L’ex dictateur tchadien, faut il le rappeler, n’est pas première arrestation par la justice Sénégalaise. Déjà le 25 janvier 2000, sept ressortissants tchadiens résidant au Tchad et une association de victimes ont saisi le doyen des juges d’instruction du Tribunal régional hors classe de Dakar d’une plainte, avec constitution de partie civile, contre Hissène Habré, au sujet de crimes qui auraient été commis au cours de sa présidence.
Le 3 février 2000, le doyen des juges d’instruction, après avoir procédé à un interrogatoire de première comparution aux fins de constater l’identité de Habré et lui faire connaître les faits qui lui étaient reprochés, a inculpé celui-ci pour avoir «aidé ou assisté X… dans la commission de crimes contre l’humanité, d’actes de torture et de barbarie» et l’a assigné à résidence.
Le 18 février 2000, M. Habré a introduit une requête auprès de la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Dakar aux fins de l’annulation de la procédure ainsi engagée contre lui, arguant de l’incompétence des juridictions sénégalaises, du défaut de base légale des poursuites et de la prescription des faits, ainsi que de la violation de la Constitution, du Code pénal sénégalais et de la Convention contre la torture.
Par son arrêt du 4 juillet 2000, cette chambre de la Cour d’appel a annulé, pour incompétence, les poursuites contre M. Habré. La Cour de cassation sénégalaise, par arrêt du 20 mars 2001, a confirmé cette décision, rejetant le pourvoi formé par les parties civiles contre l’arrêt du 4 juillet 2000.
Depuis, on assiste à des rebondissements dans ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire Habré, du nom de cet ancien président tchadien bénéficiant d’un asile au Sénégal depuis sa chute du pouvoir en 1990.
C’est ainsi qu’à la suite des réformes législatives et constitutionnelles entrepris par le Sénégal, quatorze victimes, dont une de nationalité sénégalaise et treize de nationalité tchadienne, ont déposé un nouvelle plainte, en septembre 2008, auprès du procureur général près la Cour d’appel de Dakar, accusant Hissène Habré d’actes de torture et de crimes contre l’humanité commis sous son magistère.
Mais c’est sans compter avec la détermination de la défense qui a porté l’affaire auprès des juridictions régionales. Par arrêt du 15 décembre 2009, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples s’est déclarée incompétente pour connaître d’une requête déposée le 11 août 2008 contre la République du Sénégal aux fins du retrait de la procédure alors diligentée par cet Etat en vue d’inculper, juger et condamner M. Habré.
Cependant, par arrêt du 18 novembre 2010, la Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (la «Cour de justice de la CEDEAO») avait décidé que le Sénégal devait se conformer au respect des décisions rendues par ses juridictions nationales, notamment au «respect de l’autorité de la chose jugée». Mieux, elle lui a ordonné, en conséquence, le respect du principe absolu de non-rétroactivité.