Doudou SARR aime raconter son histoire à quiconque veut l’écouter en ne manquant jamais de rendre grâce à Dieu et aux technologies intelligentes. Il a été mendiant dans sa vie, un mendiant vraiment particulier. Toujours impeccablement vêtu d’un boubou bleu, d’un bonnet rouge et de mocassins de la même couleur, il était, tous les jours, fidèle au même poste depuis bientôt dix ans. Grand de taille, athlétique et bien portant à vue d’œil, il se positionnait tous les jours à six heures du matin au feu rouge situé entre les avenues 10 et 12, non loin de l’aéroport international de Dakar.
Doudou est aveugle de naissance. Il connaît très bien son histoire qui lui a été contée par sa propre mère avant que celle-ci ne quittât ce monde à l’âge de trente-deux ans. Mère-célibataire, victime d’anémie à cause de la faim qui la tenaillait tous les soirs, elle est partie voir le docteur trop tard : les séquelles étaient irréversibles, son bébé naîtra aveugle. Brave, elle a essayé tant bien que mal de lui donner une éducation mais rien ne semblait vraiment marcher, ni l’école coranique, ni l’école française n’ont réussi au petit Doudou qui n’a jamais connu son père.
A la mort de maman, Doudou fut accueilli un temps par des voisins du quartier où sa mère avait loué une chambre ; l’émotion passée, les bienfaiteurs firent savoir gentiment à Doudou qu’il ferait mieux d’aller trouver refuge à la Maison des aveugles. Cette dernière fut incapable de l’accueillir pour insuffisance de capacité d’accueil ; Doudou se retrouva ainsi dans la rue à mendier.
Quel automobiliste empruntant ce trajet ne le connaissait pas ? Tous sans exception connaissaient « l’aveugle branché ». En effet, Doudou avait deux particularités vraiment remarquables.
1 – Il lui suffisait de toucher la portière de n’importe quel véhicule pour en savoir exactement la marque et le modèle ! Il interpellait toujours les automobilistes marquant l’arrêt au feu rouge par : « Oh un tel, conducteur de tel véhicule, tel modèle, prière de me donner ma portion de ce jour. » Impressionnés par cet aveugle qui les connait personnellement et « voit » leurs chères voitures, la sympathie et la générosité sont immédiatement invitées par cette marque de reconnaissance.
2 – Doudou appelait personnellement au téléphone ses bienfaiteurs lorsqu’il manquait de les « voir » un jour de semaine. Il avait un SPhone, le téléphone intelligent que SenPhone, une entreprise sénégalaise a mis sur le marché international pour les aveugles, qu’il manipulait avec une dextérité hors du commun.
Le SPhone est tactile et vocal à la fois. Les touches sont conçues spécialement pour des non- voyants qui ont la possibilité de composer des numéros de façon simplifiée. Pour les SMS, l’interface offre deux possibilités : l’utilisateur peut écrire et lire avec la méthode Braille ou tout simplement dicter son message qui est automatiquement traduit en texte. Les messages reçus sont aussi lisibles en Braille ou juste écoutés.
C’est ce Sphone qui a changé la vie de Doudou. Complexe Adam’s coiffuretement subjugué par l’appareil qu’il finit par connaître comme son propre bébé, Doudou ne cessait d’appeler le service-client de Senphone pour les inonder de questions et de suggestions. C’est ainsi qu’il fut appelé un jour par le PDG de l’entreprise qui tenait à le rencontrer coûte que coûte. Complètement sous le charme de Doudou, le PDG lui proposa séance tenante un contrat à durée indéterminée immédiatement accepté par Doudou. Il occupe aujourd’hui le poste de « Responsable du Service clients non voyants » ce qui en fait un cadre de l’entreprise dont il détient même des actions. Il a pris des cours particuliers de français, anglais et Braille et donne entière satisfaction à sa hiérarchie et ses collègues.
Doudou est marié, père d’une fille qui porte le nom de sa mère. En dehors de son travail qu’il affectionne, il est très actif dans l’introduction des technologies de l’information et de la communication (TIC) chez les aveugles. Il a mis en place un projet extrêmement novateur financé par tous les grands groupes de téléphonie mondiale et l’Organisation des Nations-Unies contre la discrimination à l’encontre des handicapés (ONUHANDICAP). Enorme succès planétaire qui lui a valu d’être primé un peu partout dans le monde.
A ceux qui veulent l’appeler le « Stevie Wonder ou Ray Charles des TIC », il répond invariablement : « les technologies de l’information et de la communication sont la seule vraie star. Elles sont là pour nous faire voir que tout est possible pour qui a de la volonté et veut faire éclore ses potentialités.»
Mamadou Sy Tounkara
Chronique lue sur lmt.sn
pourvu que cela aide à entrevoir les infinies possibilités que nous offrent les TIC. texte bien pensé très généreux et plein d’espoir. félicitations