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Gestion des ordures de la région de Dakar: Manœuvre autour de 17 milliards

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C’est une nouvelle guerre qui s’annonce entre le régime de Wade et l’Entente Cadak-Car. Au cœur de la brouille, un projet de décret réorganisant la gestion des déchets solides urbains dans la région de Dakar et dont l’objectif majeur est d’arracher ce secteur juteux des mains des collectivités locales de Dakar qui ont délégation de gérer les déchets aux yeux de la loi sur la décentralisation.

Entre la nouvelle équipe de l’Entente Cadak-Car et le gouvernement libéral, le ciel s’assombrit de jour en jour. Les récentes manœuvres entreprises par le régime d’Abdoulaye Wade pour reprendre, des mains des collectivités locales de Dakar, la gestion des déchets solides urbains sont à l’origine des nouvelles tensions qui risquent de pourrir l’atmosphère déjà délétère entre ces deux institutions. Les autorités municipales accusent l’Etat de vouloir, à travers ses agissements, faire main basse sur le juteux pactole de 17 milliards de frs destiné à la gestion des ordures de Dakar. Cette nouvelle démarche constitue un énorme coup de pieds aux textes relatifs à la loi 96-06 du 22 mars 1996 sur la décentralisation (qui pourtant délègue cette compétence aux collectivités locales) et vient exacerber l’instabilité institutionnelle quasi permanente qui gangrène un secteur aussi stratégique.

Après plusieurs mises en garde, le régime libéral passe ainsi à l’acte dans sa volonté de reprendre la gestion des déchets solides dans la région de Dakar. Aussi un nouveau décret relatif à la mise en œuvre du programme de gestion des déchets solides urbains dans la région de Dakar est-il en chantier à la présidence de la République. Entre autres articles, le décret stipule que : « Le programme de gestion des déchets solides urbains dans la région de Dakar est confié au ministère en charge de l’Environnement. » Il souligne également que : « Le ministère chargé de l’Environnement assure la maîtrise d’ouvrage de opérations prévues dans le cadre du programme de gestion des déchets solides urbains dans toutes les Collectivités locales de la région de Dakar. » En outre, ce nouveau décret stipule que : « La maîtrise d’ouvrage déléguée du programme de gestion des déchets solides urbains dans la région de Dakar est confiée à l’Agence nationale pour la Propreté du Sénégal (Aprosen) ; et que les ressources afférentes au financement du programme de gestion des déchets solides urbains sont mises à la disposition du ministère chargé de l’environnement. » Pour l’Etat et les autorités du ministère de l’Environnement, ces nouvelles dispositions visent à rendre à la région de Dakar, qu’ils « jugent très sale », sa propreté d’antan par une réorganisation de toute la filière de gestion des déchets solides. Un argument qui n’est pas partagé par les autorités municipales. La nouvelle équipe dirigée par le maire socialiste, Khalifa Sall, voit dans cette manœuvre obscure du régime libéral, non seulement une tentative délibérée pour tordre le cou à la loi sur la décentralisation mais aussi pour s’accaparer de la manne financière destinée à cet effet.

17 milliards FCFA par an en jeu

C’est une évidence. Avec ce projet de décret, l’Etat, à travers le ministère de l’Environnement, de la Protection de la Nature, des Bassins de rétention et des Lacs artificiels deviendra le gestionnaire désigné du budget alloué à la gestion des déchets solides urbains de la région de Dakar. Un magot annuel de 10 milliards de francs CFA placé sur un compte du Ministère de l’Environnement mais dont le décaissement est du ressort exclusif du président de l’Entente Cadak-Car, qui se trouve être le maire de la ville de Dakar. Avec un édile opposant à la tête de l’Entente Cadak-Car, autant dire que toute tentative d’accaparement de ces fonds, de la part de quelque autorité étatique que ce soit, restera vaine. Alors, un décret qui ôterait ce pouvoir à l’Entente Cadak-Car au profit d’une entité ministérielle va installer un climat de suspicion.

