La 73e édition du « Daaka » de Médina Gounass se poursuit avec une grande ferveur. Au septième jour du démarrage, tout se passe dans des meilleures conditions, hormis un incendie survenu deux jours après le démarrage de la retraite spirituelle, il n’y a eu aucune perte en vie humaine.
Une semaine après son démarrage, le Daaka de Médina Gounass continue de battre son plein au site qui abrite cette retraite spirituelle, située à 10 km de la ville. La prière du vendredi d’hier dirigée par le khalife général, Thierno Amadou Tidiane Bâ, a battu le record d’affluence. Du fait qu’on ne prie pas sur le site du Daaka, beaucoup de pèlerins retournent à Médina Gounass pour la prière du vendredi. Certains faisaient leur ziarra au mausolée de l’initiateur fondateur du Daaka, Thierno Mamadou Saïdou Bâ, d’autres s’étaient concentrés sur les zikrs et autres dévotions. Aussitôt après la prière, les pèlerins sont retournés sur le site. À 17 heures déjà, une marée humaine a envahi l’esplanade pour les besoins de la troisième prière de la journée, mais aussi pour les zikrs comme la wasifa et l’Asru Juma.
Cette année comme les deux précédentes éditions, des innovations majeures sont en train de voir le jour. La retraite spirituelle se modernise davantage. On note de plus en plus de bâches même si les huttes en paille sont omniprésentes. Du côté de l’organisation, tout se déroule dans des meilleures conditions. L’eau coule à flot. Les consultations se passent dans de bonnes conditions. Il faut signaler qu’un incendie est survenu deux jours après le démarrage du Daaka, causant des dégâts matériels. Trois boutiques sont parties en fumée. Heureusement que les sapeurs-pompiers qui étaient aux aguets ont vite circonscrit le feu. Les forces de l’ordre, déployées en nombre important, veillent au grain et facilitent la circulation des pèlerins.
Le sens de cette retraite spirituelle de 10 jours
Le Daaka ou retraite spirituelle en pleine brousse, initiée par feu El Hadj Thierno Mamadou Saïdou Bâ de Madina Gounass, entre quasiment dans sa dernière ligne droite. Il a été initié en 1942. Au commencement, le Daaka était une retrouvaille entre le marabout et ses disciples après les travaux champêtres. Au cours de cette rencontre, il était question de raffermissement de la foi et de l’ancrage dans la tarîqa Tidiane, du soufisme en général. Au fil des ans, le Daaka s’institutionnalise et devient un moment de dévotion intense et d’adoration totale et exclusive à Allah. Il se singularise par l’abstinence de toute passion matérielle pendant les 10 jours que dure la retraite. Elle entre dans le cadre d’une tradition soufi.
De tout temps, des hommes inspirés par Dieu et imbus de tawhid se détachent du monde matérialiste pour méditer sur leurs rapports avec Dieu. L’objectif est d’être en «contact permanant» avec Allah comme le prophète Mohamad (Psl), dans la grotte Haru shira, le prophète Moïse sur le mont Sinaï, le fondateur de la tariqa Tidiane Cheikh Ahmed Tidiane à Qasrul Is’ada Abi, samakhoun en Algérie, Cheikh Omar Al Foutiyou à Hooré Fondé dans le Fouta ou Goudiour en Gambie, entre autres.
Les femmes interdites de Daaka
Le Daaka symbolise la mort avant l’heure et la renaissance de l’âme dans la piété et la droiture pour mieux préparer le jour de la rétribution, cette rencontre inévitable avec Allah. Le Daaka de Médina Gounass entre dans ce cadre éminemment spirituel, avec la particularité que son initiateur Thierno Mamadou Saïdou Bâ n’était pas seul dans cette hégire momentanée. Des fidèles viennent de partout pour assister à cette retraite spirituelle. La lecture du coran, les fortes dévotions, la communion avec Dieu par le biais du zikr, entre autres prières, rythment le Daaka pendant 10 jours. Le fait de louer et de magnifier le Seigneur et Lui témoigner notre gratitude, Lui, le Seul Maître digne d’adoration, sont les faits qui caractérisent cette retraite spirituelle.
La faim, la soif et les conditions précaires qui prévalent pendant cette retraite spirituelle ont une fonction d’introspection pour plus de solidarité envers les pauvres et une lutte hardie contre l’accumulation et l’obsession pour le matériel. Depuis 1942, cette «foire spirituelle» a gardé le même rituel. Contrairement aux deux éditions précédentes, les femmes ne sont pas admises au Daaka cette année. Le khalife de Médina Gounass, Thierno Amadou Tidiane Bâ, a voulu un véritable retour à l’orthodoxie du Daaka, comme le faisaient son père et ses talibés.
