Entre les discours et la pratique, il y a très souvent un gouffre difficile à combler. Mais sur le plan diplomatique, il est rare d’entendre certaines vérités comme celles assénées par Yayi Boni à ses pairs lors de la cérémonie d’ouverture du 20e Sommet de l’Union africaine. Une nouvelle Afrique en renaissance ?
L’hymne de l’Union africaine, la minute de silence en l’honneur des regrettés John Atta Mills, ancien Président du Ghana et Meles Zenawi, ancien Premier ministre d’Ethiopie qui sont décédés au cours de l’année 2012 ont amplement suffi pour installer une certaine solennité dans une salle où les services du protocole et d’ordre ont peiné à mettre au pas cameramen et photographes. Le Président sortant de l’Union africaine (Ua), le Béninois Yayi Boni, pouvait asséner ses vérités. Ou plutôt, rappeler à ses collègues leurs responsabilités lors de l’ouverture du 20e Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement qui a eu lieu hier à Addis Abeba.
Pour le Président du Bénin, il ne sert à rien de clamer partout que l’Afrique a aujourd’hui tous les atouts pour réussir. Cela est aujourd’hui une évidence d’autant plus que tous les indicateurs économiques ne cessent de le prouver. Mais il est évident que le continent ne pourra jamais atteindre le développement si certains préalables ne sont pas réglés. Et Yayi Boni se veut formel en soutenant que «ces préalables ne dépendent ni de l’extérieur, ni des populations, mais de nous-mêmes dirigeants de l’Afrique contemporaine». Ainsi, il ne sert à rien de vouloir aller à la renaissance du continent africain, à sa prospérité, s’il n’y a pas davantage de travail «pour renforcer les bases de l’Unité, de la stabilité et de la sécurité de l’Afrique».
Le Président sortant de l’Union africaine constate, pour le déplorer, «un cloisonnement et une faiblesse de synergie entre les Etats d’une même région, et d’une région à une autre». Ce qui fait que les Etats s’éloignent de plus en plus des objectifs ayant présidé à la création des Communautés économiques régionales. Car si ce n’était pas le cas, «pour la gestion des questions notamment d’ordre sécuritaire concernant une région, les autres régions sont mises à l’écart. Alors qu’au nom de la solidarité interrégionale, elles auraient pu apporter leur soutien», fait remarquer Yayi Boni.
Sur la situation du Mali, le Président sortant de l’Ua soutient éprouver jusqu’à présent du mal à comprendre que «face au péril qui menace jusqu’à ses propres fondements l’Afrique, bien que disposant des moyens d’organiser sa défense, puisse continuer à attendre». C’est la raison pour laquelle, il ne peut que saluer la France, qui «face au temps de réaction extrêmement long des leaders africains (…) a pris les devants pour faire ce que nous aurions dû faire, face au terrorisme international qui menace le Mali, notre sous région, notre continent…». Alors Yayi Boni d’en appeler à ses pairs africains à se regarder en face «pour faire notre examen de conscience» ; car étant tous bien au fait que «la question de la paix et de la sécurité, qui affecte l’image de notre continent dans les rapports entretenus avec nos partenaires, est la première cause de nos difficultés».
Toute cette auto-flagellation ne pouvait se faire sans une quelconque proposition. Alors au moment de passer le témoin de la présidence de l’Ua, Yayi Boni suggère de mettre en place «une task-force constituée de hautes personnalités africaines pour revisiter les textes et mécanismes de l’Union africaine». A charge pour les futurs membres de cette structure de faire des propositions de réformes dans la perspective d’une nouvelle gouvernance de l’Union en vue de la renaissance du continent. Et aux chefs d’Etat de faire vivre pleinement cette Unité africaine, cette Union africaine. Car comme l’a si bien dit la présidente de la Commission de l’Union africaine, Mme Nkosazana Dlamini-Zuma, «il n’y a pas de personne non puissante, mais seulement des personnes qui ne savent pas utiliser leur pouvoir».
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