Le khalife des mourides au président de la République : «Si vous avez pitié des talibés et des pauvres, vous avez mon soutien»

Booster l’agriculture pour faire du Sénégal un pays émergent, c’est sur ce levier que veut s’appuyer le président de la République qui a exposé au khalife général des mourides ses projets pour la ville de Touba afin de développer le pays. Des projets où la seule nouveauté est le nouvel hôpital et l’augmentation de la capacité de l’hôpital Matlaboul Fawzeyni. Tous les autres projets annoncés par Macky Sall ont déjà été réalisés par l’ancien régime.
Le chef de l’Etat est arrivé le sa­medi à 18h15mn à la résidence Chei­khoul Khadim. A l’accueil, Cheikh Bassirou Mbacké Abdou Khadre, porte-parole du khalife général des mourides, le ministre de l’Intérieur, le ministre de la Re­construction des zones inondées, le gouverneur de Diourbel, les préfets de Mbacké et de Diourbel et le sous-préfet de Ndame. Accompa­gné de son épouse, du Premier ministre, de son directeur de Cabi­net et du ministre d’Etat Mbaye Ndiaye, Macky Sall qui s’est ensuite recueilli au mausolée de Se­rigne Touba, a décliné en ces termes le sens de sa visite qui est d’abord de venir faire son ziar. Ensuite, s’adressant au guide spirituel des mourides à qui il a souhaité longue vie et une bonne santé, le président de la République lui dira : «Tout le Sénégal est content de votre position concernant l’Islam et les discours que vous tenez à l’endroit des populations en général sur les comportements qu’elles doivent avoir quotidiennement et la façon dont elles doivent pratiquer l’Islam. Touba, à part la Mecque, accueille le plus grand nombre de personnes. Nous sa­vons que Serigne Saliou a beaucoup fait pour la ville. Concernant l’eau, l’électricité, la sécurité, la santé, la modernisation de la mosquée et tant d’autres projets que vous avez initiés ici. J’ai donné des instructions pour que le gouvernement y participe.»

Travaux de Touba : Reprise après le Magal
Parlant de la continuité de l’Etat, le Président Macky Sall de poursuivre : «Le projet de modernisation de Touba, qui était à l’arrêt va redémarrer. Cette année, en dépit des difficultés de trésorerie, l’Etat a décaissé et payé 9 milliards de francs à l’entreprise Henan Chine. D’ailleurs, les travaux vont re­pren­dre après le Magal. Sur le plan sécuritaire, des affectations seront faites dans le sens de renforcer la sécurité. Nous avons l’intention d’augmenter la capacité d’accueil du centre hospitalier national Matlaboul Fawzeyni et de construire un nouvel hôpital, vu le nombre de personnes qui résident ici. Sur ce dernier point, nous attendons l’affectation d’une parcelle pour pouvoir démarrer les travaux.»
Pour ce qui est des infrastructures routières, il est prévu d’après le chef de l’Etat «les routes Tawfekh-Darou Marnane et la route qui va à Mbacké Barry. La route 33 sera réalisée. Tous ces projets sont des souhaits. Nous souhaitons par vos prières que vous nous aidiez à les concrétiser parce que la volonté existe. J’ai toujours conscience du ndiguel que vous m’aviez donné et qui consiste à être indulgent et d’avoir pitié des démunis et d’aider les producteurs. Ce sont des choses qui cadrent parfaitement avec ma vision de la politique. Je suis en train de m’y conformer avec les appuis que le gouvernement remet au monde rural». Macky Sall mise sur l’agriculture pour développer le Sénégal, c’est pourquoi, il a indiqué à Se­ri­gne Cheikh Sidy Moctar Mbacké : «Nous envisageons dans les an­nées à venir d’augmenter les mo­yens, surtout pour ce qui est des machines. C’est dans ce domaine que nous voulons que vous usez de votre entregent auprès des chefs religieux ou bien de vous prononcer en ce sens pour que les gens s’activent plus dans le secteur agricole. Nous sollicitons des prières pour un Sénégal de paix et émergent.»

