« Hollandaise : un voyage à travers un tissu emblématique » est une manifestation artistique qu’accueille le Centre pour l’art, le savoir et la société « Raw Material Company » en association avec Stedelijk Museum Bureau Amsterdam (SMBA). Une exposition « Wax » qui se veut une exploration de la relation que tisse l’art et le colonialisme.
Il serait naïf de croire qu’un coupon de « Wax hollandais» n’est que bout de tissu qui enveloppe la femme africaine de l’ouest. Il est plus que cela puisqu’il porte en lui une part de l’histoire coloniale. L’exposition « Hollandaise : un voyage à travers un tissu emblématique » aborde le wax sous un angle historique et révèle du coup les lectures possibles de ce tissu imprimé. Car il se trouve imbriqué des idées coloniales (le wax pour les africaines traditionnelles, la robe pour les évoluées) et l’appropriation identitaire qui fait que dans l’esprit de beaucoup de personnes le wax est la marque de l’africanité donc d’essence africaine. Tissu imprimé aux couleurs chaudes et aux motifs déroutants, le wax ne puise pas ses origines en Afrique. Son voyage fut long avant de poser pied sur le continent.
L’histoire renseigne que c’est à l’époque coloniale en plein milieu du 19 ième siècle que les Hollandais et les Britanniques se sont emparés du savoir faire des Indonésiens et principalement de l’ile de Java dans l’art du batik ( impression sur tissu) pour fabriquer industriellement ce que les femmes de l’Afrique de l’Ouest appelleront plus tard « Wax hollandais », « Hollandaise », « Dutch Wax » ou simplement « pagne ». L’entreprise textile hollandaise Vlisco , sise à Helmond est devenue le numéro mondial sur le marché de ces tissus. Elle était au 19 ième siècle une entreprise familiale sous le nom de Vlissingen &Co. « La société , raconte Wendelien von Oldenborgh dans l’ouvrage collectif qui accompagne l’exposition, s’était lancée aux cotés d’autres homologues européens dans la commercialisation d’un style de batik javanais industriel sur les marchés coloniaux de l’Extrême Orient. Mais le batik dénommé aujourd’hui wax était difficile à vendre dans les Antilles néerlandaises.
En route vers l’Orient les navires marchandes passaient par la côte occidentale de l’Afrique, et le tissu imprimé a suscité l’intérêt des marchands locaux ». Une autre version remet en cause la rencontre accidentelle du wax et de l’Afrique. Dans certains milieux du textile , il se dit que ce sont des Africains de l’ouest circonscrits dans l’armée hollandaise et qui une fois de retour de Java ont introduit les tissus imprimés dans la Gold Coast actuel Ghana et par extension au reste de l’Afrique de l’Ouest et Centrale. Des documents attestent la présence de ces Africains enrôlés de force au 19 ieme siècle dans l’armée hollandaise.
Le marché africain fut une niche intéressante pour La Hollande et l’Angleterre. Koyo Kouoh, directrice artistique de RAW et curateur de l’exposition dit : « Dés lors que l’on parle d’imprimés wax, il faut d’abord être conscient des multiples filières et routes que les pouvoirs coloniaux ont utilisées pour promouvoir leurs économies et établir leur prospérités occidentales. »
Et à l’opposé souligne Koyo, force est de saluer le pouvoir d’appropriation ou de réappropriation des populations africaines qui a « débouché sur un changement sans précédant des attributs de l’identité et de la représentation des Africains. »
Mais ne vous y trompez pas ! fait remarquer Françoise Vergés, spécialiste des politiques de la mémoire coloniale qui dans l’ouvrage collectif reprend les thèmes de l’exposition écrit que : « la migration, les processus et les pratiques d’appropriation et de créolisation sont perçus comme des traits majeurs de l’expérience contemporaine ; les expressions et pratiques culturelles circulent d’un continent à l’autre , transformées, adoptées et adaptées par des groupes et des individus qui leur donnent une nouvelle identité, une nouvelle présence au monde. »
Pourtant finit-elle par écrire que l’histoire du wax africain édifie sur le fait qu’avant le contact avec les coloniaux, il existait à l’intérieur du continent africain des processus de réappropriation car une tradition de tissage, de teinture et de broderie existait puisque, selon John Picton, « Pendant plus de mille ans, l’Afrique de l’ouest a été l’un des plus grands producteurs de coton, d’indigo, et de textile ». Le wax est devenu une identité culturelle d’une partie de l’Afrique. Le tissu célèbre des événements aussi bien familiaux, politique, qu’artistique. L’effigie des leaders politiques, les logos de festivals, les cérémonies religieuses autant de manifestations qui ont pour support le wax. Exposition qui modifie notre perception des choses.
L’exposition « Hollandaise : un voyage à travers un tissu emblématique » convoque plusieurs artistes qui se servent du textile comme support de création ; Abdoulaye Konaté du Mali qui utilise principalement le coton biologique pour raconter sa société ; le Ghanéen Godfried Donkor, qui vit et travaille à Londres qui propose une installation vidéo à deux écrans qui célèbre le wax réalisé en Afrique ; la vidéographe hollandaise Wendelien van Oldenborgh dissèque l’entreprise coloniale des Hollandais . l’expose est à voir au centre pour l’art , du savoir et société RAW