En classe de 4ème, au Collège d’Enseignement moyen de Kandia (département de Vélingara), une petite fille qui a tenté de se suicider hier mercredi, en ingurgitant du pesticide, a été évacuée à l’hôpital régional de Tambacounda, nous apprend une dépêche de l’Agence de presse sénégalaise (Aps). Elle est en état de grossesse et souffre de brûlures atroces.
Dans un reportage sur le village de Badion, département de Yoro Foula, le quotidien « Le Soleil » d’hier revient sur le Collège d’enseignement moyen (Cem) de ce coin perdu de la région de Kolda et dresse un émouvant portrait de Hawa Sy. Sacrée meilleure élève de l’école avec 14, 11 de moyenne générale, elle rêve de « devenir quelqu’un », même si elle a conscience de n’avoir aucune prise sur son devenir. En classe de 4ème, occupée aux tâches ménagères, préparant le repas familial, éreintée, elle s’astreint malgré tout à apprendre ses leçons sous les lueurs d’une lampe torche. Avec ses cinq salles de classe faites en bambou et son toit constitué de paille et de tiges de mil, le Cem de Badion est ce qu’on appelle pudiquement un « abri provisoire », tout en sachant qu’il est parti pour durer.
Les forces de la nature ne l’entendront toutefois pas ainsi. Erigée en 2009, elle sera réduite en cendres, quatre ans plus tard, en février 2013. Dans un même élan de solidarité, autorités académiques et populations se sont évertuées à refaire les abris provisoires avant que l’Etat ne leur vienne en aide.
Dans l’édition de Sud Quotidien d’hier, il est fait cas du décès d’Arfang Dansokho, la soixantaine. Il a été tué par la foudre mardi dernier, à Doloto, village situé à 100 km de la commune de Kédougou. Une perte en vie humaine qui vient s’ajouter à celle d’une fillette, dont le corps calciné pour les mêmes causes, gisait il ya quelques jours, à l’intérieur de son domicile de fortune en proie à un début d’incendie. Et la saison des pluies vient à peine de démarrer!
Alors que la Cour de répression de l’enrichissement illicite est aux trousses de nantis présumés s’être enrichis indûment à coup de milliards francs CFA en puisant dans les deniers publics, voyageant dans des jets privés, collectionnant des maisons aux mille et un salons, ces chroniques de la vie quotidienne rendent compte du fait qu’une frange importante de la population sénégalaise vit dans une précarité absolue. Mais voilà que les autorités qui sont aux manettes ou qui aspirent à y être, donnent l’impression que rien de tout cela ne les émeut. Sinon, comment comprendre certains débats stériles qui agitent le landerneau politique ?
A les suivre, on a comme l’impression que 53 ans après, rien ne semble bouger sous « le Soleil des indépendances ». Tout est centré autour d’une quête obsédante : S’accaparer du pouvoir. Le comble étant que ce dernier n’est pas perçu comme un instrument permettant de transformer le réel pour le bonheur et l’épanouissement de tout un chacun, mais comme un moyen d’enrichissement personnel, familial et clanique, au détriment du développement national et social.
C’est dire que la rupture annoncée tarde à se matérialiser, même si elle porte un nom qui se décline en une obsession d’une générosité autrement plus créatrice : Que puis-je faire pour mon pays ? Que puis-je faire pour ces petites filles soumises aux grossesses précoces et au mariage forcé ?
Pour ces hommes et ces femmes qui n’ont pas pu aller à l’école, qui ne mangent pas à leur faim, qui ne peuvent pas se soigner, qui n’ont accès ni à l’eau courante ni à l’électricité?
Des réponses étaient attendues de l’ancien candidat devenu chef de l’Etat et qui se targuait justement d’avoir sillonné le pays de part en part, d’avoir « dormi dans ses hameaux les plus reculés ,observé des conditions de vie révoltantes dont on ne revient jamais indemnes parce qu’elles vous secouent et vous font jurer dans la solitude de votre conscience de ne jamais oublier toutes ces images captées sur le terrain, tout en vous engageant à les transformer ».
En lieu et place, des ministres et des conseillers pléthoriques dotés d’avantages faramineux dont beaucoup sont plus connus pour leurs bavardages politiciens que pour leurs actions concrètes au service des populations. Des directeurs de société menacés d’être virés s’ils ne gagnaient pas dans leurs circonscriptions et non pour déficit de performance. Des députés à qui on donne des voitures gratuitement. De l’argent distribué à des notables qui en viennent aux mains lors du partage du butin.
Une somme de décisions et d’actions sous la férule de la seule jouissance du pouvoir faisant apparaitre ainsi, comme le faisait remarquer Achille Mbembe, une capacité à « décapiter les élites et à les soumettre à travers un système de dépendance et de corruption ».
Au moment où il est précisément question de relever les défis en faisant de sorte que demain, plus personne ne meurt emportée par la foudre, et que plus jamais des rêves de fillettes ne soient piétinés par les mariages et les grossesses précoces.