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Les stratégies de développement territoriales pour des villes sénégalaises résilientes

Date:

« Les territoires ne sont plus les cadres où des choses se passent, mais où les choses s’inventent (J-L. Guigou – 1990.

 

Cette affirmation de J-L. Guigou, dont je ne me lasse pas, résume ma position dans mon dernier article où je défendais l’importance de la notion de Territoire dans la prochaine réforme de la politique de Décentralisation. Toujours dans une approche objective, contributive et technique, j’aborde une seconde étape de mon  cheminement discursif. Cette fois ci, l’objectif est de compléter l’approche défendue et étayée précédemment, en insistant sur la méthodologie des SDT (Stratégies de Développement Territorial). Mon intervention se structurera donc comme suit : Dans un premier temps, nous tenterons d’édifier le grand public sur les conditions d’incubation et de conduite des projets issues des Stratégies de Développement Territorial, ensuite, à travers l’ingénierie urbaine, (ou du territoire pour être plus englobant) nous montrerons des cas idéal-typiques appliqués à des exemples nationaux et enfin nous montrerons l’importance de la communication dans la formulation d’une stratégie de développement territoriale.

 La formule des Stratégies de Développement Territorial.

Les SDT complètent les outils classiques d’aménagement du territoire et d’urbanisme municipal. Si ces outils (d’aménagement et d’urbanisme) dits classiques participent à la mise en œuvre de la politique nationale par un cadrage juridique et administratif commun et applicable sur tout le territoire national, les SDT, quant à elles, se penchent sur des problématiques plus complexes en lien direct avec la configuration, les enjeux et les dynamiques du milieu.

En effet, d’un établissement humain à un autre, les formes et les forces qui font les tendances lourdes sur un territoire sont relatives aux réalités géographiques, économiques, sociologiques et environnementales. Chaque municipalité porte en son sein des tendances positives ou négatives. Ces spécificités conjuguées,  déterminent fortement la qualité du cadre de vie, du milieu de vie et du niveau de vie des populations locales. C’est en ce sens, qu’une stratégie de développement territorial a comme finalité la création d’un équilibre propice au développement local. Il s’agit d’identifier et d’infléchir les tendances considérées comme négatives, pour ensuite créer les conditions d’un développement concerté et souhaité.

Il n’y a donc pas d’opposition entre Développement Territorial et Développement Local, nous devrions plutôt parler de complémentarité. Certes, nous concédons que ce lien est subtil, car il s’agit de partir des capitaux collectifs du territoire et des dynamiques territoriales, pour mieux soutenir les efforts de développement économique des différentes localités qui composent le territoire et en se basant particulièrement sur  le capital stratégique de la collectivité.  Les SDT nécessitent alors un grand sens de l’analyse du milieu et des besoins, d’une bonne mesure des risques et des potentialités du milieu, pour formuler ensuite une logique d’intervention adaptée à la problématique traversée par la localité.

Quelques typologies d’intervention spatiale appliquées à des configurations nationales.

Au Sénégal, nous retrouvons ces cas typiques, de communauté  en proie à des difficultés qui relèvent des champs d’intervention des SDT:

Les municipalités en proie à des risques de satellisation :  C’est un exemple classique ou une ville subie les conséquences liées aux développements d’une autre ville. Les municipalités en proie à ces phénomènes doivent être en quête d’une stratégie territoriale pouvant préserver leur autonomie. Cette démarche doit être comprise comme une stratégie de survie légitime pouvant permettre à la collectivité territoriale de consolider son identité propre et ses chances de nouer des échanges fructueux. C’est le cas typique de la ville de Diourbel qui, de plus en plus, est absorbée par le rayonnement de Touba. Diourbel doit impérativement développer des fonctionnalités à l’échelle du territoire du Baol qui peuvent lui redonner une identité plus affirmée. Le fait religieux doit  être tempéré avec de nouvelles fonctionnalités relatives à la situation centrale de ce territoire hautement stratégique et géopolitique (Éducation, militaire, Administrative).

