Dans le marigot politique sénégalais, il n’y a de place ni pour la dignité ni pour l’honneur, vertus cardinales dont la disparition progressive constitue l’une des menaces les plus évidentes pour le développement du pays.
Tout a commencé (pour moi en tout cas) lorsqu’en 2000 le père du Sopi, porté triomphalement par la ferveur populaire, se mit à remplacer ses compagnons de lutte par une horde de politiciens qui s’étaient pourtant jurés d’avoir sa tête par tous les moyens. Ce fut le début de la transhumance politique qu’un de mes contradicteurs passionnés désigne, plus méchamment, par l’expression «vagabondage politique».
C’est ainsi que le «tortueux» Djibo Ka remplaça le vaillant Pape Diouf au ministère de la pêche. Sada Ndiaye qui avait fait de l’excès de zèle lors d’une mémorable campagne électorale en tentant d’interdire à Wade l’accès des environs de son village natal dans le Foutah, devient un patron au PDS et nargue des «responsables pds» authentiques, laissés en rade, qui lui en voulaient d’avoir toujours méprisé leur leader charismatique. Aïda Mbodj qui jouait toujours à la va-t-en-guerre à chaque fois que sous le régime de Diouf on prononçait le nom d’Abdoulaye Wade, intronisa ce dernier «Fantomas», pour le diaboliser à outrance. Elle put devenir députée et ministre sous les ordres de l’ex «pestiféré».La liste des hommes et femmes politiques sénégalais qui avaient rejoint le père du Sopi, toute honte bue, est longue. Parmi elles, Mbaye Jacques Diop, le «pistoléro de Rufisque», Assane Diagne le «crack» (d’après ses dires), Adama Sall «le mystique», Mbaye Diouf de Thiès, le nonchalent professeur Balla Moussa Daffé, Innocence Ntap, le taciturne Alassane Daly Ndiaye…
L’arrivée de Macky Sall semble redonner du souffle aux transhumants professionnels mais repose aussi avec une incroyable acuité la problématique (pour parler comme les sociologue) de la mauvaise foi de la plupart des politiciens sénégalais.
Qui ne s’est pas renié aujourd’hui?
Tous ceux qui ont par le passé tenté de berner les fidèles de Wade en se faisant passer pour ses fils sont aujourd’hui ses plus farouches détracteurs: Cheikh Tidiane Gadio parmi eux aimait à répéter: «Wade c’est mon père!» mimant en cela l’inénarrable Idrissa Seck. Macky Sall, il est vrai, n’a jamais dit «Wade c’est mon père» mais s’est toujours manifesté avec un zèle presque fanatique à chaque fois qu’il a fallu défendre son prédécesseur. Lui même se retrouve aujourd’hui avec une équipe de migrants politiques historiques (Amath Dansoko, Abdoulaye Bathily, Abdou Latif Coulibaly, Mahmout Saleh…) et de troubadours qui ont chanté les hauts faits de Wade pendant ses tournées mondiales (Youssou Ndour «Gorgui Démal…» à New York).Chacun d’entre eux a dit du bien de Wade sous Diouf et lui a tressé des lauriers au soir de son triomphe historique, avant de le vouer aux gémonies en se la coulant douce sous les ailes protectrices du Président Sall. Ils ont pourtant traité ce dernier de tous les noms d’oiseaux lorsque, candidat réaliste, il s’est échappé des turbulences des places de l’obélisque et de l’Indépendance pour décrocher les voix décisives des Sénégalais de l’intérieur.
Finalement, les politiciens sénégalais partagent un bien «mignon péché»: l’inconstance! «Gueumou niou dara!». Et ça, comme dit mon épouse, allergique à la politique , «c’est pas bien!».
Doudou Faye Massar
Poitiers, France
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le seul homme politique normal est Ousmane Tanor Dieng. il ne correspond pas à la description que vous avez faite ?
alors question: pourquoi mettre tout le monde dans le même sac ? réponse: soit par mauvaise foi, soit par désir de niveller par le bas en banalisant les actes des médiocres et en refusant de saluer le mérite des valeureux.