Le Pr. Albert Bourgi est convaincu que par rapport au début des années 90, l’Afrique connaît en ce moment un reflux démocratique. Il est d’ailleurs certain que certains régimes africains veulent réinstaurer l’autocratie ancienne et qu’il faut absolument les empêcher d’arriver à leurs fins. Albert Bourgi enseigne le Droit public à l’université de Reims en France. Il est expert en politique africaine, et a publié beaucoup d’articles sur l’Afrique. « La Sentinelle » l’a accroché en marge du colloque international co-organisé par le Parti socialiste sur le thème : « Processus démocratiques en Afrique : état des lieux, enjeux et perspectives ».
« La Sentinelle » : Vous suivez la politique africaine depuis plusieurs années. On continue de connaître des coups d’Etat et des tripatouillages constitutionnels. Peut-on parler de régression démocratique en Afrique par rapport aux années 90 ?
Albert Bourgi : Bien sûr qu’il y a un reflux de la démocratie. Un reflux réel, un recul. Il y a des pratiques politiques qui contreviennent complétement aux principes et règles inscrits dans les constitutions. C’est évident. Mais je pense aussi que ce reflux de la démocratie ne signifie pas du tout qu’on puisse assister prochainement à des remises en cause radicales. Je crois qu’il y a encore l’élan démocratique du début des années quatre-vingt-dix qui s’est un tout petit peu essoufflé mais, il n’a pas disparu. Et quelque part, l’espoir repose sans aucun doute sur ces sociétés civiles qui, parfois, occupent l’espace public, et en occupant cet espace public se trouvent aussi être en relation avec le monde entier. C’est important que vous de la presse, Internet, constituez, entre autres, des soupapes de sécurité qui empêchent les régimes de franchir le cap de certaines dérives. Personnellement, je suis convaincu que ces régimes veulent réinstaurer l’autocratie ancienne. Il faut absolument les empêcher d’arriver à leurs fins de réaliser leur objectif de concentration totale du pouvoir.
« La Sentinelle » : Vous semblez mettre en avant la Société civile dans ce combat. Est-ce à dire que les politiques sont disqualifiés ?
A.Bourgi : Moi, je reste convaincu qu’il n’y a pas de politiques sans partis politiques mais c’est vrai aussi qu’ils ont besoin de prolongement dans la Société civile. Ces prolongements existent mais il faut les approfondir et instaurer une plus grande synergie entre partis politiques et Société civile (mouvement associatifs, organisations de défense des droits de l’homme).
« La Sentinelle » : Quelle analyse faites-vous du cas du Sénégal où il est beaucoup question ces temps-ci de violence politique, d’absence de dialogue… ?
A. Bourgi : Au Sénégal, la violence a existé mais n’a jamais été un élément fondamental de la vie politique. Elle va et vient mais nous avons au Sénégal une vieille pratique politique d’exercice du pouvoir et mais aussi d’opposition. Ca n’a jamais conduit à ces grandes violences. Mais, il faut toujours faire attention.
La Sentinelle : Il y a de quoi être optimiste pour le cas du Sénégal alors ?
A. Bourgi : Oui ! Optimiste surtout par rapport à la capacité des Sénégalais à empêcher toute dérive autoritaire définitive.