Une vie au service de l’Islam
La seule préoccupation d’El Hadj Mamadou Saïdou Bâ, fondateur du Daaka de Madina Gounass, était la propagation de la religion musulmane et l’expansion de la confrérie Tidjanya au Sénégal et au-delà. 33 ans après sa disparition, son œuvre reste vivace grâce à ses fils. Son khalife Thierno Amadou Tidiane Bâ et ses talibés continuent de perpétuer sa vie et son œuvre. El Hadj Mamadou Saïdou Bâ est né en 1900 dans le village de Thikité (arrondissement de Saldé, département de Podor, Sénégal). Orphelin de mère à 9 ans et de père à 14 ans, il allait avoir un destin lié très singulier. Il a séjourné dans beaucoup de foyers religieux au Fouta, notamment à Ganguel Soulé chez Cheikh Moussa Camara, à Ngijilone, à Thilogne, à Bokki Diawé et dans la sous-région. Il apprit et maîtrisa toutes les sciences connues des érudits du Fouta à l’époque. Il fut aimé et respecté par ses maîtres pour la vivacité de son esprit, sa grande science et sa sagesse. Il finit par obtenir le grade spirituel de grand Cheikh. Très jeune, il se fit remarquer par son intelligence, sa piété, ses vertus et sa modestie. Il mena une vie périlleuse et pleine d’embûches. Sa crainte d’Allah, sa modestie, son amour de la vérité et son aversion pour le faux lui valurent le respect de la majorité des gens, mais aussi la jalousie et l’inimitié de certains. Thierno Mamadou Saïdou est connu encore sous le nom Mouhamadou Siradji Bâ. Après le Fouta, il se rendit à Kolda où il rencontra Thierno Amadou Barro de Mbour qui lui indiqua son maître dans la confrérie Tidiane en la personne de Thierno Ali Thiam de Halwar, grand maître du Fouladou.
Successeur de Thierno Amadou Barro
Sa rencontre avec cet homme de Dieu constitua un tournant dans son parcours. En effet, Thierno Amadou Barro l’initia à de nombreuses sciences et le désigna comme son successeur et son khalife. Après plusieurs pérégrinations dans le Fouladou et en Gambie, il fonda en février 1936 Madina Gounass où il vécut pendant 44 ans. Il y réalisa beaucoup d’œuvres socioreligieuses. En 1941, Thierno Mamadou Saïdou effectua son premier pèlerinage à La Mecque. Un voyage qui dura deux longues années. En 1943, Thierno Ahmadou Barro de Mbour le convainquit de construire une grande mosquée en ces termes : «N’aies point de crainte ! Ce village ne sera pas abandonné ; il grandira. Il ne faut pas hésiter d’y construire une grande mosquée…», lui avait-il dit.
En 1945, El hadji Mamadou Saïdou parcourra la sous-région, notamment la Gambie et la Guinée Conakry, avant d’effectuer, en 1947, un voyage de trois mois au Fouta ainsi qu’à Madina Seydi El Hadj et à Fès au Maroc où il fit un pèlerinage. Le saint homme fut rappelé à Dieu le 26 juin 1980 à Dakar et a été enterré à Madina Gounass. Un de ses disciples, Ousmane Amadou Barry, témoigne : «Thierno Mamadou Saïdou Bâ qui nous a éduqués, était un homme imbu du sens de la solidarité, du bien et de la droiture». Selon lui, en plus des valeurs intrinsèques de droiture et du respect des préceptes de la religion musulmane, le marabout avait inculqué à ses disciples le culte du travail, mais aussi l’esprit d’initiatives et de création. Cette année encore, le monde musulman se souvient de lui, pour avoir fait du Daaka le lieu de convergence de la Ummah islamique.
Le chef de l’Etat attendu aujourd’hui
Le président de la République, Macky Sall, rend visite aujourd’hui, à 10 heures, aux fidèles du Daaka de Médina Gounass. Selon le khalife général qui a donné cette information aux fidèles, le président Sall devrait y effectuer les deux premières prières de l’après-midi. Pour cette raison, le khalife a invité les pèlerins à lui réserver un accueil chaleureux, mais surtout à l’accompagner pour le développement du pays. À l’en croire, le président Sall fait partie de la famille de Madina Gounass et assistait très régulièrement à la retraite spirituelle. Conformément au protocole, le chef de l’Etat ne souhaite pas perturber le bon déroulement de cette retraite spirituelle.