La quête d’une identité : Le territoire d’une collectivité peut se retrouver en situation de déséquilibre avec des contrastes très accentués. Cette quête d’une identité collective concerne tous nos véritables territoires, je veux citer les territoires éco-géographiques et économiquement viables. Ces entités sont en réalité des constructions de  la nature, de l’histoire et de la sociologie. La reconstruction de l’identité de nos territoires est une étape clef pour la marche vers le développement des localités. Dans le cas du Sénégal, le découpage du pays en 14 régions occulte le fait que toutes les localités du Sénégal appartiennent à des territoires qui les déterminent du point de vue économique, historique et sociologique. Ce fait administratif et politicien  aggrave la crise des identités, un recul de l’intercommunalité et une fracture des territoires.

Nous devons reforger les identités des vrais territoires du Sénégal tel que la Casamance, le Baol (seconde établissement humain du Sénégal), le Sine-Saloum (avec l’inclusion de la ville de Mbour), le Oualo( avec l’axe St-louis / Louga pour une diversification des fonctionnalités de cet espace), le Fouta (recomposé avec triangle Podor, Dahra et Matam), le Sénégal oriental ou le Boundou ( avec le renforcement de l’axe Tambacounda et Kédougou ) et ce que j’appelle le Grand-Cap-urbain ou l’axe constitué par les centres urbains autonomes Dakar et Thiès. Même si je considère que ces deux dernières entités sont à séparer.

Toujours sur la quête d’une identité territoriale, nous pouvons donner l’exemple de la situation en Casamance. La crise en Casamance est l’exemple typique et dramatique d’un territoire incompris, au reflexe de survis mal accompagné  et aux tentatives pour une reconnaissance de leur identité mal gérées.

Les bassins en mutation : Certaines collectivités subissent des remous liés aux mutations des activités économiques. Ces fluctuations affectent le taux de chômage, la population active, le vieillissement, le départ des jeunes… On assiste à une déstructuration du tissu économique, une évasion des centres de décision et surtout une dépendance à l’extérieur. Dans cette situation transitoire, l’économique va suivre trois variables possibles : le déclin, la reconversion ou le redéploiement. Les stratégies de développement territorial doivent permettre un avenir économique souhaité en infléchissant les dynamiques identifiées comme négatives. Nous pouvons prendre comme illustration, le déclin de l’arachide et toutes ces conséquences  dans le Sine-Saloum. C’est fort de ces expériences de déclin généralisé sur toute une région que nous accordons beaucoup d’importance à la multifonctionnalité des territoires afin de ne plus fonder le développement économique sur une seule activité d’exploitation d’une ressource générique. De ce fait, sur un territoire éco-géographique avec une stratégie de développement comprenant la multifonctionnalité territoriale, les difficultés d’une activité économique ne peuvent entrainer le déclin du système économique local et encore moins causer des répercussions sur l’économie nationale.

Les effets de couloir : Certaines villes sont dans des situations stratégiques particulières, notamment celles qui sont dans des « axes de passage ». Ces collectivités locales sont conscientes de l’importance de leur situation de « traits d’union » mais aussi des risques de devenir de simple couloir de passage. Les stratégies de développement territorial doivent réussir le pari d’une collectivité d’ouverture, d’accueil et de coopération tout en réaffirmant l’identité locale. L’exemple d’une ville située dans des « axes de passage »  et ayant bénéficier et ensuite subi « les effets de couloir » est bien évidemment la ville de Thiès. Son identité fut forgée autour du chemin de fer d’ou le sobriquet de « la ville aux deux gares ». Cependant, parce que la ville n’avait pas développé une identité autre et/ou multiple, la ville de Thiès  ne s’est toujours pas relevée du déclin des chemins de fer. Cette identité d’une ville de cheminot demeure telle une chimère dans le cœur des Thiessois, alors que le rayonnement économique s’est envolé depuis belle lurette. Aujourd’hui, cette situation de ville « trait d’union » doit être exploitée dans le cadre d’une politique nationale de mobilité entre les territoires du Sénégal. Cette action de reconnexion des territoires, au nom de la continuité du territoire de la nation sénégalaise, doit être axée sur un retour hautement stratégique du chemin de fer.

