Les travaux des Concertations nationales sur l’avenir de l’enseignement supérieur ont démarré samedi dernier dans une atmosphère marquée par des tirs groupés sur le comité de pilotage. En effet, après la cérémonie inaugurale présidée par le chef de l’Etat, les premiers intervenants qui ont suivi l’exposé du Pr Abdoulaye Diagne sur le financement de l’enseignement supérieur, ont tous fustigé la démarche et les simulations du comité. Ils voient à travers certaines propositions, la volonté de privatiser le public.
Partis pour faire de l’Enseignement supérieur (Es) le levier catalyseur de la croissance économique et du développement, les travaux des concertations nationales sur l’avenir de l’enseignement supérieur ont démarré avant-hier, samedi 6 avril sur fond de tirs groupes contre les simulations et la démarche du comité pour la réalisation de son pré-rapport.
En effet la séance plénière qui a suivi les discours d’ouverture, a été l’occasion « rêvée » pour certains intervenants, de traiter le comité de pilotage de tous les noms d’oiseaux. Ainsi, les représentants des parents d’élèves, comme les plénipotentiaires du Saes ainsi que certains institutionnels ont rejeté en bloc et unanimement, certaines propositions contenues dans le pré-rapport, notamment la proposition de porter les frais d’inscription de 5200 à 150 000 F Cfa à partir de 2014.
Face à ces propositions qui risquent de soulever beaucoup de réactions au sein de l’opinion, un des premiers intervenants a lancé « je ne féliciterais pas les membres du comité de pilotage parce que tout simplement ils veulent privatiser l’école publique. Et nous n’allons pas les laisser faire. Nous vous attendons au tournant. Vous voulez non seulement augmenter les frais d’inscription mais aussi supprimer les œuvres sociales (bourses, restaurations, chambres). Le fils du paysan est exclu. Nous sommes dans un pays pauvre ».
Un autre participant embouche la même trompette en soulignant « j’ai entendu Souleymane (Bachir Diagne, le président du comité de pilotage Ndlr) dire que les 150 000F Cfa représentent une petite augmentation. Il faudra multiplier par trente les frais d’inscription actuels pour obtenir la somme proposée. Je pense qu’ils se sont trompés en augmentant un zéro. Ils veulent dire 15 000.» Une remarque qui a soulevé des éclats de rires dans la salle remplie d’universitaires, de députés, d’élus locaux, d’anciens ministres et étudiants, entre autres.
Toujours fidèle à leurs positions par rapport au déroulement des concertations nationales sur l’avenir du système, l’élaboration des Tdr et le choix porté sur les membres qui composent le comité de pilotage n’agréent pas la vision du Saes.
Le Syndicat autonome des enseignants du supérieur (Saes) aurait voulu que le comité de pilotage s’inscrive plutôt dans une démarche participative. C’est pourquoi les camarades de Seydi Ababacar Ndiaye, Sg du Saes estime « qu’il s’est agi plus d’une consultation que d’une concertation voulue par le peuple ». A ce titre, s’interrogent-ils, « Comment maintenir un système d’ESR en aidant l’Etat à se désengager progressivement du financement de celui-ci autant dans la subvention pour le pédagogique que pour le social (étudiants) tout en endiguant le flot de bacheliers (littéraires) ».
La position du Saes sera confortée par l’intervention du professeur Malick Ndiaye. Le Conseiller spécial du président de la République qui, sans porter de gants, a fustigé l’attitude des membres du comité de pilotage.
« Il ne faut pas oublier la situation dans laquelle Macky Sall a été élu. C’est pour apporter une rupture. Donc, vous ne pouvez pas tenir des travaux sans pour autant impliquer le Saes», a-t-il dit, tout en ajoutant : « les enseignants doivent être au cœur du processus de rédaction du rapport final tendant à booster l’enseignement supérieur ».
Le représentant des étudiants dira quant à lui, « nous avons entendu que 70% du budget vont dans les œuvres sociales. J’en doute fort si l’on sait que les étudiants continuent de souffrir. Qu’on nous dise réellement si l’argent est utilisé à bon escient »
Dans son discours, le président du comité de pilotage de la Cnaes, Souleymane Bachir Diagne, a affirmé que les « conclusions des assises de l’enseignement supérieur ne seront certainement pas un catalogue de recettes à appliquer mécaniquement à un système qui serait lui-même pensé comme une machine ». Selon lui, « Le système d’Esr est en effet un système qui devrait être en mouvement, toujours en train de s’ajuster, d’innover en tenant compte des changements qu’il subit et de l’environnement dans lequel il s’inscrit ». Un peu avant, le professeur Aminata Sall Diallo a souligné que «l’enseignement supérieur et la recherche seront effectivement les leviers de l’émergence de notre cher pays ».
Procédant à l’ouverture officielle de la Cnaes, le président Macky Sall, tout en confortant la démarche du comité de pilotage de faire des Stem une priorité, a déclaré que « si nous voulons relever le pari de la société du savoir, il nous faut former davantage des diplômés dans les filières des sciences, des technologies et des mathématiques ».
Selon le chef de l’Etat, « l’enseignement supérieur et la recherche sont des priorités de notre vision d’un Sénégal émergent. C’est une exigence pour l’avenir, si nous voulons répondre efficacement aux défis (…) notamment aux problèmes de santé, d’énergie, de développement industriel, communication et d’environnement, il faut augmenter le nombre de diplômés dans tous les domaines de la connaissance ».
Pour cela, indique-t-il, « la violence doit être bannie des universités pour que l’espace universitaire puisse retrouver une atmosphère paisible, plus propice aux études. L’université est un temple du savoir et doit être un havre de paix ».
Les ateliers et les sessions plénières qui se poursuivront jusqu’à demain mardi, seront sanctionnés par un rapport final. Lequel rapport sera soumis au ministre en charge de l’enseignement supérieur et de la Recherche et fera l’objet d’un conseil présidentiel.