300 grossesses recensées parmi les filles élèves à Sédhiou. N’accusez pas trop vite les enseignants. Les pères sont souvent des garçons du même âge.
A Sédhiou, les jeunes filles qui vont à l’école n’acquièrent pas seulement du savoir. Elles peuvent aussi attraper une grossesse. Cette année encore, la situation risque d’atteindre des proportions alarmantes. «300 cas de grossesse ont été enregistrés dans les écoles à Sédhiou», indique Yadicone Diatta, responsable genre à l’Inspection d’Académie.
Ces chiffres ne sont pas exhaustifs. La réalité est plus grave : «Mes collègues ont découvert d’autres cas de grossesse, non recensés dans les rapports officiels : certaines filles enceintes refusent de se signaler», précise Mme Diatta.
Les enseignants sont souvent accusés d’abuser de leurs élèves. Pourtant, les données révèlent qu’ils ne sont pas les seuls responsables du taux alarmant de grossesse chez les filles en milieu scolaire. Les enquêtes montrent non seulement une maternité précoce, mais une paternité tout aussi problématique. Le profil des présumés pères se recrute désormais dans une catégorie sociale beaucoup plus jeune. «La plupart des auteurs de grossesse ont le même âge que les filles», note Yadicone Diatta.
Pour illustrer cette tendance, elle donne un cas marquant : «Une élève de cinquième engrossée par un garçon de Cm2.» Cette situation est loin d’être anecdotique dans la région. Elle se banalise.
Du coup, certains enseignants de Sédhiou tentent de laver leur honneur et de corriger leur étiquette de «serial engrosseur».
«On nous voit derrière chaque grossesse d’élève, mais on accuse nous parfois à tort» regrette M. Faty enseignant à Sédhiou. Il ne nie pas l’existence des nombreux cas de jeunes filles abusées par des profs ou instituteurs. Mais pour lui, «cela ne doit pas pousser les parents et l’opinion à stigmatiser tous les enseignants». Car, si les élèves filles tombent enceinte en masse à Sédhiou, «les enseignants ne sont pas les seuls auteurs et responsables».
Les raisons des grossesses en série
Les grossesses en milieu scolaire ne sont que le bout de l’iceberg à Sédhiou. La sexualité des adolescents, en général, pose un gros souci, même en dehors du cadre de l’école. D’après Yadicone Diatta, responsable genre à l’Inspection d’Académie ; les 300 cas de grossesse enregistrés cette année en milieu scolaire est un indicateur pertinent de l’ampleur du phénomène dans la société.
Les campagnes de sensibilisation sur la santé sexuelle n’y font rien. Le nombre de grossesses augmente chaque année chez les adolescents. Mme Diatta incrimine des obstacles culturels qui rendent difficile l’inversion de la tendance. «En milieu mandingue, la sexualité reste un gros tabou. On n’en parle pas dans les familles. Les filles ne sont pas éveillées comme leurs sœurs du nord du pays. Elles sont laissées à elles-mêmes sans aucune éducation sexuelle», regrette-t-elle.
Pourtant, sur le terrain des initiatives se multiplient pour barrer la route aux grossesses précoces. Medicos del Mundo (médecins du monde) et l’Inspection d’Académie de la région forment les enseignants des dix collèges en déontologie et en santé de la reproduction. Un centre Ado est ouvert pour écouter les jeunes en situation difficile et les prévenir contre les dangers d’une sexualité précoce.
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