Les Zones de convergences : Pour plusieurs raisons possibles, certaines collectivités territoriales se retrouvent en situation de congestion et cela entraine des conséquences graves sur le cadre de vie et la santé économique. Ces situations de ralentissement du rythme de vie peuvent être la résultante d’une configuration géographique, d’un déficit des infrastructures, d’un service urbain inadéquat. Les stratégies de développement territorial doivent atténuer les îlots de chaleurs causées par la pollution intense, améliorer la qualité de l’aire et permettre une meilleure circulation des biens et services. Il est important de souligner qu’il faudra agir à la fois sur l’offre de service et la demande de service notamment sur la question des transports. Pour ce cas d’école, la ville de Dakar est le cas parfait.

Ces cas d’école sont loin d’être exhaustifs, car ils ne peuvent rendre compte de la dimension complexe d’un territoire spécifique  et des jeux d’acteurs. Cependant, ils montrent assez bien, la particularité des enjeux et la nécessité d’une action portée par les acteurs locaux.

Le rôle de la communication dans les Stratégies de développement territorial.

Les SDT impulse une dynamique développementale avec une stratégie de développement territorial axée sur la communication.  La démarche repose sur les capacités dynamiques de la collectivité, avec comme objectif d’agir sur la coordination, l’apprentissage et la transformation : c’est ce qu’on appelle le processus organisationnel. A l’issu de ce processus itératif et inclusif, le territoire doit être lisible et attrayant tant du point de vue de son organisation globale, de sa composition spatiale que de son orientation stratégique. Les acteurs ont une compréhension plus complète de l’état de complexité de leur milieu et leur aptitude à communiquer sur les enjeux de leur territoire devient un atout décisif. C’est à ce moment que les TIC (technologies de l’information et de la communication) deviennent alors un excellent booster à travers les projets de portail collectif.  Le portail collectif témoigne de l’identité du territoire, de son organisation citoyenne et surtout de son projet de territoire. C’est un lien subtile entre visibilité et accessibilité et cette action peut être poussée jusqu’au marketing territorial avec une dimension prospective qui vient en support au projet et à la stratégie de développement territorial formulés.

L’intérêt stratégique de comprendre le fonctionnement des ces dynamiques se trouve dans le fait qu’elles mettent à nu les configurations des acteurs et des logiques réseautiques sous-jacentes. Le portail collectif, dans le cadre des stratégies de développement territorial, met en forme la combinaison d’un réseautage des acteurs territoriaux en lien avec les dynamiques territoriales. C’est la naissance d’un SIT (Le système d’information territorial), la base indispensable de tout développement durable d’un territoire.        

Conclusion

La veille scientifique portant sur les méthodes et techniques des stratégies de  développement  territorial démontre  la nécessité pour le Sénégal de se mettre au diapason des méthodes et techniques d’intervention sur le territoire afin de réussir le pari d’un développement durable et équitable. Après avoir forgé notre renommée (les sénégalais) dans la sous-région grâce à la notoriété de nos penseurs et à la finesse de leurs plumes, nous devons nous recycler avec un pragmatisme pouvant nous garantir de remporter le pari de la méthodologie et des technologies. Dans l’ouest  africain, le Sénégal doit se hisser au rang de pays détenteurs d’un savoir et d’un savoir faire (matière grise, maitrise des technologies et main d’œuvre qualifiée) pouvant impulser les leviers du développement économique.