Programme de Macky Sall pour Touba
Très prolixe, Macky Sall est revenu longuement sur les projets qu’il compte réaliser dans la capitale du mouridisme au cours de son ma­gis­tère. Parmi ces projets, il y a l’autoroute Diamniadio-Touba qui passe par les villes de Thiès et de Diourbel et l’aéroport de Touba. Ces projets sont d’une importance capitale, aux yeux du chef de l’Etat. «L’autoroute est un programme que j’ai entamé et j’en ai discuté avec des entreprises chinoises. Le coût du projet de l’autoroute est de 400 milliards de francs. Nous le ferons sur la base d’un partenariat public-privé. J’avais donné des instructions pour que les plans vous soient présentés. Je ne sais pas si cela a été fait ou non», annonce Macky Sall.
Si l’autoroute est chiffrée, tel n’est pas le cas pour l’aéroport de Touba, un vieux projet de son prédécesseur que Macky Sall a d’ail­leurs reconnu. Abdoulaye Wade avait annoncé, le 15 février 2002, la construction d’un aéroport international à Touba. Le 11 mars 2009, l’étude de faisabilité a été présentée aux autorités religieuses par Mbaye Ndiaye alors directeur des Aéroports du Sénégal. Un site qui s’étend sur une zone de 4500 ha avait été retenu à 25 voire 30 km de Touba pour pouvoir ac­cueillir cet aéroport. Evoquant les délais d’exécution, Mbaye Ndiaye avait parlé de trois ans en tenant compte des études de faisabilité : «Nous allons lancer des appels d’offre et choisir les partenaires techniques pour réaliser ce projet hautement stratégique.» Il n’avait cependant pas donné le coût global de l’infrastructure qui devait porter le nom de Khadimou Rassoul, le fondateur du mouridisme. Cet aéroport devait avoir une capacité d’accueil d’environ 500 mille à 1 million de passagers par an.
Statut spécial
«L’autre projet qui me tient à cœur est le statut spécial de la ville de Touba. Nous engagerons la concertation avec vous le moment venu pour connaître comment vous l’entrevoyez», dixit le président de la République. Concernant le magal de Touba, Macky Sall annonce une loi «pour que le Magal soit désormais une fête chômée et payée». Il a aussi annoncé d’autres projets mais qu’il dévoilera le moment venu.

Neutralité et équidistance du khalife
Répondant au président de la République, Cheikh Bassirou Mba­cké Abdou Khadre, au nom du khalife général des mourides, s’est excusé de parler de façon succincte parce que l’heure de la prière approchait. Il laissera entendre : «Le khalife a vu votre engagement concernant les projets que vous avez déclinés et que vous voulez réaliser ici. Mais, il vous demande d’être indulgent envers les couches vulnérables et les producteurs. D’avoir pitié d’eux et des populations. Si vous êtes un chef, il faut savoir prendre de la hauteur et pardonner. Si le khalife vous demande de faire une discrimination positive à l’endroit des paysans, c’est parce qu’on ne peut pas développer un pays sans l’agriculture. Si le secteur agricole marche, le Sénégal se développe. Concer­nant Touba qui se trouve au centre du pays, rien ne peut se faire dans ce pays sans cette ville. Outre le côté religieux, il y a deux donnes fondamentales à savoir la géographie et la démocratie. Si vous avez pitié des talibés en particulier et des populations en général, vous avez son soutien.»
Citant Serigne Abdoul Ahad Mbacké, qui avait dit au président de la République d’alors Abdou Diouf, le porte-parole du khalife dira : «Si je n’ai pas la capacité de dire à Dieu de faire ou de lui donner des ordres, j’aurai la latitude de collaborer avec quelqu’un qui a pitié des gens en lui disant : «Fais ceci et ne fais pas cela». C’est cela la position du khalife. Le khalife vous remercie pour ces projets que vous souhaitez réaliser dans la cité religieuse. Il souhaite que vos vœux de les mettre en place soient exaucés».
A Macky Sall, Cheikh Bassirou Mbacké a rappelé la position de neutralité et d’équidistance du kha­life envers les chapelles politiques. «Cette position rien ne pourrait l’altérer, mais toutefois, il appréciera ceux qui seront indulgents avec les populations. A part le Coran, la Sunna du Pro­phète, les talibés, la ville de Touba et les enseignements de Serigne Touba, rien n’est plus important pour le khalife. Vous ne l’entendrez jamais se prononcer sur certaines questions. Ce qui le préoccupe, c’est la construction de routes, d’hôpitaux et de forages», soutient Cheikh Bas­sirou Mbacké Abdou Khadre.
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