Omniprésente en Conseil des ministres depuis plusieurs semaines, la Directrice générale de l’Apix s’immisce de plus en plus dans les questions d’éducation, de santé, d’environnement, de transport, en dehors de son périmètre institutionnel, sous les yeux de Me Wade.
Omniprésente en Conseil des ministres depuis plusieurs semaines, la Directrice générale de l’Apix s’immisce de plus en plus dans les questions d’éducation, de santé, d’environnement, de transport, en dehors de son périmètre institutionnel, sous les yeux de Me Wade. Comme saturée de béton et de fer, elle déploierait bien ses compétences ailleurs au moment où, la parité devenue légale au Sénégal, le président de la République ne sait plus trop quoi faire d’un fils cramé par les élections locales de mars 2009.
Par Momar DIENG
Tant qu’elle s’échinait à rester sur le «territoire» lucratif et, sans doute, éreintant de «son» Apix, la Directrice générale de l’Agence pour la promotion des investissements et des grands travaux ne courrait nul risque de devoir faire face à une quelconque suspicion. Ambitieuse dans le pré-carré de ses responsabilités que certains jugent démesurées – mais d’autres moins talentueux et plus prétentieux en ont plus pour des raisons liées à des considérations strictement et radicalement biologiques – Aminata Niane a déjà de quoi s’occuper. Sur les vraies performances de l’Apix, sur la réalité des investissements étrangers, sur la transparence des projets et programmes existants, il y a matière à ferrailler sans arrêt avec des détracteurs pas forcément malintentionnés encore moins misogynes, mais juste soucieux de bonne gouvernance.
Or, depuis plusieurs semaines, le constat est flagrant : Aminata Niane s’adonne à une dynamique de «diversification» d’activités tous azimuts, comme si le management au quotidien de son «bébé» de dix ans lui était devenu insupportable. Tout à coup. Prise à partie dans le débat relatif à l’avenir du Contrat à durée déterminée -une implication stratégiquement compréhensible pour elle- la patronne de l’Apix prend petit à petit goût à déborder de sa sphère magistrale, notamment en Conseil des ministres. Ce jeudi, comme six autres ministres du gouvernement, elle a pris la parole pour «préconiser la modernisation du système de paiement» des bourses estudiantines «par le renforcement de la bancarisation (…) et une présence plus accrue des banques dans l’espace universitaire». Quel lien serait-il possible d’établir entre la gestion des bourses et ses propres responsabilités de Directrice générale de l’Apix ? Produit du secteur privé national, donc probablement émue par le calvaire des étudiants d’une université malade, elle souhaite «le développement, chez les agents administratifs, d’un esprit orienté client et qualité de service, afin de replacer la satisfaction des besoins de l’étudiant au cœur des préoccupations». Quel lien encore existerait-il entre le besoin d’intégrer l’approche qualité dans la gestion des étudiants, et la promotion des investissements au Sénégal ?
Présente au dernier Festival de Ziguinchor, Aminata Niane y a «procédé à une campagne d’information sur la création d’entreprises grâce à des journées portes-ouvertes», selon des propos qu’elle a tenus au Conseil des ministres du 29 avril dernier. Sur ce terrain-là, on est beaucoup moins dérouté car elle est dans son domaine de prédilection, dans son environnement naturel. Mais où nous ramène-t-elle quand elle prend la parole au Conseil des ministres du 8 avril ? «Le ministre Directeur général de l’Apix a déploré les tendances lourdes de maladies graves au Sénégal : cancer, hypertension artérielle, diabète et a préconisé d’orienter la politique de santé vers la prévention.» Modou Diagne Fada est-il à ce point nul de n’y avoir pas pensé ? Ensuite, «elle a (…) fait état du phénomène de ruralisation de Dakar et a préconisé la réorganisation et le renforcement du transport public urbain et la mise en œuvre d’actions de sensibilisation sur les comportements des citoyens relatifs à la gestion des ordures, l’occupation irrégulière de la voie publique, l’interdiction de voitures hippomobiles dans les grandes artères de Dakar».