Outre cet enjeu lié au contrôle des 10 milliards de francs de CFA, le nouveau système de gestion des ordures envisagé avec la fermeture de Mbeubeuss pose problème. Dans ce nouveau système, l’Etat envisage de céder tout le circuit allant du Centre de transfert de Mbao jusqu’à l’exploitation du Centre d’Enfouissement Technique (CET) à une seule entreprise, GICOS, pour un montant annuel de 7 milliards FCFA. Une décision qui n’est pas du goût de l’Entente Cadak-car qui estime que ce circuit doit faire l’objet d’un fractionnement par secteur. Et que chaque volet (la gestion du site de transfert, le transport des déchets vers le CET et l’exploitation du CET) soit confié à des entités différentes. Les choix s’opérant après un appel d’offres.

Djibo et Alioune Sow comme bras armés

Pour bon nombre d’observateurs, ce nouveau coup de force apparaît comme l’aboutissement d’une longue opération de déstabilisation de l’Entente Cadak-car. Une opération dont les bras armés sont, entre autres, les ministère de l’Environnement et celui des Collectivités locales. Dans une correspondance datée du 18 mars 2010 et adressée au Président de l’Entente Cadak-Car, Alioune Sow interpellait les autorités municipales sur l’état d’insalubrité de certaines artères de la capitale et les appelait à prendre, dans les brefs délais, des mesures appropriées pour apporter une solution durable à ce problème. Une démarche incomprise par certaines autorités de l’Entente Cadak-Car. Elles y trouvent une tentative de diabolisation de leur institution destinée à préparer certaines prises de décisions de l’Etat.

Dans cette guerre sans merci, le ministre de l’environnement et de la protection de la Nature occupe également une place de choix. Il ne cesse de rappeler, au même titre que son collègue des collectivités locales l’état d’insalubrité de la capitale. Pourtant c’est bien le Ministère de l’Environnement et de la Protection de la Nature qui contracte avec les 18 concessionnaires chargés de la collecte des déchets dans la région de Dakar. C’est donc à lui que revient le contrôle de ces concessionnaires. L’Entente Cadak-Car n’intervenant que dans le paiement, sur demande du ministère de l’Environnement. Pour rappel, des agents du service des eaux et forêts étaient présents dans les différentes zones de la région pour assurer le contrôle de ces concessionnaires. Ces agents ont aujourd’hui disparu du circuit. Pour quelles raisons ? Selon l’Entente Cadak-Car, l’absence de système de pointage des concessionnaires est à la base de plusieurs dysfonctionnements. Payés à hauteur de 7000 FCFA la tonne de déchets enlevée, il n’est pas rare de voir des concessionnaires, dans le but de gonfler leur tonnage, opérer sur des sites hors de leurs zones. Des opérations qui, aux côtés de la pratique du rachat d’ordures aux charretiers, sont devenues monnaies courantes.

Pourtant en 2001, c’est le même Djibo Kâ, alors député à l’Assemblée nationale, qui avait mené une bataille farouche contre la décision du gouvernement de l’époque dans le dossier Alcyon. Comme aujourd’hui, l’Etat avait confié la gestion des ordures de Dakar à cette entreprise en violation des dispositions légales des textes sur les collectivités locales. Djibo Kâ avait violemment contesté la loi d’habilitation que régime voulait faire voter par l’Assemblée nationale afin de régulariser cette situation.

Coup d’arrêt aux projets de l’Entente Cadak-Car

Toujours est-il que cette démarche de l’Etat vient saper les efforts consentis par les autorités de la mairie de Dakar, depuis leur arrivée à la tête de la ville, pour redonner à la gestion des déchets solides urbains un nouveau départ. Ces efforts se traduisent, entre autres, par la convention signée entre l’Entente Cadak-Car et l’Institut africain de gestion urbaine (Iagu) pour doter la région de Dakar, pour la première fois, d’un Plan stratégique de gestion des déchets solides urbains. En outre, dans sa volonté de rendre plus efficace le système de collecte des déchets solides dans la région, les autorités municipales comptaient revoir le système de concession. Cette opération visait notamment à évaluer les concessionnaires en charge de la collecte des déchets dans les zones non couvertes par la société Veolia pour une utilisation plus rationnelle des ressources allouées à cet effet.

Ahmed DIAME

lagazette.sn

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