Le patron du groupe de presse Wal Fadjri a confié, hier, au ministre de la Communication, des Télécommunications et de l’Economie numérique, Cheikh Bamba Dièye qu’il est très déçu du régime de Macky Sall.
C’est connu presque de tous : lorsque le directeur général du groupe Wal Fadjri reçoit une autorité politique, la langue ne reste pas dans sa poche. Hier, à l’occasion de la visite du ministre de la Communication, des Télécommunications et de l’Economie numérique, Sidy Lamine Niasse l’a encore fait claquer. A l’endroit de Cheikh Bamba Dièye à qui il a renouvelé amitié et ouverture, le patron de Wal Fadjri s’est dit déçu du régime de Macky Sall. «J’ai été déçu de cette deuxième alternance survenue au Sénégal. Ce que je vois ne me rassure pas. Le Sénégal doit éviter d’être la chasse gardée de la France, des agents de l’impérialisme ou de certains lobbies», a-t-il confié à Cheikh Bamba Dièye et à sa délégation. Sidy Lamine Niasse rumine toujours sa colère après le retrait par l’actuel régime de son passeport diplomatique. Il demeure convaincu que c’est Macky Sall qui a poussé son ancien ministre des Affaires étrangères à lui retirer son document de voyage.
Par ailleurs, si, pour lui, le président de la République traite le marabout de «citoyen ordinaire», c’est parce que sociologiquement, il ne connaît pas la fonction d’un guide religieux dans une société. Sidy Lamine Niasse a rappelé à son hôte les bons offices qu’il a eu à jouer en faveur de l’actuel chef de l’Etat à la veille de l’élection présidentielle. Selon lui, Wade avait confié à Olesegun Obasanjo, ancien président de la République fédérale du Nigeria, venu jouer les médiateurs, qu’il voulait rallonger son mandat de deux à trois ans. «Je me suis levé pour m’opposer. J’ai demandé au médiateur de rentrer parce que les Sénégalais sont capables de régler leurs problèmes», indique Sidy Lamine Niasse. Qui ajoute : «Le Sénégal a besoin d’une justice forte. Les populations n’adhèrent plus aux discours politiques.»
Sur ses relations avec le fisc, Sidy Lamine avait fustigé l’attitude du ministre du Budget, Abdoulaye Daouda Diallo. Ce dernier avait soutenu, en décembre dernier, devant les députés, à l’occasion du vote du projet de budget du ministre de la Communication, que Wal Fadjri faisait «de la malversation», concernant l’affaire du milliard de francs Cfa du fisc qui lui était réclamé par l’Etat. A l’époque, Abdoulaye Daouda Diallo avait parlé «de cette société de presse qui, aujourd’hui, est en train de mettre tout sur le dos de l’Etat au titre de son redressement fiscal». Déjà qu’il avait dénoncé la «mauvaise foi» du ministre du Budget, Sidy Lamine Niasse fait entendre à Cheikh Bamba Dièye que le groupe Wal Fadjri ne doit rien à l’administration fiscale du Sénégal. «Je paie régulièrement mes impôts, ceci avant le 15 de chaque mois», affirme le patron du groupe du Front de terre.
Sidy Lamine a, par ailleurs, demandé au pouvoir actuel d’appuyer le secteur de la presse. Car, pour lui, les entreprises de presse font face à beaucoup de difficultés financières liées surtout aux intrants. «Tous les secteurs d’activité économique du pays sont appuyés par l’Etat, excepté celui de la presse. Qu’elle soit directe ou indirecte, il faut que l’Etat aide le secteur de la presse en lui facilitant l’accès aux intrants», a-t-il convié. Dans la même lancée, le directeur de la publication de Wal Fadjri L’aurore, Abdourahmane Camara, a invité Cheikh Bamba Dièye à accélérer la procédure de vote du projet de Code de la presse afin, dit-il, de donner un nouveau visage à la presse sénégalaise.
…devant Cheikh Bamba Dièye «peiné»
C’est avec une oreille attentive que le ministre de la Communication, des Télécommunications et de l’Economie numérique a écouté le directeur général du groupe Wal Fadjri. Cheikh Bamba Dièye a indiqué que sa visite est un témoignage au groupe Wal Fadjri pour les sacrifices qu’il a consentis pour asseoir la démocratie au Sénégal. Toutefois, il rappelle que la liberté a souvent un prix. Le ministre fait référence aux attaques et aux impôts réclamés à Wal Fadjri. «Je suis peiné du fait que toute l’activité menée à la dernière phase conduit à cette situation de quasi face-à-face», regrette Cheikh Bamba Dièye. Qui, toutefois, précise : «Le groupe Wal Fadjri ne doit rien attendre de l’Etat. Mais Wal Fadjri fait partie de l’histoire de l’audiovisuel au Sénégal, et il faut que tous les acteurs bénéficient de cette liberté totale d’expression». Malgré la position de l’Etat qu’il a affichée vis-à-vis du groupe de presse de Front de terre, le ministre a invité Sidy Lamine Niasse a demeurer une sentinelle de la démocratie au Sénégal, au même titre que d’autres patrons de presse. Cheikh Bamba Dièye convie les acteurs des médias à serrer la ceinture pour relever le défi de l’information. A l’endroit des chefs d’entreprise de presse, le ministre promet d’installer la transparence, le sérieux et l’équité entre l’Etat et les journalistes. «Nous allons voir ensemble comment lever certaines équivoques pour aller vers l’essentiel», affirme Cheikh Bamba Dièye. L’essentiel, pour lui, c’est de penser au passage de l’analogique au numérique en 2015 et à la répartition de l’aide à la presse.