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Absence de dispositif pour les visas d’entrée au Sénégal : L’Etat signe ses lacunes

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La volonté d’appliquer la loi portant réciprocité des visas d’entrée n’a pas été accompagnée par des mesures, et risquait de mener à la catastrophe. Le Sénégal s’est donné du temps pour être plus efficace et faire respecter sa souveraineté.
La volonté des autorités publi­ques d’imposer le visa d’entrée à une certaine catégorie de visiteurs a mis encore plus à nu les lacunes et les carences de l’administration de l’Etat. En particulier, la cacophonie qui a entouré les sorties des autorités ces derniers jours a permis de mettre en exergue le déficit d’infrastructures dont souffrent nos structures aéroportuaires, en particulier l’aéroport Léopold Sédar Senghor (Lss) de Dakar, en plus de leur niveau d’impréparation.

Senghor pas prêt
Le ministre du Tourisme et des Loisirs, Youssou Ndour, a annoncé, la semaine dernière, que l’entrée en vigueur de la mesure de réciprocité des visas était suspendue pour cette saison touristique, pour les touristes venant pour le compte de tours operators. Pour ceux des acteurs touristiques qui, depuis l’annonce de la prochaine application de cette mesure, sont montés au créneau pour le dénoncer, c’est un répit.
Dans la réalité, le soulagement n’est pas que de leur côté, car même pour l’Etat, cette suspension règle bien de problèmes, en ce sens qu’aucun des services chargés de sa mise en application n’est véritablement prêt à ce jour. D’ici la prochaine saison touristique, espère-t-on, tout sera fin prêt, et tel que prévu, les structures chargées d’accueillir et de délivrer des visas aux visiteurs pourront fonctionner à plein régime. Croisons les doigts !
Parce que l’annonce du ministre Youssou Ndour est illégale, en ce sens qu’elle viole le principe du caractère général et impersonnel de la loi. La réciprocité des visas concerne, en effet, tous les pays qui imposent le visa aux Sénégalais.
Dire que l’on ne va pas l’appliquer, par exemple, à des citoyens français venant pour le compte d’un tour operator et en faire subir les rigueurs à un autre de ses compatriotes venant pour ses affaires personnelles ou pour les besoins d’une conférence internationale, viole la justice et l’équité. Cet artifice ne tient donc pas la route. La mesure ne sera donc appliquée pour personne.
En effet, en ce qui concerne la délivrance aux aéroports du Cap Skirring et de Dakar, rien n’est encore prêt, et ceux qui reviennent de voyage s’en rendent compte tous les jours. Rien que pour les formalités ordinaires de police, quand deux gros porteurs venant d’Europe se présentent au même moment sur le tarmac, leurs passagers ne sont pas certains de quitter ces bâtiments en moins d’une demi-heure. S’il faut en plus pour certains, avoir à faire la queue au guichet du visa, combien de temps y passeraient-ils alors ? Ces questions que se posent certains acteurs du secteur touristique sont à la base de leurs inquiétudes.

Un révélateur des faiblesses
Ernest Dikoum, le directeur régional de la compagnie aérienne de Dubaï Emirates, estime que cette mesure pourrait s’appliquer, si l’on se donne les moyens, en s’inspirant de ce qui se fait dans d’autres pays comme Dubaï ou la Turquie. Il pense qu’une bonne gestion des entrées, avec des guichets en nombre suffisant, et ne s’occupant que de cela, pourrait faciliter les choses. Pour lui, il faudrait donc se focaliser sur la logistique plutôt que sur le tarif et les recettes que l’on pourrait engranger.
Autrement, même si tout le monde dans le secteur du tourisme n’est pas d’accord avec le chiffre de 150 millions de francs Cfa de manque à gagner, avancé par les acteurs du secteur touristique, en cas d’application de la réciprocité du visa, tous s’accordent à dire que cette mesure va, à l’heure actuelle, mettre encore plus en évidence le manque de compétitivité du secteur touristique.
En effet, dans son domaine de prédilection, le tourisme balnéaire, le Sénégal est déjà dépassé par tous ses concurrents. En termes de prix et de distance, les pays du Maghreb sont beaucoup plus attractifs. Des hôteliers se plaisent à dire que même la Tunisie, dont les Français s’étaient détournés un moment, du fait du Printemps révolutionnaire, est en train de revenir en force dans les of­fres. Le Maroc, lui, n’est même plus en compétition avec nous. Ce pays vise les 10 millions de touristes en 2015, au moment où nous avons remisé nos ambitions d’atteindre le million d’entrées par an.

Dépassé par le Cap-Vert et la Gambie
Et cette fameuse ambition, les Iles du Cap-Vert, tout en imposant le visa à beaucoup de pays européens et aux Américains, ont pu la dépasser. Sans faire de bruit, Praia et les îles voisines accueillent en saison touristique entre un million et 1,5 million de touristes. Là-bas, une certaine catégorie de visiteurs débourse 20€ (soit 13 000 francs CFA à l’entrée à la frontière), et obtient son autorisation d’entrée. Et les gens se bousculent à l’aéroport de Sal. La Gambie, de son côté, a décidé à chaque saison touristique, de supprimer les visas pour ses visiteurs. Ce qui fait que bon an mal an, le pays de Jammeh fait environ un demi-million d’entrées.
Ces considérations permettent à certains opérateurs de déclarer que si le but de l’Etat, en instaurant cette mesure, est juste de se faire de l’argent, il risque de ne pas en récolter beaucoup, si tous les préalables ne sont pas réglés pour ne pas faire fuir les touristes. Et dans ce domaine, il y a encore beaucoup à faire !
lequotidien.sn

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