«QUI EST CETTE DONNEUSE DE LEçONS ?
Tout cela serait normal car il ne faut pas l’oublier, Aminata Niane est également depuis octobre 2007 ministre-conseiller auprès du président de la République, en plus de ses charges à l’Apix. Sinon, à quoi servirait justement la fonction de conseiller tant décriée sous un Président boulimique qui «décide seul» et «se trompe seul» ? Passons sur l’usage systématique du vocable «préconiser», terme fétiche dont raffolent les spécialistes de marketing politique. Observons plutôt le glissement fonctionnel qui accompagne l’intrusion de la Directrice générale de l’Apix dans des domaines qui ne relèvent pas strictement de ses attributions : Santé, Environnement, Transport -terrestre, la précision est de taille-, Education, etc. Madame Niane se prépare-t-elle au saut dans le carriérisme politique sénégalais ?
Si tel était le cas, on replongerait alors -en réalité, on en est jamais sorti- dans les multiples schémas qui tracassent le monarque républicain qu’est devenu Wade. Il est incontestable, en effet, que l’avenir de son pouvoir est aujourd’hui la seule et unique question vitale qui vaille pour le chef de l’Etat. Sa raison de vivre, pour faire simple. Le reste, c’est de l’accessoire pur et dur. Clairement, le président de la République fera donc le forcing jusqu’à l’impossible pour faire de son fils un successeur institutionnel. Mais à côté, Aminata Niane reste une pièce de rechange politique – sans aucune connotation péjorative – car l’image cramée d’un Karim Wade devenu on ne sait trop comment – enfin, on sait un peu comment, quand même ! – un président-bis est plus invendable que jamais, politiquement et moralement. Les «succès» que le chef de l’Etat – son papa – lui reconnaît et qui en font «le plus intelligent» (sic) des Sénégalais peuvent être mis en parallèle avec ceux que l’on reconnaîtrait également à la Directrice générale de l’Apix. Si le fils Wade était un génie au regard des réalisations qui lui sont imputées, au nom de quelle alchimie la patronne de l’Apix n’en serait-elle pas une eu égard à la «transfiguration» (de Dakar) dans ses versions autoroute, autoroute à péage, route de l’aéroport, aéroport Blaise Diagne, cité des affaires, chemins de fer à écartement standard, port minéralier de Bargny, port du futur… ?
A cette femme venue du monde des affaires, on ne connaît pas d’ambitions politiques avouées jusqu’ici. Cependant, cette sorte de critique complémentaire qu’elle exerce depuis quelques semaines sur l’action de certains de ses collègues en plein Conseil des ministres ne peut pas relever du hasard, d’où l’agacement que les principaux concernés seraient bien en droit de ressentir dans le genre : «Mais qui elle est, cette donneuse de leçons qui a d’autres chats à fouetter» ? Sous le régime présidentiel français actuel, une telle intrusion aurait soulevé des vagues obligeant Sarkozy et Fillon à des séances de conciliation. Si tant est que Aminata Niane a l’onction du président de la République, on y pourrait voir deux scénarios : soit la manifestation d’une insatisfaction présidentielle à l’endroit des ministres mis en cause, soit un exercice d’acclimatation auquel est soumise une future personnalité politique. Sinon, il faut simplement considérer que cette mise en train de la patronne de l’Apix ne serait que l’application de la liberté de ton et de parole qui, dit-on, caractérise les rencontres avec le libéral Wade. Et si cette dame était la première à profiter du vote de la loi sur la parité à l’Assemblée nationale hier ?
Elle veut devenir la chancelière de l’echiquier de la république.
Elle ferait mieux de terminer les travaux routiers pour qu’on puisse enfin circuler tranquillement sans embouteillage au lieu d’aller papoter et donner son grain de sel à la présidence comme si elle était à une borne fontaine.