Le Sénégal fait partie des pays où le phénomène de la corruption est le plus présent. Cette situation a connu des pics durant les années Wade. Les baromètres de l’indice de perception de la corruption ont toujours indiqué des situations préoccupantes concernant le Sénégal. Et comme pour ne rien arranger, le Président Abdoulaye Wade avait été pris la main dans le sac, dans une tentative de corruption d’un fonctionnaire international en la personne de Alex Segura, représentant du Fonds monétaire international. C’est dire que le discours sur la corruption au Sénégal trouve des oreilles attentives et le Président Macky Sall avait déclaré vouloir faire de la lutte conte la corruption un des axes fondamentaux de sa gouvernance. Il est donc attendu sur la question et force est de dire qu’il a eu à poser des actes réconfortants.
La traque des biens mal acquis, avec non seulement la réactivation de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) mais aussi la transmission au parquet de la République de tous les dossiers des audits en souffrance entre le Cabinet du président de la République et celui du ministre de la Justice, constitue, si besoin en est, la preuve d’une volonté farouche de juguler le fléau de la corruption. La semaine dernière, le président de la République a décidé de nommer Mme Nafi Ngom Keïta, à la tête de l’Office national anti-corruption (Ofnac). Déjà, la création de cette institution, quelques mois plus tôt, constituait une avancée significative dans la lutte contre la corruption. En effet, l’Ofnac, avec des garanties réelles d’indépendance, vient combler toutes les carences de la Commission nationale de Lutte contre la non-transparence, la concussion et la corruption. Ainsi, l’Ofnac, qui en outre reçoit les déclarations de patrimoine des autorités publiques et autres dépositaires ou gestionnaires de biens publics, s’est vu doter de moyens d’intervention supplémentaires comme le pouvoir d’auto-saisine et le pouvoir de saisine directe du procureur de la République. L’Ofnac devra publier lui-même son rapport annuel. Cette prérogative épouse celle de la Cour des comptes et se révèle un gage de transparence. Dire qu’il avait fallu l’affaire Jérôme Cahuzac en France pour que le Président François Hollande «n’empruntât» au Sénégal ses textes sur l’Ofnac pour les adapter à une «Haute Autorité pour la moralisation de la vie publique». Seulement, «les institutions ne valent que ce que valent les personnes qui les animent» et le choix porté sur Mme Nafi Ngom Keïta est porteur d’espoirs. Nafi Ngom Keïta avait été nommée en 2006 à la tête de l’Inspection générale d’Etat. Elle initia aussitôt une réforme qui institua la fonction de Vérificateur général pour un mandat de 7 ans non renouvelable. Nafi Ngom Keïta insistera pour se faire appliquer ce nouveau texte bien que d’autres, à sa place, auraient pu trouver des arguments juridiques pour éviter la rétroactivité de la loi. Mieux, Nafi Ngom Keïta, à la fin de ses fonctions de Vérificateur général, avait cherché à prendre un congé sabbatique pour glaner quelques titres universitaires aux Etats-Unis d’Amérique. Mais le Président Macky Sall lui imposera d’autorité la camisole de l’Ofnac. Nafi Ngom Keïta avait été connue infirmière d’Etat avide de connaissances et persévérante. Elle a fait tous les escaliers de la Fonction publique sénégalaise pour être tour à tour secrétaire d’administration, administrateur civil avant de réussir au prestigieux concours de l’Inspection générale d’Etat. Personne ne peut contester son mérite ou ne peut pointer une tache sur son uniforme immaculé. Elle a donc le profil de l’emploi pour ce chantier aussi important pour le devenir de la Nation. En effet, il n’y a pas de challenge plus important pour le Sénégal que la lutte contre la corruption et ceci à tous les niveaux. Il n’est certes pas évident que des succès en matière de lutte contre la corruption puissent être comptabilisés sur le plan électoral quand les populations sont préoccupées par le pain quotidien. Aux échéances électorales prochaines, ce ne seront pas des réalisations visibles pour les électeurs comme le seront les routes, les ponts, les hôpitaux ou les écoles mais le fait de faire reculer la corruption dans ce pays serait un beau succès politique. On pourrait le considérer comme une réalisation immatérielle et en gagnant la bataille contre la corruption, le gouvernement réduirait les coûts des infrastructures et permettrait des économies colossales et garantirait les investissements. Dans des situations de crise économique et de difficultés de trésorerie, le penchant naturel est de voir l’argent circuler, quel que puisse être son niveau de propreté du reste, mais à la vérité, faire disparaître la corruption et assurer la transparence constituent le meilleur viatique pour les générations futures. Il y a urgence à réformer la société et surtout de faire un travail de conscientisation, afin que l’usager de l’Administration ne soit plus obligé d’acheter des passe-droits. Parmi ces urgences, on ne le dira jamais assez, la réforme de la Police nationale s’impose en priorité, suite au scandale sur l’existence de réseaux liés au trafic international de drogue au sein de la police et qui impliqueraient des sommités de la hiérarchie policière. Il s’avère nécessaire de mettre notamment en place une prévôté, avec des moyens d’action suffisants, qui descendra sur le terrain pour traquer les flics ripoux et leur appliquer des sanctions rigoureuses. Il s’agira de donner le la aux ripoux et aux fripouilles. Aussi, devrait-on rendre plus sélectif le recrutement pour l’accès aux corps de la Police nationale.
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Christophe Chenebault
Comment peut-on corrompre un haut fonctionnaire en fin de mission et partant, un haut fonctionnaire qu’on a passé tout son temps à combattre quand il était de service ?
Nous sommes tous d’accord : La transparence qu’on invoque est devenue une exigence permanente dans toutes les démocraties, mais au Sénégal, j’ai l’impression qu’on voudrait faire les choses à moitié en refusant de faire en sorte que des mesures soient prises pour assainir la vie publique.
Il faudrait que les Ministres et les parlementaires qui ont obligation de faire leurs déclarations de patrimoines les fassent avec un maximum de garantie dans la sincérité, avec un contrôle effectif en début et en fin de mandats.
Ces déclarations devraient, à la limite être publiées, mais le but de l’opération est de prévenir tout enrichissement illégal des élus.