illégal, mais plutôt la « négligence » du titulaire d’une connexion à Internet, qui aurait insuffisamment surveillé ou protégé sa connexion pour empêcher quelqu’un de s’en servir pour télécharger illégalement. Pourront donc être sanctionnés tout aussi bien un téléchargeur qu’une personne qui n’aurait pas verrouillé son accès à Internet sans fil, laissant ainsi la possibilité à un tiers d’utiliser la connexion de manière illégale.
« Le cœur d’Hadopi, ce ne sont pas les pirates, qui pourront toujours faire l’objet de poursuites en contrefaçon », précise Mireille Imbert-Quaretta, la présidente de la Commission de la protection des droits. C’est à cette commission-clé de la Haute Autorité – « le bras armé », ironise sa présidente – qu’échoira la tâche de décider quels dossiers seront transmis à la justice, au terme de la procédure de riposte graduée.
RÉSEAUX DE P2P SURVEILLÉS EN PRIORITÉ
Dans un premier temps, l’internaute suspecté de télécharger illégalement recevra un simple courriel d’avertissement, suivi d’une lettre en recommandé en cas de récidive. La troisième fois, son dossier pourra être transmis au parquet, qui décidera ou non de poursuivre, et pourra ordonner la coupure de la connexion Internet. « A tout moment, l’internaute sera tenu informé, et pourra présenter des éléments pour sa défense. Il pourra même demander à être auditionné, en compagnie de son avocat s’il le souhaite », précise Jacques Toubon, membre du collège de l’Hadopi. La commission de protection des droits tranchera ensuite.
Le « repérage » des internautes se fera par le biais d’agents assermentés, mandatés par les sociétés d’ayants droit, comme la société Trident Media Guard. Ce sont eux qui repèreront les adresses IP (Internet Protocol) sur les réseaux d’échanges de fichiers, et qui les transmettront à l’Hadopi. Si la Haute Autorité assure que les réseaux P2P ne seront pas les seuls surveillés, il semble pour l’heure techniquement impossible d’assurer la surveillance d’autres moyens de téléchargement illégal, notamment le téléchargement direct. « Ce n’est pas à l’Hadopi qu’il faut poser cette question ; c’est aux ayants droit et à leurs prestataires techniques », estime Jacques Toubon.
Outre la mise en place du volet répressif, la Haute Autorité devrait également lancer dans les semaines prochaines une série de missions de prospective. Eric Walter souhaite en effet que l’Hadopi soit « force de proposition et d’innovation », avec six groupes de travail – baptisés « labs » – dédiés à des thématiques comme les usages en ligne ou l’économie numérique de la création, qui seront dirigés par des experts extérieurs à l’Hadopi. La Haute Autorité mise aussi largement sur la communication pour faire passer un message qu’elle veut « essentiellement pédagogique ». Des ateliers de sensibilisation en direction des professionnels sont prévus pour juin, ou encore un compte Twitter (@InsidOpi) ainsi qu’un nouveau logo, le précédent ayant été largement critiqué parce qu’il utilisait une police de caractères sans l’autorisation de ses créateurs.
« Nous sommes conscients d’être dans un monde en évolution permanente, juge Eric Walter. Notre méthode sera faite de proximité et de recherche du contact avec les internautes. » Avec un bémol toutefois : « Nous serons toujours ouverts au dialogue, jamais à la polémique. » Les polémiques autour de la Haute Autorité semblent pourtant loin d’être terminées. Dernière en date : le choix de Michel Riguidel, professeur à Télécom Paris Tech, et opposant déclaré à la neutralité du Net, pour définir les spécifications techniques des logiciels de sécurisation.