Voilà plus de trois décennies qu’il est parti répondre à l’appel de son seigneur, mais Thierno Seydou Nourou Tall demeure encore plus présent dans les cœurs et les esprits. L’homme qualifié de rassembleur, de précurseur du dialogue interreligieux, est une figure emblématique de la tarikha Tidiane au Sénégal. Une tarikha qui a été introduite en Afrique occidentale, par son grand-père, El Hadji Oumar Tall, plus connu sous le nom de Cheikh Oumar Foutiyou Tall. C’est cet homme d’une dimension extraordinaire que l’on célèbre actuellement la ziarra annuelle.
Le 25 janvier 1980, le Sénégal se réveille avec une gueule de bois. Le grand soleil maussade n’avait pas fini de se lever pour darder ses faibles lueurs hivernales, qu’une triste nouvelle vient ajouter à la grisaille de la journée. Thierno Seydou Nourou Tall n’est plus, après une vie qui aura duré 116 années. Cela fait aujourd’hui, trente-trois ans qu’il est parti, mais il est toujours présent dans les cœurs et les esprits. L’inlassable homme de Dieu s’est toujours battu pour la concorde et la paix, au Sénégal et dans le monde. Comme pour coller au nom de l’Islam, ainsi que l’a rappelé le président Macky Sall, après la prière de vendredi, à laquelle, il a pris part. Thierno Seydou Nourou Tall avait fait l’unanimité au tour de lui. Tous les grands marabouts qui lui étaient contemporains étaient ses amis. On peut citer Cheikh El Hadji Malick Sy, Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké, Serigne Fallou Mbacké, Serigne Babacar Sy, El Hadji Abdoul Aziz Sy, El Hadji Ibrahima Niasse… Précurseur du dialogue interreligieux, il a aussi été un très grand ami du cardinal Hyacinthe Thiandoum. Une amitié d’ailleurs perpétuée par son successeur Thierno Mountaga Tall.
Thierno Seydou, petit-fils de Cheikhou Oumar Foutiyou Tall, est le descendant de Soundjata Keïta et d’Ahmadou Bello, roi de Sokoto. Cette triple ascendance faisait de lui, un trait d’union entre les populations du Sénégal et du Mali. Elle lui conférait aussi le rôle de grand médiateur qu’on lui connaissait au-delà même de nos frontières. Il est le Fils de Nourou Tall (1860-1907) et d’Aïssata Kamissoko. Son père Nourou participa à la Jihad contre le Kaarta (1855-1856) et fut nommé gouverneur du Jafunu. Sa mère est la fille du roi de Gadugu, originaire du cercle de Kita (Mali actuel). D’après lui-même, il serait né en 1868 à Nioro (en guinée).
DE LONGUES ET ENRICHISSANTES ETUDES
Né dans une famille d’érudits, Thierno Seydou Nourou Tall a fait de longues études en Coran et en science islamique, comme en atteste son pedigree. Ses études l’ont d’ailleurs mené à Boiro auprès d’Amadou Bakhounambé, à Bandiagara auprès de Cheikh Mamadou, à Ségou auprès de Thierno Amidou, à Kita auprès de Mouhammad al Olal, à Kayes auprès de Mouhammad al Muqtar, à Médina Khasso auprès d’Amadou Ciré, de Thierno Ahmad Kane et d’Amadou Diallo. Après avoir suivi l’enseignement de tous ces maîtres, il poursuivit néanmoins sa quête du savoir qui l’amena dans le sud de la Mauritanie, à Boghé auprès d’Amadou Moukhtar Sakho (1867-1934) qui l’initia au droit islamique notamment. Seydou Nourou était désigné pour prendre la direction de l’école où il excellait parmi ses condisciples. Mais peu après la deuxième guerre mondiale, il choisit de se rendre à Saint Louis aux cotés de Babacar Sy, fils d’El Hadj Malick Sy. Toute sa vie durant, il restait profondément attacher à cette famille qui a élu domicile à Tivaouane.
RELATIONS AVEC L’ADMINISTRATION COLONIALE
Thierno Seydou a entretenu de bonnes relations avec le président Senghor et avant lui, avec l’administration coloniale. Les différents ministres de la France d’outre-mer, les gouverneurs de l’AOF et plus tard, les politiciens sénégalais l’appelaient en consultation. En 1930, il fut décoré de la légion d’honneur. Les pouvoirs politiques contribuèrent à rehausser le prestige de Thierno Seydou Nourou. Il entreprit alors de redynamiser les fidèles de la famille omarienne.
«L’influence de Seydou Nourou Tall s’étend à tous les fidèles de la Tijania d’El Hadj Omar. La nombreuse famille des Tall en constitue les relais au Soudan et au Sénégal. Les marabouts peuls et toucouleurs du Fouta Djallon guinéen, du pays Djerma nigérien, un grand nombre d’évolués de Dakar et des pays soudanais, le reconnaissent comme ‘’directeur de conscience’’» (extrait de CARAN (Archives Nationales Paris). Sa sagesse et son expérience avait fait de lui un chef religieux influent et respecté.
Malgré sa notoriété et la place qu’il occupait au sein de la Oumah islamique, le saint homme s’asseyait toujours sur une simple natte. Toujours entouré de ses disciples qui s’émerveillaient chaque jour sur les miracles de leur marabout qui savait lire dans le cœur de ses visiteurs. Ceux qui n’étaient pas sûrs de leur moralité, ne fréquentaient jamais le marabout en public, au risque de se voir houspiller.
Chevalier de la religion, Thierno Seydou Nourou était très intransigeant sur le respect de la charia islamique. C’est pourquoi, il n’a jamais cessé de vulgariser le Saint Coran à travers le monde. C’est lui qui a créé, le 12 mai 1957, l’Assemblée des Moukhadam Tidianes au Sénégal. Le principal souteneur du Khalife Abdou Aziz Sy, est aussi le promoteur du comité de réorganisation islamique qui regroupait l’ensemble des responsables musulmans sénégalais. Thierno Seydou Nourou Tall fut le meilleur compagnon d’El Hadji Malick Sy. Rappelé à Dieu le 25 janvier 1980, Thierno Seydou Nourou Tall a été inhumé le même jour sur la corniche ouest, dans un carré offert par le président Senghor qui était son grand ami. Les musulmans qui fréquentent son mausolée savent que ce saint homme a une baraka qui ne tarira jamais.
SOULEYMANE KANE (source Internet)
via lesenegalais.net
