L’universitaire sénégalais Bakary Sambe, spécialiste du militantisme islamique et des réseaux transnationaux, s’est dit »perplexe » sur les éventuelles retombées des négociations entamées vendredi en Algérie entre les autorités maliennes et le Front arabe pour la libération de l’Azawad (FNLA), dont des éléments occupent le Nord-Mali.
Dans un entretien accordé dimanche à l’APS, M. Sambe souligne que ces pourparlers visent certes à »isoler les islamistes d’AQMI (Al-Qaida au Maghreb islamique) et d’Ansar Dine ». Mais, ajoute-t-il, »d’éventuelles compromissions avec ce mouvement +irrédentiste+ ou son renforcement affecteraient l’équilibre et l’intégrité territoriale du Mali comme du Niger, tous concernés par la brûlante question touarègue ».
Dans un communiqué publié jeudi, le chef d’Ansar Dine, Iyad Ag Ghali, a accusé le gouvernement malien de »mépriser » son offre faite le 21 décembre dernier en vue de la cessation des hostilités au Mali et de l’ouverture négociations avec les autorités. Il réagissait au feu vert du Conseil de sécurité des Nations unies en faveur de l’envoi d’une force internationale pour chasser les islamistes occupant le Nord du pays.
»Pour moi, il n’y a pas de nouvelle donne. Je maintiens la thèse, aujourd’hui confortée par les faits, selon laquelle Ansar Dine n’a jamais eu de bonnes intentions en direction de la paix », a soutenu M. Sambe, enseignant-chercheur à l’Unité de formation et de recherche (UFR) en civilisations, religions, arts et communication de l’Université Gaston Berger (UGB) de Saint-Louis.
Le chercheur a ensuite signalé que le texte de la »plateforme politique » d’Ansar Dine, publié ce 2 janvier dernier, introduit »une dimension ethnique dangereuse pour les équilibres sociopolitiques dans tout le Sahel en parlant, pour une première fois, de manière officielle, d’un +projet diabolique visant l’autodestruction totale de la société arabo-touarègue du Mali+ ».
S’agissant d’une éventuelle intervention militaire pour libérer le nord du Mali, Bakary Sambe a dit : »On ne peut plus être affirmatif quant aux intentions et capacités des leaders africains sur ce dossier. Les gesticulations se multiplient, mais les résultats probants sont moins visibles. »
Les dirigeants de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont annoncé la tenue, les 23 et 24 janvier, d’un mini-sommet de l’organisation pour faire le point des derniers développements de la crise malienne.
Bakary Sambe a par ailleurs relevé que les Maliens semblent faire plus d’ouverture à l’idée de l’intervention d’une force internationale, estimant toutefois que la situation interne est »comme une épine dans le pied de tous les diplomates, malgré les récentes déclarations de Moussa Sinko Coulibaly, le ministre de l’Administration territoriale, invitant à l’implication de +tous les partenaires+ ».
En plus d’AQMI, il y a au Nord-Mali le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO). Le 31 décembre dernier, ce groupe a pris le contrôle des alentours d’Al-Khalil, une localité située à trois kilomètres de la frontière Sud de l’Algérie, en s’associant à un dissident d’AQMI.
»Cette nouvelle donne et ce signal fort sur le plan sécuritaire devraient être de nature à convaincre l’Algérie de la nécessité de libérer le Nord du Mali du joug des groupes terroristes et de leurs multiples trafics et tout l’intérêt qu’elle a à y participer », a affirmé le chercheur.
Des soldats maliens ont écarté le président Amadou Toumani Touré du pouvoir, lors d’une mutinerie en mars dernier, à Bamako. Par la suite, des islamistes se sont emparés des principales villes du Nord-Mali, que l’armée malienne semble encore incapable de reprendre.