Une « fête » s’est déroulée, mardi 26 février, au siège de la Ligue professionnelle de football (LFP), lors de laquelle « le football français a honoré le football africain », selon les mots du président de la LFP, Frédéric Thiriez. Une cérémonie qui avait pour but de célébrer l’organisation au Gabon du Trophée des champions 2013, prévu le 3 août à Libreville, et pour laquelle la LFP n’avait pas souhaité inviter les médias français.
A l’exception de RFI, de Canal+ horizons (mais pour des reportages destinés à l’Afrique), et du Monde, seule la presse africaine a été invitée à goûter au champagne et au jus de framboise, et à discuter avec le président de la LFP, le ministre des sports du Gabon, ou avec la pléïade d’anciennes gloires du football africain. Roger Milla, Jimmy Adjovi Boco, Daniel Cousin, Joseph-Antoine Bell, ou Basile Boli, les anciennes vedettes – certains ont fait le déplacement depuis leur pays d’origine – arboraient un air solennel.
Pourtant, cet évènement n’avait rien de sensible « mais Thiriez ne voulait pas que la presse française vienne et pose des questions sur le Qatargate, sur Beckham ou sur le régime gabonais », raconte un proche de la LFP. « Nous voulions que ce lancement soit pour les Africains, se justifie Frédéric Thiriez. Je considère que le foot français leur doit énormément. Ce match sera un hommage au foot africain. » « C’est une reconnaissance même », s’enflamme le légendaire Camerounais Roger Milla.
« UNE VICTOIRE SPORTIVE ET DIPLOMATIQUE »
Après les Etats-Unis, le Canada, la Tunisie ou le Maroc, c’est la première fois que le Trophée des champions, un match entre le champion de France et le vainqueur de la Coupe de France, qui ouvre traditionnellement la saison de football, se déroulera en Afrique subsaharienne. En Ligue 1, 112 joueurs proviennent de cette région du continent, et c’est l’association Black Stars – qui regroupe d’anciens joueurs africains de haut niveau – qui a soufflé l’idée aux autorités gabonaises, lors de l’été 2012, de soumettre leur candidature pour organiser la rencontre. « Nous sommes allés voir le Gabon », raconte son président, Eric Favre. « Quand il est venu pour m’en parler, je me suis dit : ce n’est pas pour nous, j’y crois pas ! » sourit Léon Folquet, président du Comité olympique gabonais. « Je suis allé voir Ali Bongo, le président du pays, et il m’a demandé de monter le dossier. »
Fort de son Stade de l’Amitié inauguré pour la Coupe d’Afrique des nations en 2012, ou encore de l’organisation de matches amicaux entre l’équipe nationale – les Panthères – et le Brésil ou le Portugal, le Gabon a été choisi à la surprise générale. « Notre dossier était solide, pour Léon Folquet. Face à nous, il y avait notamment le Brésil et la Chine. » « Beaucoup à Libreville n’y croient toujours pas, assure le footballeur Daniel Cousin, ancien joueur de Lens, du Mans ou des Glasgow Rangers, et qui est retourné finir sa carrière dans son pays d’origine. « C’est vraiment un sentiment de fierté. » Pour le président de la Ligue gabonaise, Joël Anicet-Birinda, « c’est une victoire sportive et diplomatique ».
« C’est une leçon que donne le Gabon aux pays africains, souligne Roger Milla. Chez moi au Cameroun, tout est à l’envers, nous ne serions pas capables d’organiser un tel évènement. On ne peut pas compter sur une fédération où rien ne va. Il ne faut pas oublier que c’est le Gabon qui s’est porté candidat, ce n’est pas la France qui est allée chercher le Gabon. » Et ça change tout. Pour l’ancien joueur de l’Olympique de Marseille Joseph-Antoine Bell, le choix de Libreville montre que des pays africains peuvent accueillir ce type d’évènement. « Le Gabon, qui se dit nation émergente, a des arguments solide, explique l’ancien international camerounais. Ce genre de réussite marque l’imagination de la jeunesse et développe l’ambition. »
CASSER LES CLICHÉS
Au Gabon, le football professionnel est naissant. Les 14 équipes de l’élite reçoivent un million d’euros de l’Etat depuis le début de la saison. « Le terrain, le jeu, c’est parfois difficile, reconnaît Daniel Cousin. « Mais l’objectif est que notre championnat devienne un grand championnat africain et qu’il attire, pourquoi pas, des joueurs européens en fin de carrière. »
En tant qu’hôte du Trophée des champions, le Gabon s’est engagé à prendre en charge le transport des équipes – il doit affréter un avion par formation –, de la délégation de la LFP et de leur hébergement pendant 48 heures. Les recettes du stade leur seront rétrocédées. « On ne va pas gagner d’argent, confie Léon Folquet, mais ne c’est pas grave, nous allons tirer profit du match, de sa promotion. L’image du Gabon n’a pas de prix. J’espère qu’on aura un PSG-OM ! »
La LFP espère générer près d’un million d’euros lors de ce match à Libreville, et faire un pas vers ce continent qui représente 30 % des revenus de la vente des droits de diffusion de la L1 à l’international, soit 10 millions d’euros par an. « Il y a une approche business en Afrique, note Redha Chibani, responsable du développement à l’international à la LFP. Ça casse les clichés du continent qui n’a pas d’argent et qui ne sait rien organiser. Pour la Premier League anglaise, l’Afrique représente 50 % de leur revenu à l’international. » « Dommage que les médias français n’étaient pas là pour parler de tout cela, argue Léon Folquet, mais on exigera une autre conférence de presse. »
Mustapha Kessous