L’ex procureur combatif, Ousmane Diagne vide son sac

Les dispositions actuelles qui régissent le fonctionnement du parquet ne permettent pas aux magistrats d’exercer librement leurs fonctions. L’ancien procureur de la République est formel. C’est pourquoi Ousmane Diagne, qui s’exprimait hier jeudi 2 mai en marge d’une cérémonie d’adieu en son honneur, après avoir passé le témoin à son successeur Serigne Bassirou Guèye, a plaidé, pour une réforme du parquet.

Le désormais ex-procureur de la République près le Tribunal régional hors classe de Dakar, Ousmane Diagne a plaidé hier, jeudi 2 mai, pour une réforme du parquet. D’après lui, les dispositions actuelles qui régissent le fonctionnement de cette structure ne garantissent pas aux magistrats le libre exercice de leurs fonctions. Il s’exprimait en marge d’une cérémonie d’adieu à son honneur organisée au Palais de justice Lat Dior.

Le désormais délégué à la Cour Suprême a prôné pour la réorganisation des dispositions du parquet dont les textes et la philosophie, selon lui, «datent de plus de cinquante ans». «Il est temps que nos statuts soient repensés et améliorés pour que les conditions d’exercice de notre profession soient garanties de façon claire et précise sans toutefois conférer une fonction d’électrons libres».

Poursuivant son réquisitoire, Ousmane Diagne a indiqué qu’«il est temps que les procureurs et les substituts cessent d’être exposés à des risques de représailles à chaque fois qu’ils décident une petite parcelle de leurs attributions, en conformité avec leur serment de se comporter en digne et loyal magistrat», a-t-il martelé. Pour lui, «le magistrat du parquet doit cesser d’être un fonctionnaire, un magistrat entièrement à part pour devenir un magistrat débout dont les statuts consacrent l’indépendance et la liberté d’action et de conscience en parfaite conformité avec la loi».

«J’ai toujours été un procureur de la République, pas un procureur du gouvernement»

Ousmane Diagne est également revenu, en marge de cette cérémonie d’au-revoir avec ses anciens collaborateurs, sur les six années passées à la tête de ce prestigieux poste. Et l’ex-procureur de la République d’informer: «j’ai travaillé avec plusieurs gardes des sceaux, à l’exception notable du professeur Sourang, à qui je rends hommage, j’ai toujours eu de grandes difficultés en certains moments». Ces difficultés étaient liées en grande partie, selon lui, au fait qu’il n’a jamais étais autre chose qu’un procureur de la République, pas un procureur du gouvernement. «J’ai effectivement la réputation de dire ce que je pense et là où je pense. Je n’ai jamais été autre chose qu’un procureur de la République, pas un procureur du gouvernement », a-t-il laissé entendre.

Avant de préciser ne rien regretter de cette réputation d’homme droit et véridique qu’on disait de lui. «A chaque fois qu’il m’a été possible de dire non. J’ai dit non de la façon la plus ferme, la plus irrévocable. Et Dieu m’est témoin que je n’ai aucun regret.

L’indépendance ça s’assume, ça se paie. Je dois reconnaitre que je n’ai absolument aucun regret. Si c’était à refaire, ce que j’ai fait pour mériter de partir, je l’aurais refait mille fois. J’ai toujours dit à mes élèves au Centre de Formation Judiciaire que ce n’est pas parce que nous sommes du parquet que nous ne devons pas être indépendants», a-t-il soutenu.

S’adressant à ses collègues magistrats, il a déclaré : «Nous sommes d’abord et avant tout des magistrats. Nous devenons magistrat du parquet ou du siège en fonction tout simplement du fait du Prince, en fonction des affectations. Il n’y a pas de mérites particuliers d’être au parquet ou au siège parce qu’on est indépendant ou pas». Et Ousmane Diagne de poursuivre: «on est magistrat tout cours, justement on a vocation à exercer toutes les fonctions que nous devons exercer dans le cadre de la mission qui nous a été confiée par la nation dans la mesure où la justice est rendue au nom du peuple sénégalais et pas au nom de qui que ce soit».

A la suite de cela, Ousmane Diagne a également fait un clin d’œil à son remplaçant, Serigne Bassirou Guèye, le désormais procureur de la République près le Tribunal régional hors classe de Dakar, à qui, il a souhaité un plein succès dans ses nouvelles fonctions. «Je crois que le témoignage qui a été fait en votre faveur n’est pas du tout surfait. Vous avez effectivement toutes les qualités pour diriger ce prestigieux parquet. Vous aurez la chance d’avoir des collaborateurs dévoués à la tâche et sur qui vous pouvez compter. (… ). Je vous souhaite pleine succès».

Serigne Bassirou Guèye officiellement installé

Auparavant, Ousmane Diagne a passé officiellement ses charges de procureurs de la République près le Tribunal régional hors classe de Dakar à son remplaçant Serigne Bassirou Guèye. La cérémonie s’est déroulée dans les locaux du ministère de la Justice dans la plus grande solennité, mais également la plus grande discrétion, loin des regards indiscrets de journalistes qui avaient investies dès les premières heures de l’après-midi la salle de réception du palais de justice, où un pot est offert en l’honneur de l’ancien homme fort du parquet.

C’est seulement à la suite de ce passage de témoin que les deux magistrats ont rappliqué vers le Palais de justice où amis, collègues et parents et autres proches les attendaient. En marge de ces adieux, Ousmane Diagne de même que ces anciens substituts, en l’occurrence Augustin Yakhar Faye et Aliou Sarr, en plus des témoignages marquants ont tous reçu des cadeaux.