Sur cette question, la règle est simple, la qualité d’une politique publique ne se mesure qu’à l’aune des résultats obtenus sur la base d’indicateurs objectivement vérifiables. Pour ce faire, nous devons suivre l’adage nord américain : « Plan your work and work your plan». En bon français, il traduit simplement la nécessité d’une phase d’incubation et de préparation d’un plan de travail pour ensuite passer à une phase opérationnelle avec une exécution rigoureuse du plan arrêté. C’est vrai que le  Ouolof dit : « nanouko deff boguiss, nanou ko wakhe moko djitou », mais nous avons tendance, nous sénégalais, à nous suffire de la  première phase…

Moussa bala fofana – Montréal – CANADA

Ancien Conseiller Technique de Cabinet Ministériel 

Cadre Responsable de la Planification de la Politique des Pouvoirs publics

– Ingénieur d’étude territoriale (Aménagement et Urbanisme) de l’INPL –

  Institut National Polytechnique de la Lorraine NANCY – FRANCE

– Spécialiste en Sociologie Urbaine, du Développement, des  Organisations et de l’Action  Publique

– Expert en Développement Territorial, Développement Local et Transfrontalier

[email protected]

Dakar-Ville

 

4 Commentaires

  1. Depuis les indépendances on théorise sur le développement, et sur les voies et moyens d’y arriver
    Là on en a assez , tous ce que le peuple veux c’est « manger à sa faim, boire »

    Notre developpement ne passera pas par des « experts en développements », je mets entre guillemets cette expression car je la trouve très bizarre

    Tous ce que je vois dans ce texte c’est que le Sénégal compte des gens qui savent écrire des textes, qui savent manier la langue de molière. Mais celà on l’a toujours eu.

    Tous ceci me rappel le baol baol qui n’a jamais eu de master et qui pourtant développe son entreprise de façon remarquable.
    Peut etre faudrait confier le pays à ces gens pour qu’il le développe, je suis sur qu’ils perdons pas leurs temps à écrire de super bon rapports.

    • toi tu m’as l’air d’un jaloux…ce gar nous dit que pour manger et boire comme tu dis il faut s’occuper des nos territoires et partir de nos réalités. lui au moins il a pris le temps de réfléchir et proposer quelque chose de concrete. toi tu propose koi?

  2. Le sénégal n’est pas pret pour avoir des batiments de cette taille et vivre en copropriété.
    La vie en copropriété suppose un minimum de choses qui n’existe pas au sénégal
    D’abord il faut un code de la copropriété qui résume les droits et devoirs de chaque copropriétaire.
    Ensuite il faut que les habitants aient une certaine éducation et le respect des autres.
    Ce qui n’existe pas au sénégal ou:
    Chaque sénégalais a le droit de cirer toute la nuit sous pretexte de chants religieux et la police n’y peut rien puisqu’elle est elle même une police à la fois corrompue et une police composée de fidéles talibés.
    Chaque sénégalais peut refuser de payer les frais de refections des parties communes.
    Chaque sénégalais peut avec ses 4 femmes et ses enfants obstruer les canaux, salir, faire du bruit, crier à des heures ou les autres peuvent avoir envi de dormir.
    En résumé, ne prenez pas les photos des autres villes, chaque pays a ses réalités, commencons par régler le probléme de la droque dans la police des mouroirs dan,s les hopitaux etc.

  3. Quand le Président Wade a eu l’idée de bâtir une grande Ville moderne à Niague-Niassène, répondant à notre manière de vivre la modernité, d’aucuns ont cru pouvoir l’atteindre en s’y opposant . Les plans étaient déjà ficelé avec les architectes PIERRE GOUDIABY ATEPA et son collègue AYOUB mondialement connus. Le Président Macky Sall doit impérativement ressusciter ce grand projet qui permettrait de faire travailler nos ouvriers, techniciens et architectes pendant au moins cinq ans sans interruption .
    Il serait possible de construire cette Ville nouvelle sur trois kilomètre/ 2,5 avec des Lacs, jardins. IL FAUDRAIT QUE LES GRANDS PROMOTEURS S ‘APPROPRIENT LES GRANDES ARTERES AVENUES, BOULEVARDS POUR L’ EDIFICATION D’IMMEUBLES ET les intérieurs réservés aux habitations plein pied et R+ 3 maximum !

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